N° P.22.1095.F
LE PROCUREUR FEDERAL,
demandeur en cassation,
contre
1. K. A.,
prévenu, détenu,
ayant pour conseil Maître Jocelyn De Roeck, avocat au barreau de Bruxelles,
2. D.B.M., V., R.,
prévenu,
3. G. P., L., C.,
prévenu,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 juillet 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’audience du 4 janvier 2023, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
Le premier défendeur a déposé, le 23 janvier 2023, une note en réponse par application de l’article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à charge du premier défendeur :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 65 du Code pénal.
Selon le demandeur, l’arrêt ne décide pas légalement que les coups portés par le défendeur à sa compagne constituent, avec la direction d’une organisation criminelle, la fraude sociale, le trafic de stupéfiants, la détention d’armes et le blanchiment, un délit collectif par unité d’intention. Le moyen fait valoir que les coups s’inscrivent dans une dispute de couple tandis que les autres préventions obéissent à un but de lucre.
Le juge apprécie en fait si plusieurs infractions constituent la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse. Il incombe toutefois à la Cour de vérifier si, des faits qu’il a constatés, le juge a pu légalement déduire l’existence ou l’absence de cette unité d’intention.
L’unité d’intention capable de fédérer plusieurs actes culpeux en un seul délit, se définit comme une unité de mobile, chacun des actes prenant une place déterminée dans le système conçu par l’auteur pour réaliser sa fin.
Pour décider que les coups, le trafic de drogues et les infractions qui lui sont associées s’inscrivent dans un tel système, l’arrêt se borne à relever que la violence déployée par le défendeur envers sa compagne trouve sa cause dans son assuétude aux produits qu’il vendait par ailleurs.
Mais la consommation d’un stupéfiant n’entraîne pas nécessairement l’existence d’une intention unique dans le chef de celui qui, sous l’empire de la drogue, commet différentes infractions.
De la seule assuétude évoquée par l’arrêt, il ne se déduit pas qu’en portant des coups à sa compagne, d’une part, et en dirigeant une organisation structurée pour vendre de la cocaïne, d’autre part, le défendeur ait agi avec la même intention.
Le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’étendre la cassation à la décision par laquelle les juges d’appel ont statué sur la culpabilité du prévenu, lorsque l’annulation est encourue pour un motif étranger à ceux qui justifient cette décision. Tel est le cas lorsque, comme en l’espèce, l’irrégularité ne gît que dans l’attribution d’une intention unique aux différentes infractions visées par la poursuite.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf l’irrégularité à censurer ci-après, conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à charge des deuxième et troisième défendeurs :
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 550bis, § 2, du Code pénal. Cette disposition punit celui qui, au sein d’un système informatique pour lequel il détient un pouvoir d’accès, pénètre des données auxquelles son pouvoir ne s’étend pas.
Le demandeur fait valoir que l’acquittement des défendeurs de cette prévention viole l’article 550bis, § 2, susdit, dès lors que, selon les constatations de l’arrêt, le fonctionnaire de police M. D. B. accédait au registre central des armes en dehors de toute mission de police judiciaire et administrative, et pour le compte d’un tiers ne disposant d’aucun pouvoir d’accès.
N’est pas visé par la disposition légale invoquée celui qui accède à des données stockées dans un système informatique pour lequel il détient un pouvoir d’accès, mais qui détourne ce pouvoir de sa finalité.
L’arrêt constate que le deuxième défendeur avait le droit d’accéder aux données du registre central des armes dont il a pris connaissance, de sorte qu’il n’a pu se rendre coupable du dépassement incriminé par l’article 550bis, § 2. Selon les juges d’appel, le mésusage subséquent de ces données ne constitue pas l’élément matériel du délit que cet article réprime.
Les juges d’appel ont, ainsi, légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur l’ensemble de la peine infligée à A. K. et sur la contribution au Fonds spécial d’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence liée à la condamnation encourue par ce défendeur ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Laisse les deux tiers des frais du pourvoi à charge de l’Etat et réserve le surplus pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Mons.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-sept euros seize centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du premier février deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.