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11/05/2023 | BELGIQUE | N°C.22.0263.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mai 2023, C.22.0263.F


N° C.22.0263.F
TEOXANE, société de droit suisse, dont le siège est établi à Genève (Suisse), Les Charmilles, rue de Lyon, 105,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
1. FILORGA BENELUX, société anonyme, dont le siège est établi à Auderghem, boulevard du Souverain, 165, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0533.859.690,
2. LABORATOIRES FILL-MED MANUF

ACTURING, société anonyme, dont le siège est établi à Anderlecht, boulevard Paepsem, 18,...

N° C.22.0263.F
TEOXANE, société de droit suisse, dont le siège est établi à Genève (Suisse), Les Charmilles, rue de Lyon, 105,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
1. FILORGA BENELUX, société anonyme, dont le siège est établi à Auderghem, boulevard du Souverain, 165, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0533.859.690,
2. LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING, société anonyme, dont le siège est établi à Anderlecht, boulevard Paepsem, 18, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0508.506.959,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Jourdan, 31, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 4 avril 2022 par la cour d’appel de Mons.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Aux termes de l’article 1032 du Code judiciaire, le requérant ou l’intervenant peut, lorsque les circonstances ont changé et sous réserve des droits acquis par des tiers, demander par requête la modification ou la rétractation de l’ordonnance au juge qui l’a rendue.
Lorsque le juge fait droit à la demande du requérant en raison d’un changement de circonstances, la rétractation de l’ordonnance produit effet, non à la date de la prononciation de l’ordonnance rétractée, mais à la date à laquelle les circonstances ont changé.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Quant au premier et au deuxième rameau :
Examinant le moyen de la demanderesse que « la cause de sa requête du
7 juillet 2015 est différente de celle du 12 février 2015 », l’arrêt attaqué, qui énonce que « c’est l’ancienne version de [l’] article 23 [du Code judiciaire] qui doit être appliquée » pour déterminer « les conditions de l’autorité de la chose jugée », considère qu’il faut apprécier « si le dictum judiciaire invoqué dans le nouveau procès répondait bel et bien dans le procès antérieur à la même question litigieuse que celle qui, à nouveau, se pose ».
Il relève d’abord, par référence à l’arrêt non attaqué du 14 décembre 2020, qu’« en 2015, [la demanderesse] était ainsi titulaire de deux brevets français », qu’« elle déclare avoir appris, au début de l’année 2015, que [la première défenderesse] comptait lancer prochainement sa propre gamme de ‘fillers’ fabriqués dans l’usine qu’elle avait fait récemment construire en Belgique », que, « le 12 février 2015, [la demanderesse] a déposé une première requête en saisie-description [dont] elle a été déboutée [par un] arrêt du 30 avril 2015 de la cour d’appel de Bruxelles [qui a] considéré que [la demanderesse] détournait la procédure de saisie-description de sa finalité » et qu’« elle a déposé le 7 juillet 2015 une seconde requête en saisie-description » au motif qu’elle « déclare avoir pris connaissance de nouveaux indices traduisant la contrefaçon imminente de ses brevets en France ».
Il considère que « la cause de la demande est identique dans les deux procédures » dès lors que la demanderesse « invoqu[e] des faits qu’elle présentait comme des indices d’une atteinte à son droit de propriété intellectuelle justifiant une mesure de saisie-description » et que, sur ce plan, « l’invocation de nouvelles preuves ou de nouveaux arguments ne permet pas de remettre en cause l’autorité de chose jugée et de considérer que les demandes sont fondées sur des causes différentes ».
Il ajoute que cela n’empêche pas la demanderesse « de réitérer sa demande si les circonstances ont changé » mais rappelle à cet égard qu’« en son précédent arrêt [non attaqué du 14 décembre 2020, la cour d’appel] a déjà [considéré] que l’intention d’une partie, après avoir vu sa demande rejetée, de modifier sa stratégie de défense, ne constitue pas une circonstance nouvelle » s’agissant de son intention « d’agir en contrefaçon en France, ce qu’elle a fait en août 2015 », et qu’« admettre [la] thèse contraire reviendrait à permettre aux parties de réitérer indéfiniment leur demande en fonction des fluctuations de leur défense et des échecs procéduraux subis ».
