N° P.23.0926.F
S. L.,
inculpé,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Antoine Leroy, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 juin 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Pris de la violation de la foi due aux actes, le moyen reproche à l’arrêt de considérer que le demandeur a invoqué la nullité de l’ordonnance du juge d’instruction du 19 avril 2023, aux termes de laquelle l’intéressé a été mis en liberté moyennant l’obligation de respecter plusieurs conditions. Il fait valoir que ni dans la requête déposée en vue de la levée de tout ou partie de ces conditions ni dans ses conclusions d’appel, le demandeur n’a soutenu que cette ordonnance était nulle.
Pareil moyen ne critique pas un motif des juges d’appel qui cause grief au demandeur.
Partant, dépourvu d’intérêt, le moyen est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
Donnent ouverture à cassation, les contradictions entre les motifs, ou entre les motifs et le dispositif, ou entre les dispositifs d’une même décision.
La considération, selon l’arrêt attaqué, que le demandeur aurait sollicité le prononcé de deux décisions qui, à l’estime de ce dernier, seraient inconciliables ne constitue pas une telle contradiction.
A cet égard, le moyen manque en droit.
Et l’énonciation, accusée par le moyen d’obscurité, que le demandeur aurait « en réalité sollicité sa remise en liberté », alors qu’il n’est pas détenu mais déjà en liberté moyennant le respect de conditions, ne lui cause aucun grief.
Dans cette mesure, dépourvu d’intérêt, le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 16, § 1er, 35, § 1er, et 37, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Selon le moyen, il suit de l’article 35, § 1er, de la loi relative à la détention préventive et du renvoi qu’il contient à l’article 16, § 1er, de la même loi, que la légalité de la décision par laquelle le juge d’instruction laisse l'inculpé en liberté en lui imposant de respecter une ou plusieurs conditions, pendant le temps qu'il détermine et pour un maximum de trois mois, est subordonnée au constat, par ce magistrat, qu’il existe une absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner un mandat d'arrêt. Partant, dans la mesure où l’ordonnance du juge d’instruction, du 19 avril 2023, énonçait qu’ « il n’y a […] pas d’absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner mandat d’arrêt à charge [du demandeur] », les juges d’appel étaient tenus d’ordonner le retrait des conditions imposées aux termes de cette décision du magistrat instructeur.
Le moyen ne précise pas en quoi l’arrêt attaqué méconnaîtrait l’article 37, alinéa 1er, de la loi relative à la détention préventive.
Dans cette mesure, imprécis, le moyen est irrecevable.
Conformément à l’article 35, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à la détention préventive, dans les cas où la détention préventive peut être ordonnée ou maintenue dans les conditions prévues à l'article 16, § 1er, de la même loi, le juge d'instruction peut laisser l’inculpé en liberté en lui imposant de respecter une ou plusieurs conditions, pendant le temps qu'il détermine et pour un maximum de trois mois.
L’article 16, § 1er, alinéa 1er, de cette loi prévoit que la décision du juge d’instruction de placer l’inculpé sous mandat d’arrêt est seulement possible lorsque l'absolue nécessité pour la sécurité publique justifie la prise d’une telle mesure.
La condition d’absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner un mandat d’arrêt doit être appréciée en fonction de la possibilité offerte au juge d’instruction d’ordonner des mesures alternatives, étant la libération sous caution ou sous conditions.
Il suit de la combinaison des articles 16, § 1er, alinéa 1er, et 35, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à la détention préventive que l’absolue nécessité pour la sécurité publique de recourir à la contrainte envers l’inculpé peut tantôt justifier son placement sous mandat d’arrêt, tantôt se satisfaire d’un encadrement décidé conformément à l’article 35, § 1er, alinéa 1er, précité.
En tant qu’il postule que le constat, par le juge d’instruction, de l’absence d’absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner un mandat d’arrêt à charge de l’inculpé interdit en outre à ce magistrat de considérer qu’il existe une absolue nécessité pour la sécurité publique de subordonner la mise en liberté de l’intéressé à l’obligation de respecter certaines conditions, de sorte que la juridiction d’instruction saisie d’une requête en vue du retrait de ces conditions serait tenue d’y faire droit, le moyen manque en droit.
Par renvoi aux motifs indiqués dans l’ordonnance du juge d’instruction, les juges d’appel ont estimé qu’il n’y avait pas d’absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner un mandat d’arrêt à charge du demandeur.
Ensuite, par motifs propres, ils ont énoncé qu’à supposer les faits établis, la participation du demandeur à ceux-ci emporterait une atteinte grave à la sécurité publique parce qu’elle mettrait en péril les institutions judiciaires et les enquêtes en cours, tout en facilitant l’exécution d’infractions particulièrement graves, tel le blanchiment. L’arrêt ajoute que si le demandeur était libéré sans que le respect de conditions lui soit imposé, il existerait un risque de récidive eu égard au caractère lucratif, itératif et organisé des infractions qu’il est soupçonné d’avoir commises et à ses antécédents judiciaires, ainsi qu’un risque de disparition de preuves et de collusion avec des tiers, membres de l’organisation criminelle et qui n’ont pas encore été identifiés. L’arrêt en conclut qu’il existe une absolue nécessité pour la sécurité publique d’ordonner le maintien des conditions imposées par le magistrat instructeur afin d’encadrer la mise en liberté du demandeur.
Ainsi, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision que s’il n’existait pas d’absolue nécessité pour la sécurité publique de décerner un mandat d’arrêt à charge du demandeur, pareille exigence de lui imposer le respect de conditions était en revanche présente.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-sept euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles, où siégeaient Koen Mestdagh, président de section, Antoine Lievens, Frédéric Lugentz, Marielle Moris et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre juillet deux mille vingt-trois par Koen Mestdagh, président de section, en présence de Thierry Werquin, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.