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22/03/2023 | BELGIQUE | N°P.23.0222.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 mars 2023, P.23.0222.F


N° P.23.0222.F
B. Ch.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Bonaventure Mbarushimana, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 février 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS

I

l ressort de la procédure que
- arrivé le 12 octobre 2022 à l’aéroport de Zaventem, le demandeur a int...

N° P.23.0222.F
B. Ch.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Bonaventure Mbarushimana, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 février 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS

Il ressort de la procédure que
- arrivé le 12 octobre 2022 à l’aéroport de Zaventem, le demandeur a introduit une demande de protection internationale le même jour et il s’est vu notifier une décision de maintien dans un lieu déterminé situé à la frontière, en application de l’article 74/5, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ;
- le 9 novembre 2022, un deuxième titre de rétention lui a été notifié sur la base de l’article 74/5, § 4, 5°, de la loi précitée, aucune décision n’ayant été prise par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides dans le délai de quatre semaines à dater de l’introduction de la demande précitée ;
- le 12 décembre 2022, ce dernier a rejeté ladite demande et cette décision a été confirmée par un arrêt du Conseil du contentieux des étrangers du 2 janvier 2023 ;
- à la suite du refus du demandeur, le 13 janvier 2023, de monter dans un avion en vue de son éloignement du territoire belge, une troisième décision de maintien lui a été notifiée le même jour, en application de l’article 74/5, § 1er, 1°, de la loi ;
- le 16 janvier 2023, le demandeur a déposé une requête de mise en liberté, contestant la légalité de la privation de liberté, à défaut, pour l’Office des étrangers, d’avoir procédé à la prolongation de la décision du 12 octobre 2022 ;
- par une ordonnance de la chambre du conseil du 20 janvier 2023, la demande a été rejetée ;
- à la suite de l’introduction, le 24 janvier 2023, d’une nouvelle demande de protection internationale, une quatrième décision de maintien a été prise à l’égard du demandeur le même jour.
L’arrêt attaqué statue sur l’appel formé par le demandeur contre l’ordonnance du 20 janvier 2023.

III. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen pris, d’office, de la violation de l’article 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
L’article 71 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, donne compétence à la chambre du conseil et à la chambre des mises en accusation pour connaître du recours formé par l’étranger contre la mesure privative de liberté dont il fait l’objet.
Le contrôle judiciaire prévu par ladite loi vise le titre actif, c’est-à-dire le titre originaire toujours en vigueur au moment où la juridiction d’instruction en vérifie la légalité, mais aussi le nouveau titre, substitué à l’ancien, et à la faveur duquel l’étranger demeure privé de liberté.
Par ailleurs, l’article 5.4 de la Convention dispose que toute personne privée de sa liberté a le droit d’introduire un recours devant le tribunal afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
La sanction de l’illégalité étant une libération qui doit intervenir à bref délai, il se comprend que l’article 5.4 vise le recours de l’étranger toujours détenu au moment où la juridiction d’instruction est appelée à statuer sur son recours.
Ainsi, le bref délai requis par la Convention coïncide avec la période de privation de liberté : ce que l’article 5.4 prohibe, c’est l’impossibilité pour l’étranger, alors qu’il est administrativement détenu, de faire contrôler les titres en vertu desquels il est retenu.
L’article 5.4 précité est dès lors violé au cas où un étranger a fait successivement l’objet de plusieurs décisions privatives de liberté sans que le contrôle juridictionnel ait pu être clôturé par une décision définitive en raison de la survenance, pendant la procédure de contrôle du titre de privation de liberté en vigueur, d’un nouveau titre autonome remplaçant le précédent.
Le lien nécessaire entre l’exigence d’un contrôle « à bref délai » de la légalité d’une privation de liberté et l’existence d’un titre actif de la rétention à contrôler ressort également des articles 15.2 de la directive Retour et 9.3 de la directive Accueil. En vertu de ces dispositions, il appartient aux Etats membres de prévoir qu’un contrôle juridictionnel accéléré du placement en rétention ait lieu le plus rapidement possible à compter du début de la privation de liberté, ou d’accorder à l’étranger le droit d’engager une procédure aux mêmes fins. Les dispositions précitées ajoutent que l’étranger est immédiatement remis en liberté si ce contrôle, requis à bref délai, débouche sur un constat d’illégalité de la rétention.
L’arrêt énonce que la décision de maintien du 24 janvier 2023 constitue un titre de rétention autonome et considère que, partant, le recours contre la décision privative de liberté du 13 janvier 2023 est devenu sans objet.
Ainsi, l’arrêt dénie au demandeur le droit de faire contrôler, à bref délai, la légalité des titres qui fondent sa rétention, alors que celle-ci perdure.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au moyen invoqué dans le mémoire du demandeur qui ne saurait entraîner une cassation dans des termes différents du présent dispositif.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.0222.F
Date de la décision : 22/03/2023
Type d'affaire : Droit administratif

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-03-22;p.23.0222.f ?

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