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26/01/2023 | BELGIQUE | N°C.22.0046.F-C.22.0196.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 janvier 2023, C.22.0046.F-C.22.0196.F


N° C.22.0046.F
1. D. D.,
2. S. D.,
3. T. D.,
4. A. D.,
5. M. D.,
6. C. D.,
7. P. D.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
1. DHR-L., société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Knokke-Heist, Kalfstraat, 43, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0895.223.787,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation

, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de d...

N° C.22.0046.F
1. D. D.,
2. S. D.,
3. T. D.,
4. A. D.,
5. M. D.,
6. C. D.,
7. P. D.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
1. DHR-L., société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Knokke-Heist, Kalfstraat, 43, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0895.223.787,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
2. MIRVAL, société à responsabilité limitée en liquidation, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Franklin Roosevelt, 160, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0448.533.443, représentée par ses liquidateurs, A. T., et C. M.,
3. B. NOTAIRES, société coopérative,
4. E. V. L., notaire honoraire,
défendeurs en cassation.
N° C.22.0196.F
1. B. NOTAIRES, société coopérative,
2. E. V. L., notaire honoraire,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. DHR-L., société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Knokke-Heist, Kalfstraat, 43, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0895.223.787,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
2. D. D.,
3. S. D.,
4. T. D.,
5. A. D.,
6. M. D.,
7. C. D.,
8. P. D.,
défendeurs en cassation ou, à tout le moins, parties appelées en déclaration d’arrêt commun,
en présence de
MIRVAL, société à responsabilité limitée en liquidation, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Franklin Roosevelt, 160, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0448.533.443, représentée par ses liquidateurs, A. T., et C. M.,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun.
I. La procédure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l’arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 11 janvier 2023, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
À l’appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.22.0046.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
À l’appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.22.0196.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
III. La décision de la Cour
Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt ; il y a lieu de les joindre.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.22.0046.F :
Sur le premier moyen :
En vertu de l’article 1626 de l’ancien Code civil, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur des charges prétendues sur l’objet vendu non déclarées lors de la vente.
L’article 1636 de ce code dispose que, si l’acquéreur n’est évincé que d’une partie de la chose et qu’elle soit de telle conséquence, relativement au tout, que l’acquéreur n’eût point acheté sans la partie dont il a été évincé, il peut faire résilier la vente.
En vertu de l’article 1637 du même code, si, dans le cas de l’éviction d’une partie du fonds vendu, la vente n’est pas résiliée, la valeur de la partie dont l’acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l’estimation à l’époque de l’éviction.
Suivant l’article 1638 du code, si l’héritage vendu se trouve grevé, sans qu’il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu’elles soient de telle importance qu’il y ait lieu de présumer que l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n’aime se contenter d’une indemnité.
Il suit de ces dispositions que le vendeur doit l’indemnité prévue à l’article 1637 précité dès qu’il omet de déclarer l’existence d’une servitude non apparente grevant le bien vendu, sans qu’il soit requis que cette servitude soit d’une importance telle que l’acquéreur n’aurait pas acheté le bien s’il en avait eu connaissance.
Cette circonstance n’est prise en considération que pour apprécier si l’acquéreur peut obtenir la résolution de la vente.
Le moyen, qui est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Sur le second moyen :
L’arrêt relève qu’« il existait une servitude du fait de l’homme non apparente et que celle-ci n’a pas été déclarée », que la première défenderesse demande « uniquement des dommages et intérêts » et qu’« il est […] sans intérêt de vérifier, dans le cadre de la demande fondée sur l’article 1638 de l’ancien Code civil, [si l’]intention [de cette dernière] de faire une promotion immobilière était entrée dans le champ contractuel » dès lors qu’« en cas d’éviction partielle, […] l’article 1637 précise qu’à défaut de résiliation, ‘la valeur de la partie dont l’acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l’estimation à l’époque de l’éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur’ », et qu’« en cas d’application de l’article 1638, ‘les règles d’indemnisation sont entièrement assimilées à celles de l’éviction partielle’ ».
