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07/06/2023 | BELGIQUE | N°P.23.0737.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 juin 2023, P.23.0737.F


N° P.23.0737.F
N. Fr.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Wajdi Khalifa avocat au barreau de Bruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 mai 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent

arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L’avocat général...

N° P.23.0737.F
N. Fr.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Wajdi Khalifa avocat au barreau de Bruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 mai 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le demandeur appelé N. Fr. dans l’arrêt attaqué s’identifie avec N. Fr. ci-dessus qualifié.
Sur le premier moyen :
Pris de la violation de l’article 780, alinéa 1er, 2°, du Code judiciaire, le moyen reproche à l’arrêt de mal orthographier son patronyme.
La disposition légale visée au moyen ne s’applique pas en matière répressive, la loi ne prescrivant pas d’une manière expresse ni à peine de nullité l’énonciation dans la décision des nom, prénom et domicile d’une partie pourvu qu’elle y soit désignée d’une manière permettant de déterminer à qui elle s’applique.
Le demandeur ne conteste pas qu’aucun doute n’existe sur la portée de la décision attaquée laquelle statue sur l’appel de l’Etat belge interjeté contre l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal correctionnel du Luxembourg, division Arlon, qui avait fait droit à sa demande de libération.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 15 de la Constitution, 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 8, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 75 et suivants de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, 90ter, § 5, du Code d’instruction criminelle et 27 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police.
Le demandeur soutient que l’intervention de la police à sa résidence était illégale. Il fait valoir que le rapport de police n’explique pas comment les policiers sont entrés par la porte principale de l’immeuble et allègue qu’une fois celle-ci ouverte, il fût contraint de les suivre, sans explication, jusqu’au commissariat de sorte que c’est dès sa sortie du domicile familial qu’il fut, en réalité, privé de sa liberté.
L’article 90ter, § 5, du Code d’instruction criminelle concerne l’interception et l’enregistrement, par le procureur du Roi en cas de flagrant délit, de communications non accessibles au public ou de données d’un système informatique. Cette disposition ne s’applique pas à la visite domiciliaire effectuée chez un étranger en séjour illégal en vue de le priver de sa liberté.
Le moyen manque, à cet égard, en droit.
En tant qu’il vise l’article 27 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, relatif à l’exercice des missions de police administrative des fonctionnaires de police en cas de danger grave et imminent, à la demande de la personne qui a la jouissance effective d’un lieu non accessible au public ou moyennant le consentement de cette personne, alors que l’interpellation du demandeur à son domicile ne fait pas suite à l’émergence d’un tel danger, et que la disposition légale précitée est également inapplicable en l’espèce, le moyen manque, dans cette mesure, à nouveau en droit.
En tant qu’il invite la Cour à censurer l’appréciation en fait de la juridiction d’instruction et exige la vérification d’éléments de fait, ce qui n’est pas en son pouvoir, le moyen est irrecevable.
Par référence à l’avis écrit du ministère public dont il s’approprie les motifs, l’arrêt considère qu’il ne ressort pas des pièces produites que les services de police auraient pénétré illégalement dans le domicile que le demandeur partage avec sa famille.
Les juges d’appel ont relevé qu’il ressort du procès-verbal 2415/2023 de la police d’Arlon que
- les policiers ont actionné la sonnette du deuxième étage de l’immeuble, après avoir constaté la présence du nom de famille du demandeur sur celle-ci,
- la porte des communs leur a été ouverte,
- les policiers étant arrivés sur le palier, le père du demandeur leur a ouvert après qu’ils ont frappé à la porte de l’appartement,
- le père a appelé son fils, lequel a suivi les policiers volontairement.
Procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque, à cet égard, en fait.
Les juges d’appel ont encore relevé qu’aucun élément du dossier ne vient contredire l’affirmation des policiers selon laquelle ils sont restés sur le pas de la porte de l’appartement pendant leur prise de contact et ne sont pas entrés dans celui-ci.
Par ces considérations, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des droits de la défense du demandeur, plus particulièrement du droit à l’assistance d’un avocat à la suite de son arrestation et lors de son audition par les services de police.
Le demandeur n’identifie aucune norme juridique dont il déduit la violation des droits précités.
Selon l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. Ce droit comporte notamment celui pour toute personne d'être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.
L’article 41 de la Charte n’impose toutefois pas d’obligations aux États membres mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union.
Cette disposition ne peut, dès lors, fonder, ainsi que l’arrêt le constate, le droit allégué d’être entendu par l’autorité administrative d’un Etat membre avant la décision de maintien pendant le temps strictement nécessaire à l’exécution de l’ordre de quitter le territoire, et a fortiori le droit d’être entendu avec l’assistance d’un avocat.
Il résulte en outre des travaux parlementaires relatifs à l’article 47bis du Code d'instruction criminelle qui prévoit de manière générale l’assistance possible d’un avocat lors d’une audition, que la notion d’ « audition » doit s’entendre d’un interrogatoire guidé, concernant des infractions qui peuvent être mises à charge, par une personne habilitée à cet effet et acté dans un procès-verbal, dans le cadre d’une information ou d’une instruction judiciaire, en vue de la manifestation de la vérité.
Les questionnaires standardisés dans lesquels des informations succinctes sont demandées au moyen de réponses à cocher ou de rubriques à compléter, comme lors de l’interpellation d’un étranger en séjour illégal, ne constituent pas une audition au sens de l’article 47bis du Code d'instruction criminelle.
Les dispositions qui prévoient l’assistance d’un avocat ressortissent à la procédure pénale. Elles protègent les personnes accusées d’avoir commis une infraction et sont étrangères à une mesure de privation de liberté prise par une autorité administrative en vue d’assurer l’effectivité de l’ordre de quitter le territoire donné à une personne qui ne respecte pas les conditions légales d’accès à ce territoire, de séjour et d’établissement.
L’arrêt énonce qu’aucune norme de l’Union européenne ne fixe les conditions dans lesquelles le respect des droits de la défense des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière doit être assuré avant de faire l’objet d’une mesure de maintien dans un lieu déterminé et qu’aucune violation de l’article 41 de la Charte ne saurait se déduire de la circonstance que la mesure de rétention n’a pas été précédée d’une audition de l’étranger.
Les juges d’appel en ont déduit que l’absence d’assistance d’un avocat lors de l’audition du demandeur par les services de police le 11 avril 2023 n’est pas de nature à affecter la légalité des décisions critiquées d’autant qu’il s’agissait de répondre aux questions d’un formulaire administratif standardisé et qu’il n’est pas fait état, dans ce cadre, de pressions de la part des autorités.
Ainsi, les juges d’appel ont légalement déduit que les droits de la défense du demandeur avaient été respectés.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Le demandeur soutient que l’arrêt se borne à énoncer une motivation stéréotypée pour retenir l’existence d’un risque de fuite justifiant sa rétention.

