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09/02/2023 | BELGIQUE | N°C.22.0156.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 février 2023, C.22.0156.F


N° C.22.0156.F
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.483.367,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654, fa

isant élection de domicile en l’étude de l’huissier de justice Anne Van Den Berghe, étab...

N° C.22.0156.F
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.483.367,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654, faisant élection de domicile en l’étude de l’huissier de justice Anne Van Den Berghe, établie à Ixelles, avenue de la Couronne, 145, bloc F,
défenderesse en cassation,
en présence de
FONDS COMMUN DE GARANTIE BELGE, association d’assurance mutuelle, dont le siège est établi à Saint-Josse-ten-Noode, rue de la Charité, 33, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0407.229.655,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch et assistée par Maître Gilles Genicot, avocats à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal de première instance du Hainaut, statuant en degré d’appel.
Le 25 janvier 2023, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les faits de la cause et les antécédents de la procédure
Tels qu’ils ressortent du jugement attaqué et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, les faits de la cause peuvent être résumés comme suit :
Le 27 mars 2008, un accident de la circulation survient entre :
- une camionnette assurée auprès de la société Ethias, défenderesse en cassation, conduite par A. D. et transportant deux passagers L. U. et B. D. ;
- une automobile pourvue de la reproduction d’une plaque essai ZZF… à l’avant et de la reproduction d’une plaque marchand ZEA… à l’arrière, et appartenant à un garagiste C. J., lequel est assuré en responsabilité civile pour la plaque essai auprès de la société Axa Belgium, demanderesse en cassation ; trois personnes se trouvaient à bord de ce véhicule : C. B., S. B. et C. M. et, à l’arrivée des secours, aucune de ces personnes ne se trouve derrière le volant.
A. D. et C. M. sont décédés des suites de leurs blessures.
Sur le plan pénal, par un jugement du tribunal de police de Charleroi du 24 juin 2013, confirmé en appel, C. B. a été acquitté, sa qualité de conducteur de l’automobile au moment des faits n’étant pas établie, tandis que par un jugement du 26 juin 2017 de ce même tribunal de police, non frappé d’appel, C. J. a également été acquitté.
La société Ethias, défenderesse, est intervenue en plusieurs qualités, dont celle d’assureur de la responsabilité civile automobile de la camionnette, subrogé dans les droits de L. U. et B. D., passagers en faveur desquels elle est intervenue sur la base de l’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, et en tant qu’assureur-loi de ces mêmes personnes.
Elle a introduit un recours subrogatoire contre la société Axa Belgium, demanderesse en cassation, ou le Fonds commun de garantie belge, partie appelée en déclaration d’arrêt commun, l’une ou l’autre étant susceptible de couvrir l’automobile pour l’accident en cause.
Le premier juge a dit la demande de la société Ethias fondée contre la société Axa Belgium et non fondée à l’égard du Fonds commun de garantie belge.
Le jugement attaqué confirme cette décision.
III. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 150 et 151, § 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances ;
- articles 86 et 87, § 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014 ;
- articles 2, 3 et 16 de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs ;
- articles 6, § 1er, et 11, § 1er, des Dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, approuvée par la loi du 19 février 1968 ;
- article 4.5 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 portant réglementation de l’immatriculation des plaques commerciales pour véhicules à moteur et remorques, tel qu’en vigueur avant sa modification par l’arrêté royal du
15 décembre 2019.
Décisions et motifs critiqués
Le jugement attaqué dit l’appel formé par la demanderesse contre le jugement entrepris non fondé.
Par confirmation du jugement entrepris, il déclare la demande de la défenderesse recevable et fondée en ce qu’elle est dirigée contre la demanderesse et condamne celle-ci à payer à la défenderesse la somme provisionnelle de
10 001 euros.
Il décide quant à la couverture d’assurance du véhicule BMW :
