N° P.23.0148.F
L. J.-F., .
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Jacques Vandeuren et Dries Paternot, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
1. G. N., .
prévenu,
ayant pour conseil Maître Cavit Yurt, avocat au barreau de Bruxelles,
2. AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1,
partie intervenue volontairement,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 3 janvier 2023 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
Les parties ont été impliquées dans un accident de la circulation au cours duquel le véhicule conduit par le défendeur, qui tournait à gauche, a heurté la motocyclette du demandeur, venant en sens inverse et remontant par la droite une file de véhicules à l’arrêt.
Il est reproché au défendeur d’avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d’attenter à la personne d’autrui, involontairement causé des coups ou des blessures au demandeur à l’occasion d’un accident de la circulation (prévention A) et, étant conducteur d’un véhicule sur la voie publique, tournant à gauche, ne pas avoir cédé le passage aux conducteurs venant en sens inverse sur la chaussée qu’il s’apprêtait à quitter (prévention B).
Devant le tribunal de police, la défenderesse est intervenue volontairement en sa qualité d’assureur de la responsabilité civile du défendeur et le demandeur s’est constitué partie civile contre les deux défendeurs.
Par un jugement du 7 novembre 2019, le tribunal de police a déclaré les préventions A et B établies et a ordonné la suspension du prononcé de la condamnation à l’égard du défendeur. Sur le plan civil, il a condamné les défendeurs in solidum à indemniser le demandeur.
Sur l’appel du ministère public et de la partie civile, le jugement du tribunal correctionnel constate l’extinction, par prescription, de l’action publique relative à la prévention B, acquitte le défendeur du chef de la prévention A, se dit incompétent pour connaître de la demande civile en tant qu’elle se fonde sur la prévention A et décide que la faute, qui consiste à ne pas avoir cédé le passage en violation de l’article 19.3, 3°, du code de la route, n’est pas établie.
Il s’agit du jugement attaqué.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par le défendeur et déduite de ce que l’original de l’exploit de signification du pourvoi a été remis au greffe de la Cour en dehors du délai visé à l’article 429 du Code d’instruction criminelle :
En vertu de l'article 427, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, la partie qui se pourvoit en cassation doit faire signifier son pourvoi à la partie contre laquelle il est dirigé.
Conformément à l'alinéa 2 dudit article, l'exploit de signification du pourvoi doit être déposé au greffe de la Cour de cassation dans les délais fixés par l'article 429.
Pour rencontrer l’exigence visée à l’alinéa 1er de cette disposition, il n’est pas requis que l’original de l’exploit de signification soit déposé. Une copie lisible de cet acte est suffisante, pourvu qu’il ait l’apparence de l’authenticité.
Il ressort de la procédure qu’une copie de l’exploit de signification du pourvoi a été remise au greffe de la Cour le 16 mars 2023, soit dans le délai légal, sans que le défendeur ne conteste l’authenticité de l’acte.
La fin de non-recevoir ne peut dès lors pas être accueillie.
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 1382 de l’ancien Code civil, 418 et 420 du Code pénal, et 19.3.3°, du code de la route.
Il reproche au jugement d’exonérer illégalement le débiteur de priorité de son obligation de céder le passage.
Le conducteur qui tourne à gauche n’est libéré de son obligation de céder le passage au conducteur venant en sens inverse sur la chaussée qu’il s’apprête à quitter, que si la survenance de l’usager prioritaire était imprévisible ou si le débiteur de priorité se trouvait d’une autre manière dans un cas de force majeure.
Pour décider que le prévenu n’a commis aucune faute, le jugement considère
- que le demandeur, créancier de priorité, ne prouve pas qu’il roulait sur la bande de circulation qui lui était réservée ;
- qu’à l’inverse, le prévenu démontre, bien que la charge de la preuve ne lui en incombait pas, que le motocycliste circulait sur la bande réservée aux autobus et aux bicyclettes ;
- qu’il ne peut dès lors pas être reproché au défendeur de ne pas avoir cédé le passage au demandeur.
Par aucun de ses motifs, le jugement ne constate que la survenance de la motocyclette pilotée par J.-F. L. a constitué, pour N. G., un fait imprévisible ni que ce dernier se soit trouvé d’une quelconque autre manière dans un cas de force majeure.
Les juges d’appel n’ont dès lors pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué en tant qu’il statue sur l’action civile exercée par le demandeur contre les défendeurs ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les frais pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.