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26/04/2023 | BELGIQUE | N°P.22.0563.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 avril 2023, P.22.0563.F


N° P.22.0563.F
I. C. O., J., G.,
prévenu,
II. SCHRÖDER RENÉ, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Saint-Vith (Emmels), Steinborn, 6,
civilement responsable,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Judith Orban, avocat au barreau d’Eupen.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un jugement rendu le 23 mars 2022 par le tribunal correctionnel d’Eupen, statuant en degré d’appel.
Les demandeurs invoquent quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiÃ

©e conforme.
À l’audience du 22 mars 2023, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l’avocat g...

N° P.22.0563.F
I. C. O., J., G.,
prévenu,
II. SCHRÖDER RENÉ, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Saint-Vith (Emmels), Steinborn, 6,
civilement responsable,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Judith Orban, avocat au barreau d’Eupen.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un jugement rendu le 23 mars 2022 par le tribunal correctionnel d’Eupen, statuant en degré d’appel.
Les demandeurs invoquent quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
À l’audience du 22 mars 2023, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. FAITS PERTINENTS ET ANTÉCÉDENTS DE LA PROCÉDURE
1. Le 28 février 2019, à Saint-Vith, la police a procédé au contrôle d’un véhicule de transport de bois composé d’un tracteur (camion) et d’une remorque, appartenant à la société à responsabilité limitée Schröder René.
Le tracteur et la remorque ont été placés sur un dispositif de balance de la zone de police Eifel. Les tickets de pesée indiquent que le tracteur pèse 38.240 kg et la remorque 26.740 kg, soit un poids total qui dépasse la masse maximale autorisée de 20.856 kg.
2. Le conducteur du camion, O.C., a été poursuivi devant le tribunal de police d’Eupen, section Saint-Vith, pour avoir commis les infractions suivantes :
- prévention A : comme conducteur sur la voie publique, avoir effectué un transport de choses par route au moyen d’un véhicule dont la masse totale en charge dépasse la masse maximale autorisée, considéré comme étant effectué sans licence de transport nationale ou internationale valable ;
- prévention B : comme chargeur d’un transport de marchandises soumis à la réglementation communautaire, à la loi du 15 juillet 2013 (mieux décrite ci-après) ou aux arrêtés d’exécution de cette loi, avoir donné des instructions ou posé des actes ayant entraîné le dépassement des masses et dimensions maximales autorisées des véhicules ou trains de véhicules.
L’employeur du conducteur, la société précitée, a été mis à la cause en qualité de civilement responsable.
3. Par un jugement rendu le 2 février 2021, le tribunal de police d’Eupen, section Saint-Vith, a acquitté le conducteur du camion des préventions précitées, au motif que les tickets de pesée ne contiennent aucune indication quant à la personne qui a procédé à la pesée et quant à la marque et le numéro de série de la balance utilisée, de sorte qu’il n’est pas possible de constater si les tickets se rapportent bien à cette balance.
Le procureur du Roi a interjeté appel de ce jugement.
4. Devant le tribunal de première instance d’Eupen, chambre correctionnelle siégeant en degré d’appel, le conducteur du camion et son employeur ont fait valoir que la mesure du poids du véhicule n’avait pas été réalisée au moyen d’un instrument de pesage conforme aux exigences prévues par la disposition réglementaire applicable.
Selon eux, l’instrument de pesage utilisé est régi par l’arrêté royal du 12 octobre 2010 relatif à l’approbation, à la vérification et à l’installation des instruments de mesures utilisés pour surveiller l’application de la loi relative à la police de la circulation routière.
Le tribunal d’Eupen a rejeté cette allégation.
Il a relevé que l’article 1er de l’arrêté royal du 12 octobre 2010, précité, dispose qu’il s’applique « sous réserve de l’application d’autres réglementations visant des instruments spécifiques », et a considéré que, en l’espèce, l’instrument de pesage utilisé est régi par la norme qui transpose en droit belge la directive 2014/31/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des instruments de pesage à fonctionnement non automatique, à savoir l’arrêté royal du 12 avril 2016 relatif aux instruments de pesage à fonctionnement non automatique.
Après avoir constaté, entre autres, que la marque et le numéro de série de l’instrument de pesage étaient déterminés, qu’il était calibré, que l’appareil avait subi une vérification périodique valable durant quatre ans et que le conducteur du camion comme son employeur avaient reconnu la surcharge mentionnée dans le procès-verbal, le tribunal d’Eupen, par un jugement rendu le 23 mars 2022, a condamné le conducteur du camion, du chef des préventions A et B, à une amende de 400 euros, portée à 3.200 euros par application des décimes additionnels, ainsi qu’à une déchéance du droit de conduire tout véhicule à moteur pour une durée de trois mois.
5. Le conducteur du camion (ci-après, « le demandeur ») et son employeur (ci-après, « la demanderesse ») se sont pourvus en cassation contre cette décision.
III. DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES
6. Les faits de la prévention A sont punissables en vertu des articles 21, alinéa 1er, 5°, et 35, 4°, de l’arrêté royal du 22 mai 2014 relatif au transport de marchandises par route, et 41, § 3, de la loi du 15 juillet 2013 relative au transport de marchandises par route et portant exécution du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil et portant exécution du règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route.

