N° P.23.1060.F
Y. S.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Samuel Rwanyindo et Thomas Bartos, avocats au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 juin 2023 par la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation, sous le numéro de rôle 2023/CK35/22.
Le demandeur présente un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Stijn Ravyse a conclu.
II. LES FAITS
Tels qu’ils ressortent des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, les faits et antécédents de la procédure sont les suivants :
1. Le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire avec maintien en détention en vue de l’éloignement notifié le 7 décembre 2022 et prenant cours le 16 décembre 2022.
Le 26 mai 2023, il adresse à la chambre du conseil du tribunal de première instance du Hainaut une requête de mise en liberté fondée sur l’article 71 de loi du 15 décembre 1980, en contestant la légalité de ce titre, dont il est débouté par une ordonnance rendue le 2 juin 2023 par la chambre du conseil du tribunal de première instance du Hainaut.
Par l’arrêt attaqué du 20 juin 2023, la cour d’appel, chambre des mises en accusation, confirme la décision entreprise.
2. Le demandeur adresse également, à la même date du 26 mai 2023, une requête de mise en liberté visant à contester la légalité de la première décision de prolongation de sa détention fondée sur l’article 7, alinéas 1, 2 et 3, de la loi du 15 décembre 1980, qui lui a été notifiée le 15 février 2023 pour deux mois.
Il en est également débouté par une ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance du Hainaut du 2 juin 2023, décision confirmée par la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation, dans un arrêt rendu le 20 juin 2023 sous le numéro de rôle 2023/CK35/23.
Un pourvoi est introduit contre cet arrêt le 23 juin 2023 et fait l’objet d’une procédure sous le numéro de rôle P.23.1061.F.
3. Une deuxième prolongation de la détention est notifiée au demandeur le 14 avril 2023 pour une durée d’un mois.
Par une ordonnance du 28 avril 2023, la Chambre du conseil du tribunal de première instance du Hainaut, statuant sur la requête de l’État belge du 21 avril 2023, confirme la légalité de cette décision de prolongation.
Aucun recours n’est introduit contre cette ordonnance.
4. Une troisième prolongation est notifiée au demandeur le 15 mai 2023 pour une durée d’un mois.
Par une ordonnance du 23 mai 2023, la chambre du conseil du tribunal de première instance du Hainaut déclare la requête de l’État belge recevable et fondée.
Par un arrêt du 9 juin 2023, la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation, confirme cette ordonnance. Le demandeur introduit le 23 juin 2023 un pourvoi contre cet arrêt sous le numéro de rôle P.23.1059.F.
5. Une quatrième prolongation de détention est notifiée au demandeur le 15 juin 2023.
Par un arrêt du 11 juillet 2023, la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation, rejette le recours du demandeur contre l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance du Hainaut du 27 juin 2023 déclarant recevable et fondée la requête de l’État belge.
6. Une cinquième prolongation de détention est notifiée au demandeur le 14 juillet 2023.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Pris de la violation des articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, ainsi que de l’article 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen fait grief à l’arrêt de déclarer sa requête de mise en liberté irrecevable alors que le titre autonome que constitue la décision de maintien comprise dans l’ordre de quitter le territoire du 5 décembre 2022 n’a jamais fait l’objet d’un contrôle par une juridiction d’instruction et que le délai d’attente d’un mois auquel l’arrêt fait référence n’est pas d’application. Il soutient encore que le demandeur serait privé de son droit de contester la légalité du titre de détention au motif qu’il n’aurait pas exercé ce droit une fois placé en centre fermé.
En vertu de l’article 71, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, l’étranger qui fait l’objet d’une mesure privative de liberté en application de l’article 7 peut introduire un recours contre cette mesure en déposant une requête auprès de la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu de sa résidence dans le Royaume ou du lieu où il a été trouvé.
L’article 71, alinéa 4, de la loi dispose que, toutefois, lorsque, conformément à l’article 74, le ministre a saisi la chambre du conseil, l’étranger ne peut introduire le recours visé contre la décision de prolongation du délai de la détention ou du maintien qu’à partir du trentième jour qui suit la prolongation.
En vertu de l’article 74 de la loi, lorsque le ministre décide de prolonger la détention ou le maintien de l’étranger en application des dispositions visées, il doit saisir par requête dans les cinq jours ouvrables de la prolongation, la chambre du conseil du lieu de la résidence de l’étranger dans le Royaume ou du lieu où il a été trouvé, afin que celle-ci se prononce sur la légalité de la prolongation.
Il suit de la combinaison de ces dispositions que le délai d’attente prévu à l’article 71, alinéa 4, n’est pas applicable lorsque l’étranger exerce un recours fondé sur l’article 71, alinéa 1er, en vue de contester la légalité d’un titre qui n’a pas fait l’objet d’une procédure d’examen sur la requête de l’État belge en vertu de l’article 74.
L’arrêt attaqué constate que, par « la requête adressée le 26 mai 2023 […] à la chambre du conseil […] sur la base de l’article 71 de la loi du 15 décembre 1980, [le demandeur] conteste la légalité de l’ordre de quitter le territoire avec décision de maintien du 5 décembre 2022 qui lui a été notifié le 7 décembre 2022 ».
Après avoir relevé que la détention administrative du demandeur a été prolongée une première fois pour deux mois le 15 février 2023, une deuxième fois le 14 avril 2023 et qu’enfin, « le 15 mai 2023, [le demandeur] s’est vu notifier une nouvelle décision de prolongation de sa détention pour un mois jusqu’au 15 juin 2023 prise par madame le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration », l’arrêt attaqué, qui sur le fondement de ce que « le 17 mai 2023, [celle-ci] a déposé devant la chambre du conseil […] une requête basée sur l’article 74 de la loi du 15 décembre 1980 visant à confirmer la légalité de sa décision de prolongation de la détention » du 15 mai 2023, considère que « le délai visé à l’article 74, alinéa 4, n’a pas été respecté », ne justifie pas légalement sa décision que « la requête adressée par [le demandeur] le 26 mai 2023 […] était irrecevable.
Le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Laisse les frais à charge de l’Etat ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quarante-trois euros cinquante-cinq centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles, où siégeaient Erwin Francis, conseiller faisant fonction de président, Bart Wylleman, Marie-Claire Ernotte, Ilse Couwenberg et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du huit août deux mille vingt-trois par Erwin Francis, conseiller faisant fonction de président, en présence de Stijn Ravyse, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.