« Il n’est pas contesté que le conducteur du véhicule BMW est responsable de l’accident et que la responsabilité civile du conducteur de tout véhicule porteur de la plaque essai ZZF… était couverte par [la demanderesse]. Lors de l’accident, le véhicule BMW était immatriculé à l’avant avec une reproduction de cette plaque ZZF...
Dans le cadre des polices ‘garagistes’, la plaque d’immatriculation dont le garagiste est titulaire et qui est spécifiée au contrat, est le seul élément qui permet d’identifier l’objet de celui-ci, étant le véhicule qui en est pourvu, lequel est amené à varier. L’assureur ne sait donc jamais quel véhicule est porteur de la plaque assurée, lequel est donc en principe et d’office assuré.
Par l’apposition de duplicatas de plaques essai, le problème n’est donc pas l’identification du véhicule assuré, qui demeure inconnu même avec l’original des plaques, mais bien le nombre de véhicules potentiellement assurés puisque ce nombre est amené à augmenter et que l’assureur est en droit de supposer que la plaque officielle a été utilisée en même temps sur un autre véhicule.
Un tel cas de figure s’analyse comme une aggravation du risque qui peut être définie comme une circonstance qui a pour effet d’accroître de manière durable, soit la probabilité, soit l’intensité du risque, sans qu’il soit requis que ladite circonstance ait ou puisse avoir une influence sur le sinistre lui-même.
La question de l’impact sur les tiers lésés d’une telle aggravation du risque a été clarifiée et tranchée par deux décisions auxquelles [le jugement attaqué] se rallie :
- [celle de] la Cour de justice Benelux [qui], dans un arrêt du
17 décembre 1992, a statué comme suit : ‘l’assureur qui a conclu un contrat d’assurance couvrant la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu tout véhicule qui est pourvu de la plaque d’immatriculation spécifiée au contrat ne peut sur la base de l’article 11 des dispositions communes, auquel fait écho l’article 16 de la loi du 21 novembre 1989, opposer au tiers lésé la circonstance que le véhicule avait une cylindrée supérieure qui était mentionnée au contrat comme étant la cylindrée maximum’ ;
- [celle de] la Cour de cassation [qui], dans un arrêt du 12 octobre 1993, se rallie à la position de la Cour de justice Benelux.
Il y a lieu d’en déduire qu’aucune contestation entre l’assureur et l’assuré, relative notamment à une aggravation du risque, ne peut être opposée aux tiers. Une telle situation ne peut en effet plus donner lieu qu’à un recours de l’assureur contre le garagiste, sur la base de l’article 25, 1°, b) et c), du contrat-type de 1992 qui dispose ce qui suit : ‘La compagnie a un droit de recours contre le preneur d’assurance : […] b) en cas d’omission ou d’inexactitude intentionnelles dans la déclaration du risque tant à la conclusion qu’en cours de contrat. Ce recours s’exerce intégralement et n’est pas soumis à la limitation prévue à l’article 24 ; c) en cas d’omission ou d’inexactitude non intentionnelles dans la déclaration du risque tant à la conclusion qu’en cours de contrat, qui peuvent être reprochées au preneur d’assurance’.
La position de la demanderesse consistant à affirmer que cette circonstance constituerait un défaut d’identification du véhicule assuré, qui aurait pour conséquence une absence de couverture opposable aux tiers lésés, s’appuie sur une doctrine, ainsi que sur la jurisprudence y citée, […] antérieures à 1985 […] et aux arrêts précités ainsi qu’au contrat-type de 1992.
Il résulte de ce qui précède que l’usage d’une reproduction de la plaque assurée constitue une aggravation du risque non opposable aux tiers lésés et que la demanderesse est tenue à couverture.
Il y a dès lors lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point ».
Griefs
1. L’article 6, § 1er, des Dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, approuvée par la loi du 19 février 1968, dispose que l'assurance fait naître au profit de la personne lésée un droit propre contre l'assureur.
Aux termes de l’article 11, § 1er, de ces dispositions communes, aucune nullité, aucune exception ou déchéance dérivant de la loi ou du contrat d'assurance ne peut être opposée par l'assureur à la personne lésée.
Ces dispositions ont été transposées en droit belge par les articles 150 et 151, § 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, 86 et 87, § 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, tel qu’en vigueur avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, et 16 de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs.
En vertu de l’article 150 de la loi du 4 avril 2014 et de l’article 86 de la loi du 25 juin 1992, tel qu’en vigueur avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, l'assurance de la responsabilité fait naître au profit de la personne lésée un droit propre contre l'assureur.