Conformément à l’article 21, alinéa 1er, de l’arrêté royal précité, « les licences de transport national et les licences de transport communautaire ne sont pas valables […] 5° lorsqu'elles sont utilisées pour un véhicule ou un train de véhicules dont la masse totale en charge ou dont les dimensions sont supérieures aux normes autorisées pour ce véhicule ou ce train de véhicules ou aux normes autorisées par le règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles, leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité ».
L’article 35, 4°, dudit arrêté dispose que « les licences de transport international ne sont pas valables […] lorsqu'elles sont utilisées pour un véhicule ou un train de véhicules dont la masse totale en charge ou dont les dimensions sont supérieures aux normes autorisées pour ce véhicule ou ce train de véhicules ou aux normes autorisées par le règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles, leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité ».
L’article 41, § 3, de la loi du 15 juillet 2013 prévoit que « sont punis d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de cinq cents euros à cinquante mille euros, majorée des décimes additionnels, ou de l'une de ces peines seulement, ceux qui transgressent les dispositions suivantes de la réglementation communautaire, de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution : 1° l'obligation d'être titulaire d'une licence de transport valable […] ».
7. Les faits de la prévention B sont visés à l’article 43, § 3, de la loi précitée du 15 juillet 2013, lequel renvoie aux peines prévues à l’article 41, § 3.
L’article 43, § 3, de cette loi dispose : « Le donneur d'ordre, le chargeur, le commissionnaire de transport ou le commissionnaire-expéditeur d'un transport de marchandises soumis à la réglementation communautaire, à la présente loi ou à ses arrêtés d'exécution, sont punis au même titre que les auteurs des infractions mentionnées ci-dessous s'ils ont donné des instructions ou posé des actes ayant entraîné ces infractions : 1° le dépassement des masses et dimensions maximales autorisées des véhicules ou trains de véhicules ».
8. L’article 1er de l’arrêté royal du 12 avril 2016 énonce : « Le présent arrêté transpose la directive 2014/31/UE du Parlement et du Conseil européen du 26 février 2014 concernant l'harmonisation des législations des États membres relatives à la mise à disposition sur le marché des instruments de pesage à fonctionnement non automatique ».
L’article 2 de cet arrêté dispose, en son paragraphe 1er, qu’il « s'applique à tous les instruments de pesage à fonctionnement non automatique ».
Le second paragraphe énonce :
« Aux fins du présent arrêté, on distingue les domaines d'utilisation des instruments de pesage à fonctionnement non automatique suivants :
1° la détermination de la masse pour les transactions commerciales ;
2° la détermination de la masse pour le calcul d'un péage, d'un tarif, d'une taxe, d'une prime, d'une amende, d'une rémunération, d'une indemnité ou d'une redevance de type similaire ;
3° la détermination de la masse pour l'application d'une législation ou d'une réglementation ou pour des expertises judiciaires ;
4° la détermination de la masse dans la pratique médicale en ce qui concerne le pesage de patients pour des raisons de surveillance, de diagnostic et de traitements médicaux ;
5° la détermination de la masse pour la fabrication de médicaments sur ordonnance en pharmacie et la détermination de la masse lors des analyses effectuées dans les laboratoires médicaux et pharmaceutiques ;
6° la détermination du prix en fonction de la masse pour la vente directe au public et la confection d'articles préemballés ;
7° toutes les applications autres que celles énumérées aux 1° à 6° ».
En vertu de l’article 32, « les instruments utilisés pour les applications énumérées à l'article 2, § 2, 1° à 6°, sont soumis aux règles générales en ce qui concerne la vérification périodique et le contrôle technique des instruments de mesure ».
IV. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi du demandeur :
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
9. Le moyen invoque la violation de l’arrêté royal du 12 avril 2016 relatif aux instruments de pesage à fonctionnement non automatique.
Devant le tribunal correctionnel, les demandeurs ont fait valoir que la balance utilisée par la police pour constater la surcharge du véhicule ne répondait pas aux conditions visées à l’arrêté royal du 12 octobre 2010 relatif à l’approbation, à la vérification et à l’installation des instruments de mesures utilisés pour surveiller l’application de la loi relative à la police de la circulation routière.