Il considère que « le dommage qui peut être indemnisé sur la base de la garantie d’éviction consiste uniquement en la valeur de la partie de l’immeuble dont l’acquéreur se trouve évincé, suivant l’estimation à l’époque de l’éviction », et qu’ une mesure d’expertise « s’impose […] afin de déterminer le montant dû le cas échéant par [les demandeurs] à [la défenderesse] et désigne un expert chargé de « donner son avis sur la valeur du bien précité compte tenu de l’existence de la servitude litigieuse […] et ce, à la date du 29 février 2008, acte authentique, et en janvier-février 2011, date de l’éviction ».
Il ressort de ces énonciations que, contrairement à ce que soutient le moyen, pour déterminer l’indemnité due par les demandeurs, l’arrêt ne prend pas en considération la perspective de promotion immobilière que la première défenderesse avait en vue mais s’en tient, par application de l’article 1637 précité, à la valeur de l’immeuble dont la première défenderesse se trouve évincée suivant l’estimation à l’époque de l’éviction.
Le moyen manque en fait.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.22.0196.F :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt énonce que, « selon [la première défenderesse], l’existence de la servitude litigieuse a eu pour conséquence que […] l’exécution du projet a été retardée de près de deux années, ce qui aurait généré des frais tels que des intérêts intercalaires sur ouverture de crédit, des frais d’entretien de la parcelle, un précompte immobilier, des frais d’assurance ».
Il relève que « ce n’est pas l’existence de cette servitude qui est constitutive d’une faute dans le chef des [demandeurs] mais bien le fait de ne pas en avoir informé [la première défenderesse] » et que, selon cette dernière, c’est « lors d’une réunion de la commission de concertation [début de l’année 2011 à propos de sa demande de permis soumise le 20 juillet 2010, qu’elle a appris] que son bien était grevé d’une servitude ».
Il relève encore que la demande de permis examinée alors portait sur « la construction de deux immeubles », dont « un à l’arrière rez + 3 », que, « dans le cadre de l’enquête publique, un voisin a fait remarquer à la commune ... [que le projet portant sur le bâtiment arrière] contrevenait à une servitude conventionnelle [et] que la dérogation à la hauteur de bâtisse fixée par l’article 8 du règlement régional d’urbanisme n’était pas admissible », que ce second immeuble a fait l’objet le 9 février 2011 d’un avis défavorable motivé par le fait que « son implantation dans le talus […] nécessite de creuser fortement dans le talus et porte en conséquence trop atteinte au niveau naturel du terrain et à son couvert végétal ; son gabarit plus important que celui de l’immeuble à rue est contraire à la protection des intérieurs d’îlot […] ; la hauteur de cet immeuble ne peut dépasser la hauteur des maisons voisines » et qu’« il y a lieu de mieux respecter le niveau existant du terrain, de conserver la majeure partie du talus et de présenter un plan paysager qui participe au maintien du caractère vert de cet intérieur d’îlot », que, « le 26 septembre 2012, [la première défenderesse] a introduit une nouvelle demande de permis d’urbanisme [qui] a reçu un avis favorable […] le 7 novembre 2012 et [que] le permis a été octroyé le 17 avril 2013 ».
L’arrêt désigne un expert en vue de « déterminer le temps perdu par [la première défenderesse] à élaborer un projet dérogeant à la servitude litigieuse, uniquement dans la mesure où il dérogeait à cette servitude, et le dommage en résultant pour elle (tels des intérêts intercalaires sur ouverture de crédit, des frais d’entretien de la parcelle, un précompte immobilier, des frais d’assurance) » dès lors que, sans l’information de l’existence d’une servitude, la première défenderesse a procédé à « l’élaboration d’un projet d’emblée impossible sur le plan civil […] eu égard à la limite imposée par la servitude » alors que, sans une telle servitude, il était « faisable sur le plan urbanistique » en ce sens qu’il « aurait pu bénéficier de dérogations », l’affirmation « qu’il n’existait aucune chance d’obtenir un permis pour le projet initialement envisagé » n’étant pas établie.
Il ressort de ces énonciations que ce n’est qu’à partir du moment où elle prend connaissance de l’existence de la servitude, soit lors de l’examen de la demande de permis introduite, non en 2008, mais en 2010, que la première défenderesse se plaint d’un retard dans l’exécution de ce projet et que l’arrêt examine l’impact de l’absence d’information sur l’élaboration de cette demande.
