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20/04/2023 | BELGIQUE | N°C.22.0325.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 avril 2023, C.22.0325.F


N° C.22.0325.F
1. Z. T.,
2. V. B.,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
1. K. T.,
2. S. T.,
défendeurs en cassation,
3. D. T.,
4. X. T.,
5. E. M.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.r> I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 29 avril 2022 p...

N° C.22.0325.F
1. Z. T.,
2. V. B.,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
1. K. T.,
2. S. T.,
défendeurs en cassation,
3. D. T.,
4. X. T.,
5. E. M.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 29 avril 2022 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport.
L’avocat général Bénédicte Inghels a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demanderesses présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
De ce que l’arrêt non attaqué du 19 juin 2020, qui ordonne « la production aux débats de l’annexe 5.2.3 à la convention conclue entre, d’une part, [le père des troisième et quatrième défendeurs et ceux-ci] et, d’autre part, la société Dalbit International Ltd, le 1er ou le 31 août 2008, étant les comptes de la société Congo Petrol arrêtés en mai 2008, et de l’annexe 5.2.7 à cette même convention, reprenant la liste des actifs de la société à la même date », considère que « ces documents sont, en effet, susceptibles de contenir la preuve d’un fait pertinent, à savoir la situation comptable réelle de l’entreprise au mois de mai 2008, à propos de laquelle les parties demeurent contraires en fait », il ne se déduit pas que cet arrêt décide que la situation comptable réelle de l’entreprise en mai 2008 constitue un fait pertinent pour déterminer l’existence du dol incident imputé au père des quatre premiers défendeurs.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une interprétation inexacte de cet arrêt, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Quant au premier rameau :
L’article 149 de la Constitution se borne à imposer au juge le respect d'une règle de forme, étrangère à la valeur des motifs des jugements et arrêts.
Le moyen, qui, en ce rameau, à l’appui du grief fait à l’arrêt attaqué de ne pas répondre aux conclusions des demanderesses, fait valoir qu’en examinant la probabilité pour les demanderesses de négocier directement avec la société Dalbit, sans examiner si la réticence du père des quatre premiers défendeurs était constitutive de manœuvre dolosive et si, en l’absence de cette manœuvre, les demanderesses auraient exigé et obtenu du père des quatre premiers défendeurs un prix plus élevé pour la vente des parts de la société Congo Petrol, cet arrêt répond à une thèse différente de celle invoquée par les demanderesses dans leurs conclusions et ne répond pas à la thèse réellement soutenue, invoque une illégalité étrangère à l'obligation de forme prescrite par cette disposition constitutionnelle.
Le moyen, en ce rameau, est irrecevable.

