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02/03/2023 | BELGIQUE | N°F.21.0172.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mars 2023, F.21.0172.F


N° F.21.0172.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
P. D., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de V. G.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cou

r d’appel de Mons.
Le 10 février 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclu...

N° F.21.0172.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
P. D., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de V. G.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d’appel de Mons.
Le 10 février 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Aux termes de l’article 70, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, pour toute infraction à l’obligation d’acquitter la taxe, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe éludée ou payée tardivement.
Suivant l’article 84, alinéa 3, de ce code, dans les limites prévues par la loi, le montant des amendes fiscales proportionnelles prévues par ce code ou par les arrêtés pris pour son exécution est fixé selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi.
L’article 1er, dernier alinéa, de l’arrêté royal n° 41 du 30 janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles en matière de taxe sur la valeur ajoutée dispose que l’échelle de réduction des amendes fiscales proportionnelles n’est pas applicable en cas d’infractions commises dans l’intention d’éluder ou de permettre d’éluder la taxe.
Si, aux termes de l’article 9 de l’arrêté du Régent n° 78 du 18 mars 1831 organique de l’administration des Finances, le ministre des Finances statue sur les réclamations ayant pour objet la remise d’amendes et d’augmentations de droits à titre d’amendes, autres que celles prononcées par le juge, il ne s’ensuit pas qu’à défaut d’un tel recours, le juge puisse exercer de telles prérogatives en fixant l’amende proportionnelle pour fraude fiscale en deçà du tarif légal.
Le droit d’accès à un juge garanti par l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’a pas pour effet de conférer ce pouvoir au juge.
L’arrêt constate que le failli conteste le procès-verbal établi le 14 septembre 2016 ainsi que la contrainte décernée le 23 novembre 2016, visée et rendue exécutoire le 25 novembre 2016, en vertu desquels il est redevable de la somme de 30 450 euros à titre d’amendes proportionnelles en vertu de l’article 70, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.
L’arrêt considère que « les éléments graves, précis et concordants [qu’il relève] permettent d’établir, par présomptions de l’homme, que les factures émises par les prétendus sous-traitants […], sur lesquelles se fondent les déductions litigieuses, sont fictives » et que, vu sa gravité, l’amende de 200 p.c. du montant de la taxe sur la valeur ajoutée éludée revêt « un caractère pénal et que, partant, l’article 6 de la Convention [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales lui] est applicable ».
Après avoir énoncé que « le juge saisi doit pouvoir apprécier la proportionnalité de la sanction à la gravité de l’infraction et, par voie de conséquence, remettre ou réduire l’amende infligée, de la même manière et dans les mêmes limites que celles qui sont assignées par la loi à l’administration, de telle sorte que rien de ce qui relève de l’appréciation de celle-ci ne puisse échapper au contrôle judiciaire », et que « l’administration applique […] des amendes fiscales inférieures aux barèmes prévus par les arrêtés royaux et retient, dans son appréciation du taux de l’amende à infliger, les éléments propres à chaque cas d’espèce », l’arrêt considère que « le juge dispose de la compétence d’exercer un contrôle de proportionnalité des amendes fiscales indépendamment de l’article 9 de l’arrêté du Régent du 18 mars 1831, sur la base de l’article 6 de la Convention [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] ».
Par ces considérations, d’où il ne ressort pas que le ministre des Finances ou son délégué a été saisi par le failli d’un recours sur la base de l’article 9 de l’arrêté du Régent n° 78 du 18 mars 1831, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision que, « compte tenu du cumul des amendes proportionnelles égales à deux fois les taxes dues en matière de [taxe sur la valeur ajoutée] et [des] accroissements d’impôt de 50 p.c. appliqués à l’impôt des personnes physiques […], il serait disproportionné de maintenir au double des taxes éludées l’amende proportionnelle infligée […] en matière de [taxe sur la valeur ajoutée] » et que cette amende « sera ainsi ramenée à 100 p.c. de ces taxes ».
Le moyen est fondé.
Sur l’étendue de la cassation :
La cassation de la décision de réduction de l’amende infligée en matière de taxe sur la valeur ajoutée s’étend, en raison du lien établi par l’arrêt entre ces décisions, à la décision de rejet de la demande de sursis à l’exécution de cette amende.
Et il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur les amendes dues en vertu de l’article 70, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, sur la demande de sursis à l’exécution de ces amendes et sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.21.0172.F
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Droit fiscal - Droit international public

Analyses

Si, aux termes de l'article 9 de l'arrêté du Régent n° 78 du 18 mars 1831 organique de l'administration des Finances, le ministre des Finances statue sur les réclamations ayant pour objet la remise d'amendes et d'augmentations de droits à titre d'amendes, autres que celles prononcées par le juge, il ne s'ensuit pas qu'à défaut d'un tel recours, le juge puisse exercer de telles prérogatives en fixant l'amende proportionnelle pour fraude fiscale en deçà du tarif légal (1). (1) Voir les concl. du MP.

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE [notice1]

Le droit d'accès à un juge garanti par l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas pour effet de conférer ce pouvoir au juge (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er [notice3]


Références :

[notice1]

L. du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée - 03-07-1969 - Art. 70, § 1er, et 84, al. 3 - 32 ;

A.R. n° 41 du 30 janvier 1987 - 41 - 30-01-1987 - Art. 1er, dernier al. - 32 ;

A. Rég. n° 78 du 18 mars 1831 - 18-03-1831 - Art. 9 - 01 / No pub 1831031801

[notice3]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-03-02;f.21.0172.f ?

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