Il ressort de ces énonciations que l’arrêt attaqué considère que la cause de la demande de saisie-description de la demanderesse introduite par requête du 12 février 2015 est constituée des faits fondant une atteinte à son droit de propriété intellectuelle résultant de ses brevets français, indépendamment de sa stratégie judiciaire au fond.
Le moyen, qui, en ces rameaux, est fondé sur ce que la cause de la demande de la demanderesse introduite par requête du 7 juillet 2015 est constituée des faits qualifiés d’indices de contrefaçon de ses droits intellectuels avec l’intention d’introduire en France une action en contrefaçon, sans critiquer l’appréciation de la cour d’appel que cette stratégie au fond est étrangère à la cause de la demande, ne saurait entraîner la cassation, partant, est dépourvu d’intérêt.
La violation prétendue de l'article 149 de la Constitution est déduite de celle, vainement alléguée, des autres dispositions légales visées au moyen, en son premier rameau.
Le moyen, en ces rameaux, est irrecevable.
Quant au troisième rameau :
La violation de la foi due à un acte porte sur l’interprétation des termes de cet acte, non sur les déductions de droit ou de fait que le juge tire de l’acte qu’il interprète.
Le moyen, qui, en ce rameau, fait grief à l’arrêt attaqué de considérer que la requête en saisie-description du 7 juillet 2015 porte atteinte à l’autorité de chose décidée de l’arrêt de la cour d’appel du 30 avril 2015 alors que celui-ci n’a rejeté la précédente requête qu’en raison d’un détournement de procédure, est étranger à la violation de la foi due à l’arrêt précité.
Le moyen, en ce rameau, est irrecevable.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt relève que, selon la demanderesse, « il n’y a pas lieu de lui interdire d’utiliser le procès-verbal dressé par l’huissier de justice le 23 juillet 2015 » et que, « même si la demande de saisie-description était dite irrecevable […], il appartiendra au juge du fond d’apprécier l’admissibilité de la production de ce procès-verbal en appliquant la jurisprudence Antigone de la Cour de cassation » tandis que la défenderesse « considère que, dès lors que la seconde demande de saisie-description aurait dû être déclarée irrecevable, la saisie-description du 23 juillet 2015 n’aurait pas dû avoir lieu et le procès-verbal aurait dû ne jamais avoir été établi » et qu’« il n’y a pas lieu à application de la jurisprudence Antigone, la mesure d’interdiction se situant en amont de ce débat, en relevant en outre que la procédure au fond est pendante devant une juridiction française ».
En considérant que, « selon des auteurs, si les mesures de description sont réformées suite à une tierce opposition, ‘le requérant originaire ne peut, sauf mention contraire explicite dans le jugement, utiliser le procès-verbal de la saisie-description’ » et qu’« en l’espèce, la demande étant irrecevable, le procès-verbal n’aurait pas dû être établi » en sorte que « la meilleure manière de préserver les droits de [la défenderesse] est de maintenir l’interdiction prononcée par le premier juge », l’arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions de la demanderesse qui soutenait que seul le juge du fond peut statuer sur le sort du procès-verbal litigieux.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Après avoir décidé que « l’ordonnance [rendue le 22 septembre 2015] sur la tierce opposition [de la défenderesse] doit […] être confirmée […] en ce qu’elle a dit la demande originaire [en saisie-description de la demanderesse] irrecevable et a mis à néant l’ordonnance du 8 juillet 2015 » qui avait fait droit à cette demande, l’arrêt considère que, « la demande étant irrecevable, le procès-verbal n’aurait pas dû être établi » et que « la meilleure manière de préserver les droits de [la défenderesse] est de maintenir l’interdiction prononcée par le premier juge » d’utiliser le procès-verbal du 23 juillet 2015.
Il ressort de ces énonciations que l’arrêt confirme l’interdiction d’utilisation du procès-verbal litigieux, non sur la base de l’article 1369bis/9 du Code judiciaire, qui ne vise que l’interdiction d’utiliser le rapport d’expertise à défaut d’introduction d’une action au fond, mais au motif qu’elle résulte de l’irrecevabilité de la demande en saisie-description.
Le moyen, qui, en cette branche, procède d’une hypothèse contraire, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent dix-huit euros nonante-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du onze mai deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.22.0263.F
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-05-11;c.22.0263.f ?

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