N° C.22.0468.F
I.-S. D.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
G. R., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société à responsabilité limitée Dys Construct,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d’appel de Liège.
Le 8 mai 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Il ne suit pas des énonciations de l’arrêt que celui-ci déduit l’irrégularité des comptes de la société faillie de la circonstance que les comptes annuels de l’exercice arrêté au 31 décembre 2018 ont été déposés et publiés tardivement.
Pour le surplus, l’article XX.225, § 1er, alinéa 1er, du Code de droit économique dispose qu’en cas de faillite d'une entreprise et d'insuffisance de l'actif et s'il est établi qu'une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur, gérant, délégué à la gestion journalière, membre du comité de direction ou du conseil de surveillance, actuel ou ancien, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer l'entreprise, peut être déclaré personnellement obligé, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales jusqu’à concurrence de l'insuffisance d'actif.
Aux termes du paragraphe 2 de cet article, le paragraphe 1er n'est pas applicable lorsque l'entreprise en faillite a réalisé au cours des trois exercices qui précèdent la faillite ou au cours de tous les exercices si l'entreprise a été constituée depuis moins de trois ans, un chiffre d'affaires moyen inférieur à 620 000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée et lorsque le total du bilan du dernier exercice n'a pas dépassé 370 000 euros.
En vertu de l’article 3:1, § 1er, du Code des sociétés et des associations, chaque année, l'organe d'administration établit les comptes annuels, qui comprennent le bilan, le compte des résultats ainsi que l'annexe et forment un tout, et ces comptes annuels doivent être soumis à l'approbation des associés réunis en assemblée ou de l'assemblée générale dans les six mois de la clôture de l'exercice.
Les comptes annuels et la régularité au regard dudit code et des statuts des opérations à constater dans les comptes annuels doivent être contrôlés selon les modalités prescrites par les dispositions figurant au titre 4 du livre 3 de ce code et, conformément aux articles 5:97 et 5:98, ils doivent être mis à la disposition des associés et être discutés par l’assemblée générale avant leur approbation.
L’arrêt, qui considère que, « la faillite [de la société dont le demandeur était le gérant] ayant été prononcée le 12 octobre 2020 », c’est « le total du bilan au 31 décembre 2019 qui [doit] être pris en compte », que, « selon les statuts de la société, [les comptes annuels clôturés au 31 décembre 2019] auraient dû être approuvés lors de l’assemblée générale devant se tenir le premier lundi du mois de juin, soit le 1er juin 2020, et déposés à la Banque nationale au plus tard dans les trente jours de leur approbation, conformément à l’article 3:12 du Code des sociétés et associations », que le demandeur « ne dispose pas d’une comptabilité régulière de la société au 31 décembre 2019 », que « le bilan au 31 décembre 2019 a été établi a posteriori, après la faillite », et qu’« il n’a jamais été approuvé par l'assemblée générale de la société ni a fortiori publié », décide légalement que le demandeur « ne peut revendiquer l’application de l’article XX.225, § 2, du Code de droit économique ».
Quant à la seconde branche :
Ni le droit à un procès équitable ni le droit à la preuve n’obligent le juge à accueillir une demande de production de pièces dont il considère qu’elles ne sont pas pertinentes pour la solution du litige.
L’arrêt, qui, par les motifs vainement critiqués par la première branche du moyen, considère que l’application de l’article XX.225, § 2, précité suppose la tenue d’une comptabilité régulière et que tel n’était pas le cas de la comptabilité au 31 décembre 2019, décide légalement qu’« il est dès lors inutile d’exiger la production des déclarations à la taxe sur la valeur ajoutée [pour la période qui s’étend du premier trimestre 2019 jusqu’à la date de la faillite] ni l’établissement du bilan a posteriori par la curatelle ».
Et la violation prétendue de l’article XX.225 du Code de droit économique est tout entière déduite de celle, vainement alléguée, des autres dispositions légales et de la méconnaissance vainement alléguée des principes généraux du droit visés au moyen, en cette branche.
Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés, en débet, à la somme de deux cent quatre-vingt-trois euros un centime envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du premier juin deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.