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28/06/2023 | BELGIQUE | N°P.23.0870.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 juin 2023, P.23.0870.F


N° P.23.0870.F
A. A.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège-Huy,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Sophie Matray, avocat au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en ac

cusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifi...

N° P.23.0870.F
A. A.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège-Huy,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Sophie Matray, avocat au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation, notamment, des articles 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 6 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 15.1 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, 7, 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Le demandeur reproche à l’arrêt de considérer que le risque de fuite suffit pour justifier la privation de liberté d’un étranger retenu en vue de procéder à son éloignement. Il fait valoir que le premier critère à prendre en considération n’est pas le risque susdit mais la constatation qu’il n’existe pas d’autres mesures, moins coercitives, permettant à l’administration d’atteindre son but. Il en déduit que sa rétention viole les articles 15 de la directive Retour et 7, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, et que la privation de sa liberté n’est pas régulière au sens de l’article 5.1, f, de la Convention.
Mais l’alternative à rechercher au vœu de la loi et de la directive ne se borne pas à l’identification d’une mesure moins coercitive comme telle : aux termes mêmes des dispositions invoquées, il doit s’agir d’une mesure dont la même efficacité est garantie malgré son caractère moins contraignant. Cette mesure doit être suffisante, c’est-à-dire apte à assurer la fin à laquelle elle est ordonnée, à savoir l’éloignement.
Par adoption des motifs de l’avis du ministère public, l’arrêt constate que le titre de privation de liberté émis le 30 avril 2023 se fonde sur les éléments suivants :
- le demandeur a été intercepté par la police dans un salon de coiffure où il travaillait en noir ;
- il se trouve en séjour illégal sur le territoire du Royaume depuis plus de dix ans ;
- il n’a pas tenté de régulariser son séjour, hormis une demande de protection internationale clôturée négativement le 26 février 2014 ;
- il n’a pas obtempéré aux ordres de quitter le territoire qui lui ont été notifiés le 15 octobre 2013 et le 19 octobre 2015.
Le visa de ces circonstances satisfait à l’obligation faite au juge de contrôler le respect de la condition de subsidiarité prévue aux articles 15 de la directive Retour et 7 de la loi du 15 décembre 1980.
La chambre des mises en accusation n’était pas tenue d’énoncer en outre les raisons pour lesquelles une autre mesure moins contraignante, telle qu’une assignation à résidence, par exemple, aurait suffi pour assurer l’éloignement de l’étranger.
Les juges d’appel ne se sont dès lors pas dérobés au contrôle de légalité qui leur était imparti.
Le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, le demandeur sollicite que la Cour de justice de l’Union européenne soit interrogée à titre préjudiciel, et en procédure d’urgence, dans les termes suivants : l’article 15 de la directive Retour peut-il être interprété comme n’exigeant pas que soient énoncées, dans la décision de privation de liberté, les raisons pour lesquelles une mesure moins coercitive serait inapte à rencontrer les objectifs de la rétention ?
Mais le titre de privation de liberté émis à charge du demandeur contient, ainsi qu’il résulte de l’analyse que l’arrêt en fait, la raison pour laquelle il n’y a pas lieu de rechercher une mesure moins coercitive : cette raison, prévue par la loi, est l’insuffisance d’une telle alternative, s’agissant, d’après l’auteur de l’acte, d’un étranger qui se maintient depuis dix ans en séjour illégal sur le territoire du Royaume sans obtempérer aux ordres de quitter le territoire qui lui ont été notifiés et confirmés dans le but d’y mettre fin.
La question n’étant pas préjudicielle, il n’y a pas lieu de la poser.
Sur le second moyen :
Le demandeur a déposé des conclusions soutenant que le troisième ordre de quitter le territoire émis à son encontre méconnaît le principe de bonne administration dès lors qu’il ne mentionne pas d’élément nouveau par rapport aux deux ordres précédents, auxquels il se réfère pourtant.
L’arrêt répond que le principe invoqué n’est pas violé puisque le demandeur a continué à séjourner illégalement sur le territoire.
Le moyen fait valoir que cette réponse ne permet pas d’affirmer que l’arrêt est motivé au vœu des articles 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980.
La délivrance d’un nouvel ordre de quitter le territoire à l’égard d’un étranger qui se dérobe aux injonctions de s’en éloigner ne révèle pas, en soi, un excès dans l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative.
Partant, les juges d’appel ont pu refuser de censurer l’acte administratif, sans manquer à leur devoir de contrôler la légalité de la mesure privative de liberté et de l’éloignement qui en est le soutien.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.0870.F
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Droit administratif

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-06-28;p.23.0870.f ?

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