N° C.23.0013.F
M. T. dite C.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
B. R., avocat, agissant en qualité d’administrateur des biens de M. T.,
défendeur en cassation,
en présence de
1. V. K. T.,
2. A. K. M.,
parties appelées en déclaration d’arrêt commun.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le
12 octobre 2022 par le tribunal de première instance de Namur, statuant en degré d’appel.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Aux termes de l’article 30 du Code judiciaire, des demandes en justice peuvent être traitées comme connexes lorsqu’elles sont liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et juger en même temps, afin d’éviter des solutions qui seraient inconciliables si les causes étaient jugées séparément.
L’article 566 de ce code dispose que diverses demandes en justice ou divers chefs de demande entre deux ou plusieurs parties, qui, présentés isolément, devraient être portés devant des tribunaux différents, peuvent, s’ils sont connexes, être réunis devant le même tribunal en observant l’ordre de préférence indiqué à l’article 565, alinéa 2, 1° et 2° et 4° à 8°.
L’ordre de préférence imposé par cette disposition suppose que les demandes soient pendantes devant des juridictions du même rang. La connexité ne peut exister entre des demandes dont l’une est pendante devant une juridiction appelée à statuer au premier degré et l’autre devant une juridiction appelée à statuer en degré d’appel. En ce cas, les causes doivent demeurer distinctes et être tranchées par leur juge respectif.
Le jugement attaqué constate que l’appel de la demanderesse est dirigé contre une ordonnance du juge de paix du 16 mai 2022 disant irrecevable à défaut de qualité la demande de la première partie appelée en déclaration d’arrêt commun tendant à ce qu’il soit mis fin à la mesure de protection judiciaire de la demanderesse prise par une ordonnance de ce juge du 11 juin 2019.
Après avoir jugé l’appel recevable, le jugement attaqué observe que la demanderesse avait antérieurement saisi le juge de paix d’une demande tendant aux mêmes fins et que, par ordonnance du 31 mars 2022, ce juge a dit cette demande recevable et désigné un expert chargé d’évaluer l’aptitude de la demanderesse à administrer ses biens.
Le jugement attaqué, qui dit l’appel de la demanderesse non fondé aux motifs que, « s’il est […] exact que la […] demande [de la première partie appelée en déclaration d’arrêt commun] n’aurait pas dû être déclarée irrecevable pour des motifs de qualité ou d’intérêt à agir […], elle aurait en revanche dû être jointe pour connexité ou identité d’objet à la demande [de la demanderesse] toujours pendante et être déclarée irrecevable à ce titre », et que, « quelle que soit l’issue que le […] tribunal [d’appel] pourrait donner à la demande [désormais formée devant lui par la demanderesse], cette décision risquerait d’entrer en contradiction avec celle que prendra nécessairement le premier juge à l’issue de la procédure d’expertise toujours en cours », viole les dispositions légales précitées.
Le moyen est fondé.
Et la demanderesse a intérêt à ce que le présent arrêt soit déclaré commun aux parties appelées à la cause devant la Cour à cette fin.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué ;
Déclare le présent arrêt commun à V. K. T. et à A. K. M. ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.