En revanche, il ne ressort pas de ces mêmes énonciations que l’avis défavorable relatif au permis soumis en 2010 n’était motivé que par des considérations urbanistiques.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur des hypothèses différentes, manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
Il ressort des énonciations reproduites en réponse à la première branche du moyen que l’arrêt considère que le fait pour la première défenderesse d’élaborer en 2010 un projet qui ne tenait pas compte de l’existence de la servitude a entraîné une perte de temps certaine et que, s’agissant d’en apprécier l’étendue, il demande l’avis d’un expert.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la troisième branche :
L’arrêt considère que « ce n’est pas l’existence de [la] servitude qui est constitutive d’une faute dans le chef des [demandeurs] mais bien le fait de ne pas en avoir informé [la première défenderesse] » et que « le fait pour [cette dernière] de n’avoir pas été informée de l’existence de la servitude litigieuse a pu avoir un impact sur le prix qu’elle a offert » mais qu’« il n’est pas certain que, si elle avait eu connaissance de cette servitude, elle aurait certainement obtenu un prix inférieur ».
Il en déduit que la première défenderesse « a perdu la chance d’obtenir une réduction du prix » et qu’« afin de déterminer la valeur économique de la chance perdue, il convient de vérifier si la valeur du bien litigieux était, compte tenu de la servitude, inférieure au prix effectivement convenu ». Il désigne dès lors un expert chargé de donner un avis sur la valeur du bien compte tenu de l’existence de la servitude au moment de la vente et au moment de l’éviction.
Par ces énonciations, l’arrêt, qui donne à connaître que le défaut d’information de l’existence d’une servitude a fait en soi perdre à la première défenderesse une chance d’obtenir une réduction du prix, quelle que soit la valeur du bien, mais que l’appréciation de la probabilité de réalisation de cette chance d’obtenir une réduction de prix dépend de l’incidence de cette servitude sur la valeur du bien déterminée selon ses caractéristiques, dont sa situation urbanistique, ne viole aucune des dispositions légales visées au moyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Pour les motifs énoncés en réponse au premier moyen du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.22.0046.F, le moyen, en cette branche, similaire à celui-là, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
L’arrêt considère qu’il est « sans intérêt de vérifier, dans le cadre de la demande fondée sur l’article 1638 de l’ancien Code civil, [si l’]intention [de la première défenderesse] de faire une promotion immobilière était entrée dans le champ contractuel » dès lors que, dans ce cas, « les règles d’indemnisation sont entièrement assimilées à celles de l’éviction partielle » et qu’alors, « la valeur de la partie dont l’acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l’estimation à l’époque de l’éviction ».
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l’arrêt de ne pas examiner si l’existence de la servitude a pu avoir une incidence sur la valeur de l’immeuble compte tenu de ce que le projet de promotion immobilière n’était pas entré dans le champ contractuel, sans critiquer l’appréciation de l’arrêt que cette circonstance est indifférente au regard du mécanisme d’indemnisation prévu en cas d’éviction partielle, ne saurait entraîner la cassation et, dénué d’intérêt, est, dès lors, irrecevable.
Et le rejet du pourvoi prive d’intérêt la demande en déclaration d’arrêt commun.
Par ces motifs,
La Cour
Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.22.0046.F et C.22.0196.F ;
Rejette les pourvois et la demande en déclaration d’arrêt commun ;
Condamne les demandeurs aux dépens de leur pourvoi respectif.
Les dépens taxés, dans la cause C.22.0046.F, à la somme de mille cent nonante-deux euros quarante-cinq centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Les dépens taxés, dans la cause C.22.0196.F, à la somme de deux mille trois cent neuf euros un centime envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.22.0046.F-C.22.0196.F
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

Le vendeur doit l'indemnité d'éviction dès qu'il omet de déclarer l'existence d'une servitude non apparente grevant le bien vendu, sans qu'il soit requis que cette servitude soit d'une importance telle que l'acquéreur n'aurait pas acheté le bien s'il en avait eu connaissance (1). (1) Voir les concl. du MP.

VENTE [notice1]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1637 et 1638 - 30 / No pub 1804032150


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-01-26;c.22.0046.f.c.22.0196.f ?

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