N° P.23.0504.F
I. G.W., société à responsabilité limitée,
II. D. L.,
III. A. K.,
IV. M. D.,
requérants en mainlevée d’une saisie effectuée en exécution d’une décision de gel,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Yves-Bernard Debie et Marie Sternon, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, boulevard Lambermont, 376, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois des demandeurs sub I et IV sont dirigés respectivement contre des arrêts rendus le 22 février 2023, sous les numéros 946 et 948 du répertoire, par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, et les pourvois des demandeurs sub II et III sont dirigés contre un arrêt rendu par cette juridiction le même jour, sous le numéro 947 du répertoire.
Les demandeurs invoquent deux moyens dans un mémoire commun annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
Les demandeurs sont propriétaires d’œuvres d’art ou objets datant de l’époque romaine, qui ont été saisis en exécution d’une décision de gel prise par le juge d’instruction du tribunal de Rome le 28 juin 2021.
Par une apostille du 23 novembre 2021, le parquet fédéral a transmis le certificat de gel au président du tribunal de première instance francophone de Bruxelles, en vue de l’exécution de la demande et en le priant de désigner un juge d’instruction à cette fin.
Le juge d’instruction a requis le Service public fédéral Économie, par une apostille du 14 décembre 2021, de « procéder à l’exécution du certificat de gel et au transfert des saisies vers l’Italie après notification aux parties et aux procureurs concernés par les saisies préalables ».
Les saisies ont été exécutées respectivement les 13 janvier 2022, 20 janvier 2022 et 9 février 2022.
Les demandeurs ont postulé la levée des saisies, chacun au moyen d’une requête adressée au juge d’instruction, déposée au greffe du tribunal de première instance en application des articles 15, § 1er, de la loi du 5 août 2006 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne et 61quater du Code d’instruction criminelle.
Le juge d’instruction a rejeté ces requêtes par trois ordonnances, rendues les 24 février 2022, 18 mars 2022 et 8 avril 2022.
Les demandeurs ont chacun interjeté appel de ces décisions en application de l’article 61quater, § 5, du Code d’instruction criminelle.
Par trois arrêts rendus le 22 février 2023, la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, a déclaré les appels recevables et partiellement fondés : les ordonnances du juge d’instruction ont été confirmées en ce qu’elles ordonnent la saisie des biens en exécution du certificat de gel mais ont été réformées en ce qu’elles ordonnent le transfert des biens saisis à l’autorité judiciaire italienne.
Il s’agit des arrêts attaqués.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Le demandeur appelé K. A. dans l’arrêt attaqué rendu sous le numéro 947 du répertoire s’identifie avec K. A..ci-dessus qualifié.
Sur le second moyen :
Quant aux première et quatrième branches :
Le moyen invoque la violation des articles 2, 6, 7, 11 et 15 de la loi du 5 août 2006 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne, et de la décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve.
En vertu de l’article 2, § 2, de la loi précitée, dans les relations qu'entretient la Belgique avec d'autres États membres de l'Union européenne, liés par le règlement (UE) 2018/1805 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation, ces décisions sont émises, reconnues et exécutées conformément à ce règlement et aux articles 2/1, 5°, 10, 12 §§ 1er, 1er/1, 1er/2 et 4, 13, 14, 15, 16, 28, 30, §§ 1er à 3 et §§ 5 à 8, 33, 37, 38, 39 et 40 de la loi.
L’article 39, alinéa 1er, du règlement énonce qu’il remplace les dispositions de la décision-cadre en ce qui concerne le gel des biens entre les États membres liés par le règlement à compter du 19 décembre 2020. L’article 40, § 1er, du règlement précise, sous le titre « Dispositions transitoires », que le règlement s’applique aux certificats de gel et aux certificats de confiscation transmis le 19 décembre 2020 ou après cette date.
Il ressort des considérants 52, 56 et 57 du règlement que la Belgique et l’Italie sont liées par celui-ci et qu’elles sont soumises à son application.
Les arrêts attaqués constatent que le certificat de gel a été émis par le procureur de la république de Rome en exécution d’un décret de saisie conservatoire émis par le juge d’instruction du tribunal de Rome le 28 juin 2021, que ce certificat sollicitait de procéder au gel et à la restitution des œuvres d’art et objets concernés et que, par apostille du 14 décembre 2021, le juge d’instruction du tribunal de première instance de Bruxelles a requis le Service public fédéral Économie de procéder à l’exécution du certificat de gel et au transfert en Italie des biens saisis.
D’une part, il ressort des arrêts, ainsi que des réquisitoires du magistrat fédéral dont les arrêts adoptent les motifs, que la chambre des mises en accusation a fondé ses décisions de confirmation de l’exécution du certificat de gel précité notamment sur les articles 3, 6, 7, 7/1, 7/3, 11 et 12, § 2, de la loi du 5 août 2006 et 11, § 2, de la décision-cadre 2003/577/JAI, alors que, en vertu des articles 2, § 2, de cette loi, et 39, alinéa 1er, et 40, § 1er, du règlement (UE) 2018/1805, lesdits articles et la décision-cadre ne sont pas applicables au certificat.
D’autre part, il ne ressort ni des arrêts ni des réquisitoires dont ils adoptent les motifs que la chambre des mises en accusation ait fondé ses décisions de confirmation de l’exécution du certificat de gel précité sur les dispositions du règlement (UE) 2018/1805, alors que, en vertu de l’article 2, § 2, de la loi du 5 août 2006, et 39, alinéa 1er, et 40, § 1er, du règlement, celui-ci est applicable au certificat.
Ainsi, les arrêts violent les articles 2, § 2, de la loi du 5 août 2006 et 39, alinéa 1er, et 40, § 1er, du règlement (UE) 2018/1805.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
L’illégalité constatée ci-dessus ne s’étend pas aux décisions disant n’y avoir lieu d’exécuter le transfert des biens saisis à l’autorité d’émission, les pourvois étant, quant à ce, dénués d’intérêt et, par conséquent, irrecevables.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse les arrêts attaqués sauf en tant qu’ils décident qu’il n’y a pas lieu d’exécuter le transfert des biens saisis à l’autorité d’émission ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge des arrêts partiellement cassés ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.