N° C.22.0081.F
VILLE DE LIÈGE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Liège, en l'hôtel de ville, place du Marché, 2, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0207.343.933,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
1. R. H.,
2. S. H.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu
le 17 mars 2020 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d’appel.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
L’article 544 de l’ancien Code civil oblige l’auteur d’un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage à compenser la rupture d’équilibre causée par ce trouble.
Lorsque l’auteur est un pouvoir public, le juge doit, en vue d’apprécier l’importance du trouble, tenir compte des charges qu’un particulier doit supporter dans l’intérêt collectif.
Le jugement attaqué considère que, « pour qu’il y ait trouble du voisinage, il faut que, par un fait non fautif, le propriétaire d’un fonds rompe l’équilibre qui doit exister entre des fonds voisins en imposant des charges qui excèdent la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage », qu’« une compensation ne [peut] être accordée que si la mesure des inconvénients normaux de voisinage est dépassée », que, « dans cette perspective, la qualification de troubles du voisinage est […] liée à l’appréciation des exigences normales de la vie en société », que « tout inconvénient de la vie en communauté n’entraîne […] pas la responsabilité fondée sur l’article 544 […], un voisin [devant] supporter un certain nombre de troubles inhérents à la vie en société » et que « le juge apprécie in concreto le caractère anormal du trouble en prenant en considération les circonstances propres de l’espèce et notamment l’environnement ».
En décidant que la demanderesse, pouvoir public, doit aux défendeurs la compensation du trouble que les aiguilles d’un pin qui lui appartient causent par l’obstruction de la descente d’eau de leur bâtiment, sans examiner, comme l’y invitait la demanderesse, si les charges ainsi imposées aux défendeurs excèdent celles qu’un particulier doit supporter dans l’intérêt collectif, le jugement attaqué viole l’article 544 de l’ancien Code civil.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de première instance de Namur, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du douze janvier deux mille vingt-trois par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.