Quant au deuxième rameau :
Ne viole pas la foi due à des conclusions le juge qui rejette, en les contredisant, les défenses proposées dans ces conclusions.
Le moyen, en ce rameau, ne peut être accueilli.
Quant au troisième rameau :
L’arrêt attaqué constate que « la convention de cession de parts sociales conclue en juillet 2008 et portant notamment sur la vente par [les demanderesses au père des quatre premiers défendeurs et à son épouse, la cinquième défenderesse], ‘et leurs enfants’, de leurs parts dans la société de droit de la République démocratique du Congo ‘La Congolaise des Pétroles’, ci-après ‘Congo Petrol’ », « prévoit que les 50 p.c. des parts détenues par les vendeurs sont cédées à la famille [du père des quatre premiers défendeurs] au prix de 195 000 dollars et que la société Congo Petrol s'engage à rembourser ‘aux vendeurs’ le prêt de 300 000 dollars, majoré d'intérêts forfaitairement évalués à 100 000 dollars ».
Il énonce qu’« indépendamment de l'identité exacte des actionnaires dans chaque famille, qui a d'ailleurs varié au fil du temps, les affaires en litige étaient d'abord et avant tout celles [du père des quatre premiers défendeurs] et [du mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse] » et que, « bien que [les demanderesses] le contestent, leur famille est entrée dans le capital de Congo Petrol en 1998 sans acheter, au sens strict du terme en tout cas, les 50 p.c. des parts sociales qui lui ont été attribuées, mais en contrepartie d'un ‘crédit’ de 300 000 dollars accordé par la société Brifin à Congo Petrol et d'un accord pour qu'une société [du mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse] fournisse Congo Petrol ».
Il relève qu’« à propos de la cession des actions [des demanderesses], c'est [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse] qui, en premier lieu, écrivit [au père des quatre premiers défendeurs] que, ‘dans la vie d'une société, une remise en question constante est indispensable. Nous sommes arrivés à un tournant et nous ne pouvons éviter cette remise en question’ », qu’« il souhaitait que [le père des quatre premiers défendeurs] lui fasse une proposition », que celui-ci « proposa alors, en septembre 2006, plusieurs scénarios, dont celui où [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse], s'estimant mécontent, ‘voudrait se retirer tout de suite’ », que, « selon ce scénario, ‘Congo Petrol fera l'effort de réserver au remboursement des 300 000 dollars une somme X sur tous les volumes que nous vendons et nous versons tous les mois jusqu'à l’apurement de la dette’ », que le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse « demanda quel montant mensuel était proposé, sans autre remarque par rapport à ce scénario du retrait », que, « quelques jours plus tard, [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse] résuma les différents scénarios envisagés et notamment celui ‘[que la famille des demanderesses] vend ses parts à la famille [du père des quatre premiers défendeurs] pour 300 000 dollars + 25 000 dollars (GO) = 325 000 dollars payables par mois sur une période de 36 mois, le transfert de propriété des parts ne se faisant qu'après le paiement complet’ », qu’« au fil du temps, il y eut encore d'autres propositions qui gravitaient autour du remboursement de la somme de 300 000 dollars et, s'il est vrai qu'en 2007, [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse] demanda [au père des quatre premiers défendeurs] ‘d'évaluer l'actionnariat’, la famille [des demanderesses] proposa un prix global de 620 000 dollars en mars 2008 basé sur le prêt et des points particuliers de la relation d'affaires entre les familles dans le cadre de Congo Petrol, et non sur la valeur de la société », que, dans sa relation d’une réunion tenue en juillet, l’avocat consulté par toutes les parties, après avoir énoncé qu’il a retenu que le mari de la première demanderesse et celle-ci « avaient mentionné un prix de 620 000 dollars », sur la base des « éléments suivants : prêt de 1999 : 309 000 ; intérêts : 296 640 ; dette produit : 25 000 ; installation de jet rachetée par la société de la famille pour 75 000 alors que la valeur estimée est de 250 000, soit un gain de 175 000 à diviser par deux : 87 500 ; réduction de 100 000 correspondant à la marge réalisée sur livraisons », « écrivait certes que, ‘à défaut de toute information sur la situation financière de Congo Petrol, il est évidemment difficile d'établir un prix’, mais que la famille [des demanderesses] savait très bien à quelles conditions elle entendait céder ses parts », l’arrêt attaqué relevant que « c'est d'ailleurs le montant global de 620 000 dollars qu'elle entendait obtenir qui a été payé, nonobstant la tentative de négociation [du père des quatre premiers défendeurs] pour réduire ce chiffre », et que « la convention litigieuse ne fait mention que de 595 000 dollars (300 000 + 100 000 + 195 000), mais c'est parce que le poste de 25 000 dollars (‘dette produit’) avait entre-temps été apuré », et que, « malgré la bonne connaissance que [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse] avait de Congo Petrol, et spécialement d'un contrat avec Total, il n'a rien revendiqué d'autre que les différents montants précités, qui correspondent à une clôture de comptes entre les parties plutôt qu'à la valorisation de la société Congo Petrol ».
Il considère que « soutenir actuellement que la famille [des demanderesses] a été victime de réticences dolosives est dès lors radicalement incompatible avec le champ des négociations bien circonscrit par [le père des quatre premiers défendeurs] et [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse], telles qu'elles ont débuté en 2006 et se sont poursuivies jusqu'en 2008, notamment après que [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse] eut recueilli les informations relatives au contrat ‘Total’ », que « la consistance patrimoniale de Congo Petrol n'a guère eu d'importance pour [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse] jusqu'à la fin des négociations », qu’« en avril 2008, il ne faisait d'ailleurs de la communication officielle des comptes de la société qu'un outil de pression et certainement pas un préalable nécessaire à la conclusion d'un contrat », puisqu’il écrivait que, « si la convention de retrait n'est pas signée avant le 15 mai prochain accompagnée d'un premier paiement, tu nous vois contraints d'adopter une position ferme que je résume ci-après. Nous demandons à notre avocat […] d'intervenir », l’arrêt attaqué ajoutant qu’« à la lecture de ce courrier électronique datant d'avril 2008, la cour [d’appel] constate par ailleurs que la présentation des faits [des demanderesses], selon lesquelles [le père des quatre premiers défendeurs] aurait brusquement voulu en terminer en juin 2008, en déduisant que [le père des quatre premiers défendeurs] avait ‘manifestement’ entamé les négociations avec Dalbit, est fallacieuse ».
Il considère également qu’« en tout état de cause, à supposer que [le père des quatre premiers défendeurs] ait commis une faute en ne parlant pas de négociations avec Dalbit, il est hautement improbable que cela pût faire perdre à la famille [des demanderesses] le montant qu'elle réclame actuellement, ou même la moindre possibilité de l'obtenir, dès lors que ces négociations, dont le point de départ est incertain, n'avaient de toute façon pas abouti au moment de la signature de la convention litigieuse », et que, « si [les demanderesses] estiment qu'elles auraient eu la moindre possibilité d'obtenir directement de Dalbit la somme qu'elles réclament, cela n'est pas davantage établi en raison des griefs que [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse], qui aurait donc participé à la négociation, nourrissait à l’encontre [du père des quatre premiers défendeurs] et du fait que [le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse], en juin 2008, était en train de développer d'autres activités en Tanzanie ».
Par ces énonciations, l’arrêt attaqué donne à connaître que, compte tenu de la volonté du mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse de vendre les parts de la société Congo Petrol pour le prix qu’il demandait et qu’il a obtenu, ce prix correspondant à une clôture des comptes entre les parties, et de signer la convention de cession avant le 15 mai 2008, soit alors que les négociations entre le père des quatre premiers défendeurs et la société Dalbit n’avaient pas commencé, et, compte tenu de la circonstance que, même informé de ces négociations, le mari de la première demanderesse et père de la seconde demanderesse n’aurait pas obtenu un prix supérieur, les demanderesses auraient vendu leurs parts pour le même prix que celui obtenu, même si elles avaient été informées de l’existence desdites négociations.
Ainsi, l’arrêt attaqué examine si le père des quatre premiers défendeurs s’était rendu coupable de la réticence dolosive alléguée et si, en l’absence de cette réticence, les demanderesses auraient accepté de vendre leurs parts aux défendeurs aux mêmes conditions de prix que celles qui ont été convenues dans le contrat litigieux.
Le moyen, qui, en ce rameau, repose sur une interprétation inexacte de cet arrêt, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demanderesses aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de neuf cent trois euros quatre centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Maxime Marchandise, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt avril deux mille vingt-trois par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.22.0325.F
Date de la décision : 20/04/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-04-20;c.22.0325.f ?

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