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11/05/2023 | BELGIQUE | N°C.21.0409.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mai 2023, C.21.0409.F


N° C.21.0409.F
A. B., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme M. L. et fils,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ROLEX BENELUX, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Louise, 361, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0402.002.246,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, av

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N° C.21.0409.F
A. B., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme M. L. et fils,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ROLEX BENELUX, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Louise, 361, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0402.002.246,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 7 mai 2021 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite de ce qu’il s’érige contre une appréciation du juge d’appel qui gît en fait :
Le moyen, qui fait grief à l’arrêt de considérer qu’une clause résolutoire expresse insérée dans un contrat de concession de vente réglementée autorise la résolution unilatérale de celle-ci pour un juste motif rendant impossible la poursuite des relations entre les parties, qui ne constitue pas un manquement contractuel, ne s’érige pas contre une appréciation en fait du juge d’appel sur la gravité du manquement ou sur le caractère intuitu personae de la convention.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :
Aux termes de l’article 2, alinéa 1er, de la loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilatérale des concessions de vente exclusive à durée indéterminée, applicable au litige, lorsqu’une concession de vente soumise à la loi est accordée pour une durée indéterminée, il ne peut, hors le manquement grave d’une des parties à ses obligations, y être mis fin que moyennant un préavis raisonnable ou une juste indemnité à déterminer par les parties au moment de la dénonciation du contrat.
Cette disposition impérative, qui organise le droit de résiliation unilatérale d’une telle concession de vente, ne déroge pas à l’article 1184 de l’ancien Code civil qui permet, pour le cas où l’une des deux parties à un contrat synallagmatique ne satisfait pas à son engagement, de demander au juge la résolution de cette convention.
Il s’ensuit que les parties ne peuvent convenir d’une clause résolutoire expresse qu’en cas d’inexécution fautive par l’une d’entre elles de ses engagements, mais non pour un motif étranger à une telle inexécution.
L’arrêt relève que, « dans la lettre ‘de résiliation’ adressée le 27 avril 2015 à la société L., [la défenderesse] a rompu le contrat de distribution sélective en invoquant l’article X.3 du contrat, aux termes duquel, ‘en cas de violation d’une quelconque clause du contrat ou des conditions générales de vente, ou pour tout autre juste motif, la partie lésée peut résilier le contrat sans préavis et sans mise en demeure préalable’ » et que « les motifs invoqués par [la défenderesse] sont de deux ordres : le comportement reproché à la société L. dans le cadre de l’instruction pénale (juste motif) mais aussi des manquements à des obligations contractuelles (fermeture du magasin, défaut de stock, impayés et défaut d’investissements) ».
Il relève ensuite que « la marque Rolex jouit d’une forte renommée », que la défenderesse « exprime, dans [la] convention [de concession], un attachement particulier à sa réputation et à son prestige », qu’« avant la rupture du contrat, la société L. était un partenaire privilégié [et que] ce lien était connu du public puisque le nom de Rolex était associé à celui de L. sur la devanture du magasin », et que, dans sa lettre de résolution, la défenderesse se « réfère à des articles de presses publiés à l’occasion de l’arrestation des administrateurs de [cette] société, les coupures de presse […] évoqu[ant] des faits de fraude d’ampleur à la taxe sur la valeur ajoutée, faux et usage de faux (factures et attestations) commis par des ‘bijouteries bruxelloises’ ayant justifié l’arrestation de ses deux ‘gérants’, certains articles cit[ant] le nom de L. et de la marque Rolex et [étant] illustrés par des clichés représentant des montres de cette marque ».
Il décide qu’il n’y a « pas lieu de sursoir à statuer » dans l’attente du résultat de l’instruction pénale au motif que « l’auteur de la rupture n’est pas tenu d’attendre une vérité judiciaire avant de rompre une relation dont il estime la poursuite impossible ».
L’arrêt, qui, sans constater l’existence d’une faute de la société L., considère que « les faits relatés […], objectivement graves, [ainsi que] le lien opéré avec la marque et les montres Rolex […] étaient de nature à nuire à la réputation de [la défenderesse] » dès lors qu’« un large public a été touché, […] la couverture de l’événement [ayant] été assurée tant par la presse néerlandophone que francophone », et que cette circonstance constitue, non un manquement contractuel de la société M. L. visé par l’article X.3 précité, mais « un juste motif […] autorisant [la défenderesse] à mettre en œuvre la clause résolutoire expresse », viole l’article 2 précité.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du onze mai deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.21.0409.F
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Droit civil

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-05-11;c.21.0409.f ?

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