N° P.23.1189.F
A M.,
inculpé, détenu sous surveillance électronique,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Justine Doigni, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 août 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’avocat général Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 16, §§ 1er et 5, 22, alinéas 5 et 6, et 30, § 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Dans la mesure où il invoque la violation de l’article 22, alinéa 5, de la loi précitée, sans indiquer en quoi l'arrêt violerait cette disposition, le moyen est imprécis, et, partant, irrecevable.
Quant à la première branche :
Le moyen reproche à l’arrêt de fonder la subsistance des risques de commission de nouveaux crimes ou délits et de soustraction à l’action de la justice sur des motifs stéréotypés, déjà invoqués dans les deux précédents arrêts rendus respectivement le 19 avril 2023 et le 26 mai 2023, sans rattacher l’examen de ces risques, pourtant invoqués dans les conclusions du demandeur déposées à l’audience, aux données de fait de la cause et aux éléments de personnalité révélés par l’instruction. Selon le moyen, le demandeur qui a été placé sous mandat d’arrêt le 21 février 2023, c’est-à-dire il y a plus de cinq mois, ne peut vérifier si la décision de prolongation de la détention préventive résulte ou non d’un examen actualisé, précis et individualisé des éléments de la cause.
La circonstance que, pour justifier la persistance d’un ou plusieurs des risques énoncés à l’article 16, § 1er, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990, la juridiction d’instruction réitère des motifs qui ont déjà été mentionnés dans des décisions antérieures de maintien de la détention préventive, n’est pas, à elle seule, révélatrice d’une méconnaissance de la nécessaire individualisation et du caractère exceptionnel de la détention préventive. En effet, s’il y a lieu et pour autant qu’il n’en résulte aucun automatisme, la juridiction d’instruction peut considérer, au terme d’une appréciation actualisée, précise et personnalisée des éléments de la cause, que des motifs invoqués dans des décisions antérieures demeurent pertinents et actuels.
En tant qu’il est fondé sur une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
L’arrêt constate que les circonstances de fait de la cause et celles liées à la personnalité du demandeur subsistent, qu’elles répondent aux critères visés à l’article 16, § 1er, de la loi du 20 juillet 1990, et qu’elles justifient le maintien de la détention.
S’agissant de ces critères, la décision attaquée énonce qu’il subsiste de sérieuses raisons de craindre que, s’il était remis en liberté, le demandeur commette de nouveaux crimes ou délits, eu égard au caractère particulièrement lucratif, itératif et organisé des activités auxquelles il semble s’adonner. En outre, selon les juges d’appel, il subsiste aussi de sérieuses raisons de craindre que le demandeur se soustraie à l’action de la justice, étant donné qu’il est sans domicile ni résidence officiels en Belgique, et qu’il semble avoir des attaches familiales sérieuses en Albanie où il indique avoir récemment passé plusieurs semaines.
En réponse aux conclusions du demandeur qui, à titre principal, sollicitaient une remise en liberté sous conditions, et, à titre subsidiaire, une libération sous conditions et sous caution, la chambre des mises en accusation a jugé que de telles mesures ne s’indiquaient pas dès lors qu’elles ne présentent aucune garantie pour la sécurité publique et ne permettent pas, au stade actuel de la procédure, de rencontrer les risques précités. L’arrêt précise que les montants de deux mille, voire cinq mille euros sont largement insuffisants pour garantir la représentation du demandeur aux différents stades de la procédure, eu égard à l’actif illicite qui pourrait résulter des activités de l’organisation criminelle à laquelle il est suspecté d’appartenir, mais aussi à la possibilité qu’une partie de cet actif ait été dissimulé à l’étranger.
Les juges d’appel ont également relevé que l’instruction, d’une complexité et d’une ampleur particulière, notamment en raison de sa dimension internationale, s’était jusqu’à présent poursuivie sans désemparer, et que, selon les informations soumises par le ministère public, les réquisitions finales avaient été établies. En outre, la chambre des mises en accusation a constaté que le dossier était actuellement fixé le 11 août 2023 en vue de contrôler la régularité des méthodes particulières de recherche.
Contrairement à ce que le moyen soutient, il ressort de ces motifs que la chambre des mises en accusation a procédé, pour justifier le maintien de la détention préventive du demandeur, à un examen actualisé, précis et individualisé des circonstances de fait de la cause et de celles liées à sa personnalité.
Ainsi, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Dans la mesure où il soutient que le demandeur ne peut pas vérifier si un contrôle actualisé, précis et individualisé des circonstances précitées a été effectué ou non, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
En vertu de l’article 35, §§ 1er, alinéa 1er, 2 et 4, alinéa 1er, et 5, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, dans les cas où la détention préventive peut être ordonnée ou maintenue dans les conditions prévues à l’article 16, § 1er, de cette loi, la juridiction d’instruction peut, en motivant sa décision conformément aux dispositions de l’article 16, § 5, premier et deuxième alinéas, mettre l’inculpé en liberté en lui imposant le paiement préalable et intégral d’un cautionnement, dont elle fixe le montant.
Il ne résulte pas de cette disposition ni d’aucune autre disposition légale que, lorsqu’elle considère, comme en l’espèce, que le montant proposé par l’inculpé ou celui fixé par la chambre du conseil est insuffisant et ne permet pas de garantir la sécurité publique ni d’éviter la réalisation d’un ou plusieurs des risques mentionnés à l’article 16, § 1er, la chambre des mises en accusation doive indiquer dans sa décision quel montant supérieur serait suffisant pour garantir la sécurité publique et éviter les risques constatés.
Fondé sur l’affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
Quant à la troisième branche :
Le demandeur soutient que les juges d’appel n’ont pas répondu à la défense invoquée dans ses conclusions selon laquelle le maintien de la détention préventive sous la modalité de la surveillance électronique n’était plus absolument nécessaire au moment de la décision, eu égard à l’évolution de l’instruction et de sa situation individuelle.
Réitérant le grief vainement allégué à la première branche, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante et un euros onze centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles, où siégeaient Erwin Francis, conseiller faisant fonction de président, Bart Wylleman, Eric de Formanoir, François Stévenart Meeûs et Sven Mosselmans, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux août deux mille vingt-trois par Erwin Francis, conseiller faisant fonction de président, en présence de Bart De Smet, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.