L’article 151, § 1er, de la loi du 4 avril 2014 et l’article 87, § 1er, de la loi du 25 juin 1992, tel qu’en vigueur avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, disposent que, dans les assurances obligatoires de la responsabilité civile, les exceptions, franchises, nullités et déchéances dérivant de la loi ou du contrat, et trouvant leur cause dans un fait antérieur ou postérieur au sinistre, sont inopposables à la personne lésée. L’annulation, la résiliation, l’expiration ou la suspension du contrat intervenues avant la survenance du sinistre sont toutefois opposables à la personne lésée.
L’article 16 de la loi du 21 novembre 1989 prescrit que, sans préjudice des dispositions de la section 3 du présent chapitre (quant à l’opposabilité aux personnes lésées des événements ou clauses mettant fin au contrat d'assurance, suspendant celui-ci ou la garantie qui en fait l'objet), aucune nullité, aucune exception ou déchéance dérivant de la loi ou du contrat d'assurance ne peut être opposée par l'assureur à la personne lésée.
2. La question de l’opposabilité des exceptions ne se pose que si la personne lésée dispose d’un droit propre. Ce droit propre n’existe que dans la mesure où le contrat d’assurance lui-même existe. L’assureur R.C. automobile peut partant opposer à la personne lésée les « exceptions » qui ont pour objet la portée du contrat ou les limites de la garantie. La portée du contrat relève de l’existence de celui-ci.
Les exceptions dérivant du contrat d'assurance, visées aux articles 11,
§ 1er, des dispositions communes, 151, § 1er, de la loi du 4 avril 2014, 86, § 1er, de la loi du 25 juin 1992, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, et 16 de la loi du 21 novembre 1989, qui ne peuvent être opposées par l'assureur à la personne lésée, sont celles que l'assureur peut fonder sur un contrat existant pour s'exonérer de ses obligations envers l'assuré et non celles qui ont pour objet l'existence même du contrat, sa portée et la couverture du risque.
L’assureur peut partant opposer à la demande de la partie lésée qu’il ne couvre pas la responsabilité civile à laquelle pouvait donner lieu le véhicule impliqué dans l’accident litigieux parce qu’il ne s’agit pas du véhicule désigné dans le contrat d’assurance.
3. En vertu de l’article 2 de la loi du 21 novembre 1989, les véhicules automoteurs ne sont admis à la circulation sur la voie publique, les terrains ouverts au public et les terrains non publics mais ouverts à un certain nombre de personnes ayant le droit de les fréquenter, que si la responsabilité civile à laquelle ils peuvent donner lieu est couverte par un contrat d'assurance répondant aux dispositions de la présente loi et dont les effets ne sont pas suspendus.
L’article 3 de la loi du 21 novembre 1989 dispose que l'assurance doit garantir l'indemnisation des personnes lésées chaque fois qu'est engagée la responsabilité civile du propriétaire, de tout détenteur et de tout conducteur du véhicule assuré, de toute personne transportée et des personnes qui sont civilement responsables des personnes précitées, à l'exclusion de la responsabilité civile de ceux qui se seraient rendus maîtres du véhicule par vol ou violence ou par suite de recel.
Le véhicule sur lequel porte le contrat d’assurance (le véhicule assuré) est en règle générale un véhicule déterminé, identifiable par sa marque, le modèle, les numéros de moteur et de châssis, la cylindrée, le genre et la catégorie auxquels il appartient.
Lorsque le contrat couvre la responsabilité du propriétaire ou de l’utilisateur d’un véhicule quelconque muni d’une marque d’immatriculation commerciale (le contrat R.C. automobile « garagiste »), le véhicule assuré est identifié par l’apposition de la marque d’immatriculation commerciale (la « plaque essai » ou la « plaque marchand »). Les caractéristiques visées par les conditions particulières de la police, par exemple la cylindrée maximum, ne constituent pas un élément d’identification complémentaire du véhicule assuré mais ont uniquement pour objet de permettre aux parties de limiter le risque dans leurs relations mutuelles.
L’apposition de la plaque essai ou plaque marchand constitue par contre l’élément d’identification du véhicule assuré. Pour répondre aux dispositions de la loi, le contrat d’assurance portant sur un véhicule quelconque muni d’une plaque essai ou d’une plaque marchand doit porter sur un véhicule identifié ou identifiable. Un véhicule quelconque, c’est-à-dire pouvant présenter les caractéristiques les plus diverses, n’est identifiable ou identifié dans le régime « marchand » que par l’apposition de la « plaque marchand », seul élément constant et certain.
