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06/04/2023 | BELGIQUE | N°C.22.0012.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 avril 2023, C.22.0012.F


N° C.22.0012.F
D. R.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
RÉPUBLIQUE DE MAURICE, représentée par son attorney general,
M. G., son solicitor general, D. K. D., et son deputy solicitor general, R. R., dont les bureaux sont établis à Port-Louis (République de Maurice), Renganaden Seeneevassen Building, 4e étage,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, a

vocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur,...

N° C.22.0012.F
D. R.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
RÉPUBLIQUE DE MAURICE, représentée par son attorney general,
M. G., son solicitor general, D. K. D., et son deputy solicitor general, R. R., dont les bureaux sont établis à Port-Louis (République de Maurice), Renganaden Seeneevassen Building, 4e étage,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 30 juin 2021 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en dernier ressort.
Le 8 mars 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant aux première et deuxième branches :
Le moyen, en sa première branche, fait grief au jugement attaqué, d’une part, de se référer à la sentence arbitrale, qui ne retient que le contexte du traité sur la protection des investissements conclu entre la France et la République de Maurice le 22 mars 1973 comme fondement de la décision d’incompétence, d’autre part, de retenir des motifs d’incompétence distincts de ceux de la sentence.
Le moyen, en sa deuxième branche, fait grief au jugement attaqué de se référer à la sentence arbitrale, qui déduit du seul renvoi à la Convention du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements figurant à l’article 9 du traité précité une condition générale excluant de son champ d’application les doubles nationaux.
Leur examen impose de prendre connaissance de la sentence arbitrale.
Celle-ci, qui n’est reproduite que partiellement dans le jugement attaqué, ne se trouve pas dans le dossier de la procédure suivie devant le juge du fond et n’est pas jointe à la requête.
Le moyen, en ces branches, est irrecevable.
Quant à la troisième branche :
Le jugement attaqué relève que « la Convention de Vienne n’invite à tenir compte que des traités applicables dans les relations entre les parties, dans la mesure où l’objet de l’interprétation des traités est de définir la commune intention des parties ».
Il considère que, « en ce sens, le nouveau traité bilatéral d’investissement conclu en mars 2010 entre la France et la République de Maurice est […] un élément de contexte pertinent […], même s’il n’est pas encore entré en vigueur à l’heure actuelle », que « ce nouveau traité exclut […] les binationaux de son champ d’application » et que « l’objectif de ce nouveau traité est essentiellement de mettre le traité bilatéral d’investissement France-Maurice en conformité avec la pratique conventionnelle » en sorte que « la conclusion de ce nouveau traité permet […] de constater qu’à partir de 2010 au plus tard, la France et la République de Maurice avaient l’intention commune de ne pas soumettre les binationaux à la même protection que celle des investisseurs uninationaux de l’autre État partenaire ».
Il ressort de ces énonciations que le jugement attaqué considère, non que le traité bilatéral d’investissement conclu en 2010 détermine la portée du traité conclu en 1973, mais qu’il révèle l’intention commune des parties, à tout le moins à partir de 2010, de ne pas considérer les binationaux comme des ressortissants bénéficiant de la protection d’un traité bilatéral d’investissement.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
L’article 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités dispose, en son paragraphe 1er, qu’un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
En vertu de l’article 31, paragraphe 3, c), de ce traité, il sera tenu compte, en même temps que du contexte, de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
Le jugement attaqué énonce que, « le 22 mars 1973, le gouvernement de la République française et le gouvernement de [la défenderesse] ont conclu une convention sur la protection et la promotion des investissements » des « ressortissants » de ces États afin « d’encourager les investissements étrangers au profit de l’économie nationale de chaque État partie à ce traité ».
Après avoir relevé « l’absence de protection diplomatique des binationaux en droit international classique », le jugement attaqué considère que cette « règle de droit des gens qui prive les binationaux de protection diplomatique fait partie du contexte dans lequel fut conclu le traité bilatéral d’investissement litigieux » dès lors que, « par essence, un traité bilatéral d’investissement s’inscrit dans le cadre des relations diplomatiques interétatiques ».
Par ces énonciations, d’où il suit, qu’aux yeux du tribunal, les relations diplomatiques interétatiques constituent le cadre général permettant la conclusion d’un traité bilatéral d’investissement ayant pour objet la protection d’investissements privés, le jugement attaqué a pu, sans violer les dispositions légales visées au moyen, en cette branche, considérer que cette règle coutumière est une règle pertinente au sens de l’article 31, § 3, c), précité.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la cinquième branche :
L’article 32 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités dispose qu’il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31 a) laisse le sens ambigu ou obscur, ou
b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.
Il suit de la formulation même de cette disposition, d’une part, qu’il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation pour confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31, d’autre part, que la référence aux travaux préparatoires du traité est exemplative.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier fondé sur le soutènement, d’une part, que l’appel aux moyens complémentaires d’interprétation ne peut être fait que pour déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31 laisse celui-ci ambigu, obscur ou aboutit à un résultat manifestement absurde, d’autre part, que seuls les travaux préparatoires du traité constituent un moyen complémentaire d’interprétation, manque en droit.
Sur le second moyen :
L’article 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités dispose, en son paragraphe 1er, qu’un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but
En vertu de l’article 31, paragraphe 3, de ce traité, il sera tenu compte, en même temps que du contexte, de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le Premier Protocole additionnel à cette convention ne constituent pas des règles de droit international applicables entre les parties.
Dans la mesure où il revient à soutenir que le traité bilatéral litigieux devrait être interprété à la lumière de cette convention et du Premier Protocole additionnel, qui ne lient pas la défenderesse, le moyen manque en droit.
Et la violation prétendue des autres dispositions légales visées au moyen ainsi que la méconnaissance des principes généraux cités sont tout entières déduites de la violation vainement alléguée des articles 1er, 6 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et des article 1er et 5 du Premier Protocole additionnel à cette convention.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent trente euros soixante centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du six avril deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.22.0012.F
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-04-06;c.22.0012.f ?

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