N° P.23.1170.F
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
C. I.,
prévenu, détenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 14 juillet 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 12 septembre 2023.
À l’audience du 20 septembre 2023, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 71 du Code pénal. Il reproche à l’arrêt de se contredire en acquittant le défendeur des faits mis à sa charge avant d’ordonner son internement. Selon le demandeur, l’article 71 du Code pénal ne peut pas être appliqué lorsque le juge ordonne l’internement du prévenu.
En vertu de l’article 71 du Code pénal, il n'y a pas d'infraction lorsque le prévenu était atteint, au moment des faits, d'un trouble mental qui a aboli sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes.
Par ailleurs, conformément à l’article 9, § 1er, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement, les juridictions de jugement peuvent ordonner l'internement d'une personne qui a commis un crime ou un délit portant atteinte à ou menaçant l'intégrité physique ou psychique de tiers, qui, au moment de la décision, est atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et pour laquelle le danger existe qu'elle commette à nouveau de tels faits, en raison de son trouble mental, éventuellement combiné avec d'autres facteurs de risque.
D’une part, l’article 71 du Code pénal ne contient pas de distinction selon que le trouble mental qui a aboli la capacité de discernement du prévenu ou celle de contrôle de ses actes a pris fin ou perdure au moment où le juge est amené à statuer. D’autre part, l’article 9, § 1er, de la loi précitée ne déroge pas audit article 71, mais se borne à prévoir une mesure destinée à protéger la société et le prévenu, lorsque le trouble mental dont ce dernier est affecté existe toujours au moment où le juge statue.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que lorsque le prévenu était atteint, au moment des faits, d'un trouble mental qui a aboli sa capacité de
discernement ou de contrôle de ses actes et que cet état perdure au moment de la décision du juge, ce dernier, après avoir constaté que les faits mis à charge du prévenu sont établis et que les autres conditions sont réunies, peut ordonner l’internement ; dans ce cas, il constate d’abord qu’il n’y a pas d’infraction et, ce faisant, il ne lui est pas interdit de prononcer l’acquittement.
Dans la mesure où il procède d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Et en tant qu’il revient à postuler que l’emploi, par les juges d’appel, du terme « acquittement » équivaut au constat qu’il n’est pas établi que le défendeur a commis les faits qualifiés infraction, le moyen manque en fait.
L’arrêt constate qu’au moment des faits, le défendeur était atteint de troubles mentaux qui ont aboli sa capacité de discernement et de contrôle de ses actes, de sorte qu’il « doit bénéficier de la cause de non-imputabilité psychique prévue [par] l’article 71 du Code pénal ». Il ajoute que « bien que les faits […] sont incontestablement établis sur le plan matériel, il résulte de la constatation que le prévenu était atteint, au moment de leur commission, d’un trouble mental grave qui a aboli sa capacité de discernement et de contrôle de ses actes, qu’il ne peut en être tenu pour pénalement responsable sur le plan moral et qu’il n’est pas admissible à une sanction répressive. Il convient partant de prononcer son acquittement ».
Ensuite, aux paragraphes 15 et 16 de leur décision, les juges d’appel ont énoncé les motifs aux termes desquels ils ont considéré que ce trouble mental grave était toujours présent au moment de rendre leur décision.
Enfin, au dispositif, avant de confirmer le jugement qui a ordonné l’internement, l’arrêt acquitte le défendeur « déclaré pénalement irresponsable par application de l’article 71 du Code pénal ».
Sans encourir le grief de contradiction dont le moyen l’accuse, l’arrêt motive régulièrement et justifie légalement la décision des juges d’appel que les
faits reprochés au défendeur, qui ont été jugés établis, ne forment pas une infraction, et que le trouble mental dont ce dernier était alors atteint étant toujours présent, il y avait lieu d’ordonner son internement.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l’État.
Lesdits frais taxés à la somme de cinquante-six euros dix centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.