En vertu de l’article 4.5 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 portant réglementation de l'immatriculation des plaques commerciales pour véhicules à moteur et remorques (tel qu’en vigueur avant sa modification par l’arrêté royal du 15 décembre 2019, et dont l’intitulé fut modifié par l’arrêté royal du 15 décembre 2019 en « arrêté royal portant réglementation de l'immatriculation des plaques commerciales et des plaques nationales pour véhicules à moteur et remorques »), le formulaire de demande d’immatriculation des marques d’immatriculation commerciales (plaques essai et plaques marchand), adressé à la Direction de l'Immatriculation des Véhicules auprès du Service public fédéral Mobilité et Transport, comporte l'attestation de l'assureur.
Cette attestation porte le sceau de l'assureur, lequel doit être conforme au modèle déposé préalablement auprès de la Direction de l'Immatriculation des Véhicules auprès du Service public fédéral Mobilité et Transport, ainsi que
le nom en caractères d'imprimerie et la signature de son délégué.
L'assureur ne peut faire figurer son attestation sur un formulaire de demande d'immatriculation qu'à titre de preuve :
- soit de la souscription d'un contrat d'assurance conforme aux dispositions légales relatives à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, pour divers véhicules à mettre successivement en circulation sous couvert d'une « plaque essai » ou d'une « plaque marchand » ;
- soit de l'apport de modifications au contrat d'assurance souscrit.
Il ressort de ces dispositions que le véhicule assuré est celui qui est muni d’une « plaque essai » ou d’une « plaque marchand ». En effet, en apposant son sceau et sa signature sur la demande d’immatriculation d’une marque d’immatriculation commerciale et sur l’attestation dont question ci-dessus, l’assureur s’engage à couvrir par une assurance répondant aux dispositions de la loi, la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu tout véhicule automoteur quelconque, muni de la « plaque essai » ou « plaque marchand », quelles que soient par ailleurs les caractéristiques de ce véhicule et les conventions particulières conclues entre l’assureur et l’assuré.
Partant, pour répondre aux dispositions de la loi sur l’assurance obligatoire, l’assurance « garagiste » doit couvrir la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu tout véhicule quelconque muni d’une « plaque essai » ou « plaque marchand », quelles que soient par ailleurs les caractéristiques de ce véhicule, lesquelles ne peuvent être prises en considération pour identifier le véhicule assuré. Le véhicule assuré est uniquement identifié par l’apposition de la « plaque essai » ou « plaque marchand ».
4. Lorsqu’un garagiste a conclu une assurance R.C. automobile couvrant la responsabilité du propriétaire ou de l’utilisateur d’un véhicule quelconque muni d’une « plaque essai » ou « plaque marchand », l’assureur ne peut pas opposer à la personne lésée le fait que le véhicule était d’une cylindrée supérieure à celle indiquée comme maximum dans le contrat.
L’assureur peut cependant opposer à la partie lésée que le véhicule impliqué dans l’accident n’était pas muni de la « plaque essai » ou « plaque marchand » mentionnée dans le contrat d’assurance, puisque cette défense concerne l’existence ou la portée du contrat d’assurance. Tel est le cas lorsque le véhicule impliqué était pourvu d’une reproduction de la plaque mentionnée dans le contrat d’assurance.
5. Le jugement attaqué constate qu’en l’espèce :
- la responsabilité civile du conducteur de tout véhicule porteur de la plaque essai ZZF… était couverte par la demanderesse ;
- lors de l’accident, le véhicule BMW était pourvu de la reproduction de la plaque essai ZZF… à l’avant et à l’arrière de la reproduction d’une plaque marchande ZEA… (jugement attaqué, p. 5, n° 2 ; jugement entrepris, p. 3, al. 1er et n° 3, exposé des faits auquel le jugement attaqué se réfère : p. 3, al. 5).