Le moyen reproche au jugement de considérer que cet instrument de pesage n’était pas soumis aux critères énoncés dans l’arrêté royal susdit mais devait répondre à ceux prévus par l’arrêté royal du 12 avril 2016 précité. Selon le demandeur, ce dernier arrêté royal, qui transpose la directive 2014/31/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des instruments de pesage à fonctionnement non automatique, n’a pas vocation à s’appliquer en matière répressive. Le demandeur soutient également que l’arrêté royal du 12 octobre 2010 prévoit l’application de normes d’agréation plus spécifiques pour l’organisme de contrôle, que celles exigées par l’arrêté royal du 12 avril 2016.
10. Le champ d’application de la directive précitée est déterminé par son article premier et, conformément au second paragraphe de cette disposition, aux fins de la directive, on distingue plusieurs domaines d’utilisation des instruments de pesage à fonctionnement non automatique dont, notamment, sous un point c), « la détermination de la masse pour l’application d’une législation ou d’une réglementation » et, sous un point g), « toutes les applications autres que celles énumérées aux points [qui précèdent] ».
D’une part, l’article 3.1 de la directive prévoit que « les États membres prennent toutes les dispositions pour que seuls les instruments qui satisfont aux exigences applicables de la présente directive puissent être mis à disposition sur le marché ».
Et l’article 2.3), définit la « mise à disposition sur le marché » comme étant toute fourniture d’un instrument destiné à être distribué ou utilisé sur le marché de l’Union dans le cadre d’une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit.
Mais, d’autre part, les articles 3.2 et 3.3 de la directive prévoient que « les États membres prennent toutes les dispositions afin que ne puissent être mis en service, pour les utilisations énumérées à l’article 1er, paragraphe 2, points a) à f), que des instruments qui satisfont aux exigences de la présente directive [ou qui sont] conformes aux exigences applicables de la présente directive ».
Ces dernières dispositions ne se réfèrent pas à la notion de « mise à disposition sur le marché » et, partant, à la distribution ou à l’utilisation, dans le cadre d’une activité commerciale, des instruments concernés, mais renvoient à l’usage de ces derniers notamment en vue de la détermination de la masse pour l’application d’une législation ou d’une réglementation.
L’intitulé de la directive paraît cependant plus restrictif, en ce qu’il vise l’harmonisation des législations des États membres concernant la « mise à disposition sur le marché » des instruments de pesage à fonctionnement non automatique.
L’arrêté royal du 12 avril 2016 reprend la teneur des dispositions visées ci-avant de la directive.
Dès lors, se pose la question de l’application de la directive et de la norme belge de transposition à une situation, telle celle de l’espèce, où l’instrument de pesage en cause a été utilisé aux fins de l’application d’une législation ou d’une réglementation à caractère pénal, c’est-à-dire étrangère, dans le chef de l’utilisateur, au cadre d’une activité commerciale.
11. Cette question étant relative à l’interprétation d’un acte pris par une institution de l’Union européenne, il y a lieu, conformément à l’article 267, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’interroger à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne.
B. Sur le pourvoi de la demanderesse :
12. La Cour sursoit à statuer dans l’attente de la réponse à la question préjudicielle énoncée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Sursoit à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée à titre préjudiciel sur la question suivante :
« Les articles 1, 2.3), et 3 de la directive 2014/31/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché des instruments de pesage à fonctionnement non automatique, sont-ils applicables à l’utilisation, par les autorités judiciaires ou policières, d’instruments de pesage à fonctionnement non automatique aux fins de la détermination de la masse des véhicules pour l’application d’une législation ou d’une réglementation nationale, sanctionnée pénalement, et qui, tels les articles 41, § 3, 1°, et 43, § 3, 1°, de la loi du 15 juillet 2013 relative au transport de marchandises par route et portant exécution du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil et portant exécution du règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route, et 21, alinéa 1er, 5°, et 35, 4°, de l’arrêté royal du 22 mai 2014 relatif au transport de marchandises par route, interdisent la mise en circulation de véhicules dont la masse mesurée dépasse la masse maximale autorisée ? ».
Réserve les frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six avril deux mille vingt-trois par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.22.0563.F
Date de la décision : 26/04/2023
Type d'affaire : Droit commercial

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-04-26;p.22.0563.f ?

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