Si le risque de fuite doit être justifié par des éléments objectifs et sérieux, l’administration dispose d’une large marge d’appréciation quant à l’évaluation de ceux-ci. De la circonstance qu’un étranger en séjour illégal a refusé d’obtempérer à un ordre de quitter le territoire qui lui a été notifié, qu’il ne donne pas suite à une demande d’entretien sur sa situation administrative, laissant augurer qu’il refuse de collaborer dans ses rapports avec l’administration, et qu’il a vainement introduit plusieurs demandes de protection internationale, il peut se déduire que l’intéressé n’obtempérera pas volontairement à un nouvel ordre de même nature, et qu’il soit tenté de prendre la fuite pour éviter d’être appréhendé en vue de son rapatriement.
L’autorité administrative a justifié la mesure contestée par le fait que le demandeur n’a pas donné suite à une demande d’entretien qui lui a été adressée le 16 février 2023 à propos de sa situation administrative, qu’il n’a pas obtempéré à l’ordre de quitter le territoire du 23 juillet 2020, lequel a été réactivé le 13 janvier 2023, et qu’il a introduit précédemment quatre demandes de protection internationale qui se sont toutes soldées par un refus.
Par cette motivation, l’autorité administrative ne s’est pas limitée à constater l’illégalité du séjour du demandeur mais a procédé à un examen actualisé de sa situation.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du sept juin deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.0737.F
Date de la décision : 07/06/2023
Type d'affaire : Droit administratif

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-06-07;p.23.0737.f ?

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