En décidant que le cas de figure de l’apposition d’une reproduction de la plaque essai s’analyse comme une aggravation du risque, non opposable aux personnes lésées et ne pouvant donner lieu qu’à un recours de l’assureur contre le garagiste sur la base de l’article 25, 1°, b) et c), du contrat-type 1992, et non comme un cas de non-assurance opposable aux tiers lésés, le jugement attaqué viole les articles 150 et 151, § 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, 86 et 87, § 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, 16 de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, 6, § 1er, et 11, § 1er, des dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, approuvée par la loi du 19 février 1968, ainsi que les articles 2 et 3 de la loi du 21 novembre 1989 et l’article 4.5 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 portant réglementation de l'immatriculation des plaques commerciales pour véhicules à moteur et remorques, tel qu’en vigueur avant sa modification par l’arrêté royal du 15 décembre 2019.
6. À titre subsidiaire, la demanderesse sollicite la Cour de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice du Benelux en vertu des articles 1er et 6 du Traité du 31 mars 1965 relatif à l’institution et au statut d’une Cour de justice Benelux, approuvé par la loi du 18 juillet 1969, de l’article 1er de la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, approuvée par la loi du 19 février 1968 et des articles 1er et 3 du Protocole additionnel du 26 septembre 1968 à la Convention Benelux relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, approuvé par la loi du 2 février 1971 :
« L’article 11 des dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs permet-il à l’assureur qui a conclu un contrat d’assurance de la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu dans la circulation n’importe quel véhicule automoteur porteur d’une plaque d’immatriculation déterminée (le contrat ‘R.C. garagiste’), d’opposer à la personne lésée le fait que le véhicule n’était pas porteur de la plaque d’immatriculation originale mentionnée dans le contrat mais d’une reproduction de cette plaque ? ».
IV. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. L’article 6, § 1er, des Dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs dispose que l’assurance fait naître au profit de la personne lésée un droit propre contre l’assureur.
L’article 86, alinéa 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, applicable au litige, transpose cette disposition dans les mêmes termes.
Selon l’article 11, § 1er, des dispositions communes, aucune nullité, aucune exception ou déchéance dérivant de la loi ou du contrat d’assurance ne peut être opposée par l’assureur à la personne lésée.
L’article 87, § 1er, de la loi du 25 juin 1992 dispose, en son alinéa 1er, que, dans les assurances obligatoires de la responsabilité civile, les exceptions, franchises, nullité et déchéance dérivant de la loi ou du contrat, et trouvant leur cause dans un fait antérieur ou postérieur au sinistre, sont inopposables à la personne lésée, et, en son alinéa 2, que sont toutefois opposables à la personne lésée l’annulation, la résiliation, l’expiration ou la suspension du contrat, intervenues avant la survenance du sinistre.
En vertu de l’article 16 de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, sans préjudice des dispositions de la section 3 relative à l’opposabilité aux personnes lésées des événements ou clauses mettant fin au contrat d’assurance, suspendant celui-ci ou la garantie qui en fait l’objet, aucune nullité, aucune exception ou déchéance dérivant de la loi ou du contrat d’assurance ne peut être opposée par l’assureur à la personne lésée.
2. Conformément à l’article 2, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989, les véhicules automoteurs ne sont admis à la circulation sur la voie publique que si la responsabilité civile à laquelle ils peuvent donner lieu est couverte par un contrat d’assurance répondant aux dispositions de la loi.
L’arrêté royal du 8 janvier 1996 portant réglementation de l’immatriculation des plaques commerciales pour véhicules à moteur et remorques détermine les conditions d’admission à la circulation des véhicules automoteurs sous le couvert d’une plaque essai ou d’une plaque marchand.
En vertu de l’article 34 de cet arrêté royal, le formulaire de demande d’immatriculation comporte l’attestation de l’assureur de la souscription d’un contrat d’assurance conforme aux dispositions légales relatives à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, pour divers véhicules à mettre successivement en circulation sous couvert d’une plaque essai ou d’une plaque marchand.
3. Le jugement attaqué relève que « la responsabilité civile du conducteur de tout véhicule porteur de la plaque essai ZZF… était couverte par [la demanderesse] », qu’en l’espèce, « le conducteur [de l’automobile] est responsable de l’accident » et que, « lors de l’accident, [celle-ci] était immatriculée à l’avant avec une reproduction de cette plaque ».
