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23/03/2023 | BELGIQUE | N°C.22.0243.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 mars 2023, C.22.0243.F


N° C.22.0243.F
1. S. S., et
2. S. G.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où

il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé...

N° C.22.0243.F
1. S. S., et
2. S. G.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Alors que tout étranger considéré comme réfugié en vertu de
l’article 49, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers est du fait même, aux termes de cette disposition, admis au séjour dans le royaume, aucune disposition légale similaire n’existe en faveur de l’apatride reconnu tel, que l’article 98, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 8 octobre 1991 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers soumet à la réglementation générale.
Par l’arrêt n° 1/2012 du 11 janvier 2012, la Cour constitutionnelle a décidé que, lorsque l’apatride s’est vu reconnaître cette qualité parce qu’il a involontairement perdu sa nationalité et qu’il démontre qu’il ne peut obtenir un titre de séjour légal et durable dans un autre État avec lequel il aurait des liens, la situation dans laquelle il se trouve est de nature à porter une atteinte discriminatoire à ses droits fondamentaux, de sorte que la différence de traitement entre cet apatride et le réfugié reconnu n’est pas raisonnablement justifiée.
Elle a dit pour droit que la loi précitée du 15 décembre 1980 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’elle ne prévoit pas, pour cet apatride, un droit de séjour comparable à celui dont bénéficie le réfugié en vertu de l’article 49 de cette loi.
Le juge est tenu de remédier à toute lacune de la loi dont la Cour constitutionnelle a constaté l’inconstitutionnalité, ou à celle qui résulte de ce qu’une disposition de la loi est jugée inconstitutionnelle, lorsqu’il peut suppléer à cette insuffisance dans le cadre des dispositions légales existantes pour rendre la loi conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution.
L’arrêt attaqué relève que « les [demandeurs] ont vécu en Italie dès leur prime jeunesse », qu’« ils se sont rencontrés dans ce pays, s’y sont mariés selon le rite coutumier et y ont eu deux enfants », que « la grand-mère maternelle a déclaré ces deux enfants sous le nom du grand-père paternel à l’état civil italien » et qu’ils ont résidé dans ce pays pendant « de nombreuses années », en précisant pour la demanderesse qu’elle y a vécu jusqu’en 2010, année de l’arrivée de la famille en Belgique.
Il a pu déduire de ces énonciations, sans violer les dispositions légales visées au moyen, en cette branche, que les demandeurs ont avec l’Italie des liens tels qu’il leur revient de démontrer qu’ils n’ont pas de possibilité réaliste d’y obtenir un titre de séjour légal et durable.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l’arrêt de ne pas avoir égard au respect de la vie familiale des demandeurs, sans préciser pourquoi ce respect impliquerait la reconnaissance d’un droit au séjour comparable à celui des réfugiés, est irrecevable.
Sur le second moyen :
Si l’article 149 de la Constitution requiert que la décision du juge du fond contienne des motifs qui permettent à la Cour d’exercer son contrôle de légalité, ce contrôle ne trouve à s’exercer que sur des questions qui ont été soumises au juge du fond.
Dans leurs conclusions, les demandeurs soulignaient que le jugement du tribunal du travail de Liège du 24 juillet 2018 a constaté que la demanderesse n’était pas en mesure d’obtenir un droit de séjour durable dans un État avec lequel elle présenterait des liens et qu’elle disposait d’un droit au séjour par le simple fait de son apatridie, puis demandaient à la cour d’appel d’adopter le même raisonnement, mais ils n’ont en revanche, contrairement à ce que soutient le moyen, pas fait valoir que ce jugement revêtirait une force probante particulière.
Le grief que le moyen, en cette branche, fonde sur la disposition constitutionnelle précitée ne peut, dès lors, pas être soulevé pour la première fois devant la Cour.
Pour le surplus, le jugement du tribunal du travail de Liège du
24 juillet 2018 ne figure pas au rang des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard.
Dans la mesure où il fait grief à l’arrêt de méconnaître la force probante dudit jugement, l’examen du moyen requiert des vérifications de fait excédant les pouvoirs de la Cour.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés, en débet, à la somme de deux cent cinquante-quatre euros trois centimes envers les parties demanderesses et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.22.0243.F
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Droit administratif - Droit constitutionnel - Autres

Analyses

Par l'arrêt n° 1/2012 du 11 janvier 2012, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que la loi du 15 décembre 1980 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne prévoit pas, pour l' apatride qui a involontairement perdu sa nationalité et qui démontre qu'il ne peut obtenir un titre de séjour légal et durable dans un autre État avec lequel il aurait des liens, un droit de séjour comparable à celui dont bénéficie le réfugié en vertu de l'article 49 de cette loi.

ETRANGERS - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 10 - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 11 [notice1]

Le juge est tenu de remédier à toute lacune de la loi dont la Cour constitutionnelle a constaté l'inconstitutionnalité, ou à celle qui résulte de ce qu'une disposition de la loi est jugée inconstitutionnelle, lorsqu'il peut suppléer à cette insuffisance dans le cadre des dispositions légales existantes pour rendre la loi conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution (1). (1) Cass. 10 septembre 2021, RG C.20.0138.F, Pas. 2021, nr. 542.

JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE CIVILE - Généralités - ETRANGERS - COUR CONSTITUTIONNELLE [notice4]


Références :

[notice1]

La Constitution coordonnée 1994 - 17-02-1994 - Art. 10 et 11 - 30 / No pub 1994021048 ;

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 49 - 30 / No pub 1980121550

[notice4]

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 49 - 30 / No pub 1980121550


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-03-23;c.22.0243.f ?

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