N° C.22.0449.F
S. A.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE LIÈGE, dont l’office est établi à Liège, au Palais de justice, place Saint-Lambert, 16,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 24 juin 2022 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Suivant l’article 138bis, § 1er, du Code judiciaire, dans les matières civiles, le ministère public intervient par voie d’action, de réquisition ou, lorsqu’il le juge convenable, par voie d’avis ; il agit d’office dans les cas spécifiés par la loi et en outre chaque fois que l’ordre public exige son intervention.
Il ne résulte pas de cette disposition que l'action d'office appartient au ministère public chaque fois qu’une disposition d’ordre public ou concernant l’ordre public a été violée. Les exigences de l’ordre public qui, au sens de cette disposition, peuvent justifier pareille intervention impliquent que l’ordre public soit mis en péril par un état de choses auquel il importe de remédier.
En considérant que, « compte tenu de [l’article précité], le ministère public qui n’intervenait en première instance que par la voie de l’avis dispose d’un droit d’appel dans la cause, qui intéresse l’ordre public », que « l’état des personnes est une notion d’ordre public et […] s’oppose dès lors, par son caractère notamment d’indisponibilité, à ce qu’il dépende de la seule volonté des parties de modifier à leur gré la situation particulière que leur impose la nature et la loi », que « l’état d’une personne est la situation qu’elle occupe dans la famille ou dans la cité, et le point de vue sous lequel on l’envisage dans ces deux grands groupements de notre société », que, « à la nationalité, la parenté ou l’alliance peut aussi se joindre la notion proche, quoique distincte, de capacité », que « les effets juridiques de l’état des personnes et de la nationalité sont indissociables de l’organisation des rapports sociaux et de l’organisation de l’État », « qu’ils ont des conséquences sur différents points, dont le droit au séjour ou les conditions d’acquisition de la nationalité (voir notamment, pour les apatrides, l’article 18, § 2 [lire : 19, § 2, du] Code de la nationalité) qui relèvent incontestablement de l’ordre public, de sorte que la reconnaissance du statut d’apatride est susceptible de mettre en péril l’ordre public et qu’il importe de remédier à l’éventuelle reconnaissance injustifiée de la qualité d’apatride », sans rechercher si l’ordre public est mis en péril par la reconnaissance de l’apatridie de la demanderesse, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision que l’appel du ministère public est recevable.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du huit septembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.