Il considère que la position de la demanderesse soutenant que « cette circonstance constituerait un défaut d’identification du véhicule assuré » ne peut être suivie dès lors que, « dans le cadre des polices ‘garagistes’, la plaque d’immatriculation dont le garagiste est titulaire et qui est spécifiée au contrat est le seul élément qui permet d’identifier l’objet de celui-ci, étant le véhicule qui en est pourvu, lequel est amené à varier », et que « l’assureur ne sait donc jamais quel véhicule est porteur de la plaque assurée » en sorte que, « par l’apposition de duplicatas de plaques essai, le problème n’est donc pas l’identification du véhicule assuré, qui demeure inconnu même avec l’original des plaques, mais bien le nombre de véhicules potentiellement assurés puisque ce nombre est amené à augmenter, et que l’assureur est en droit de supposer que la plaque officielle a été utilisée en même temps sur un autre véhicule ».
Il considère encore qu’« un tel cas de figure s’analyse comme une aggravation du risque, [à savoir] une circonstance qui a pour effet d’accroître, de manière durable, soit la probabilité, soit l’intensité du risque sans qu’il soit requis que ladite circonstance ait ou puisse avoir une influence sur le sinistre lui-même », que « la question de l’impact sur les tiers lésés d’une telle aggravation du risque a été clarifiée et tranchée […] par la Cour de justice Benelux dans un arrêt du 17 décembre 1992 qui a [décidé que] ‘l’assureur qui a conclu un contrat d’assurance couvrant la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu tout véhicule qui est pourvu de la plaque d’immatriculation spécifiée au contrat, ne peut […] opposer au tiers lésé la circonstance que le véhicule avait une cylindrée supérieure à celle qui était mentionnée au contrat comme étant la cylindrée maximum’ », ainsi que « par la Cour de cassation dans un arrêt du 12 octobre 1993 [adoptant] la position de la Cour de justice Benelux », et le jugement attaqué « se rallie » à ces décisions.
Il en déduit qu’« aucune contestation entre l’assureur et l’assuré relative […] à une aggravation du risque ne peut être opposée aux tiers » et qu’en l’espèce, « l’usage d’une reproduction de la plaque assurée constitue une aggravation du risque non opposable aux tiers lésés » en sorte que la demanderesse « est tenue à couverture ».
Dès lors qu’est soulevée une question d’interprétation de l’article 11, § 1er, des Dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, il y a lieu de poser à la Cour de justice Benelux la question préjudicielle libellée au dispositif du présent arrêt.
Par ces motifs,
La Cour
Sursoit à statuer jusqu’à ce que la Cour de justice Benelux ait répondu à la question préjudicielle suivante :
L’article 11, § 1er, des Dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs doit-il être interprété en ce sens que l’assureur qui a conclu un contrat d’assurance de la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu dans la circulation un véhicule automoteur porteur d’une plaque d’immatriculation essai ou marchand ne peut opposer à la personne lésée le fait que le véhicule n’était pas porteur de la plaque d’immatriculation originale mentionnée dans le contrat, mais d’une reproduction de cette plaque ?
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du neuf février deux mille vingt-trois par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.22.0156.F
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Droit commercial - Droit international public

Analyses

° Lorsque devant la Cour de cassation se pose la question de savoir si l'article 11, § 1er, des Dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matières de véhicules automoteurs doit être interprété en ce sens que l'assureur qui a conclu un contrat d'assurance de responsabilité civile à laquelle peut donner lieu dans la circulation un véhicule automoteur porteur d'une plaque d'immatriculation essai ou marchand ne peut opposer à la personne lésée le fait que le véhicule n'était pas porteur de la plaque originale mentionnée dans le contrat, mais d'une reproduction de cette plaque, la Cour pose une question préjudicielle à la Cour de justice Benelux (1). (1) Voir les concl. du MP.

ASSURANCES - ASSURANCE AUTOMOBILE OBLIGATOIRE - BENELUX - QUESTIONS PREJUDICIELLES [notice1]


Références :

[notice1]

Dispositions communes annexées à la Convention du 24 mai 1966 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs - 24-05-1966 - Art. 11, § 1er - 31 / Lien DB Justel 19660524-31


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-02-09;c.22.0156.f ?

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