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21/12/2022 | BELGIQUE | N°P.22.1526.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 décembre 2022, P.22.1526.F


N° P.22.1526.F
1. S.S.,
ayant pour conseil Maître Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles,
2. K. Y.,
ayant pour conseil Maître Cédric Moisse, avocat au barreau de Bruxelles,
3. J. M.,
ayant pour conseil Maître Jean-Philippe Mayence, avocat au barreau de Charleroi,
requérants en récusation de trois magistrats à la cour d’appel de Bruxelles,
en cause
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES,
contre
1. S. S.,
2. K. Y.,
3. J., M.,
mieux qualifiés ci-dessus,
prévenus.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA

COUR
Par un acte déposé au greffe de la cour d’appel de Bruxelles le 17 novembre 2022, reçu le 21 novembre 20...

N° P.22.1526.F
1. S.S.,
ayant pour conseil Maître Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles,
2. K. Y.,
ayant pour conseil Maître Cédric Moisse, avocat au barreau de Bruxelles,
3. J. M.,
ayant pour conseil Maître Jean-Philippe Mayence, avocat au barreau de Charleroi,
requérants en récusation de trois magistrats à la cour d’appel de Bruxelles,
en cause
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES,
contre
1. S. S.,
2. K. Y.,
3. J., M.,
mieux qualifiés ci-dessus,
prévenus.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par un acte déposé au greffe de la cour d’appel de Bruxelles le 17 novembre 2022, reçu le 21 novembre 2022 au greffe de la Cour et annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, les requérants sollicitent la récusation du président de chambre Didier Van der Noot et des conseillers Marie-France Keutgen et Annick Baudri, membres du siège appelé à connaître des poursuites exercées à charge des récusants du chef notamment de trafic de stupéfiants, appartenance à une organisation criminelle et prise d’otage.
Les magistrats dont la récusation est demandée ont fait, le 18 novembre 2022, la déclaration prescrite à l’article 836, alinéa 2, du Code judiciaire, portant leur refus motivé de s’abstenir.
Le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Les requérants affirment éprouver une suspicion légitime quant à l’indépendance et à l’impartialité des membres de la douzième chambre de la cour d’appel de Bruxelles en raison de la teneur du rapport fait par le président de chambre Didier Van der Noot à l’audience du 10 novembre 2022.
Selon la requête, le président s’est exprimé dans des termes laissant apparaître
- un parti pris contre les demandeurs ;
- une nouvelle ligne du temps élaborée par le biais de déductions factuelles qui n’ont jamais été faites ni par les enquêteurs ni par le ministère public ;
- des propos et des questions exclusivement à charge des demandeurs ;
- l’utilisation d’un ton caustique sinon satirique, voire ironique.
Les juges d’appel ont répondu, par une note écrite du 18 novembre 2022, aux affirmations formulées dans la requête et ne les ont pas confirmées. Si le président de la chambre a indiqué souhaiter replacer les faits dans leur ordre chronologique, c’est, précise la réponse, pour plus de clarté vu l’ampleur du dossier et la complexité des faits. Selon les magistrats, le président a admis durant son rapport que cette analyse pouvait être remise en cause ou critiquée par les parties. Ils ajoutent qu’il a veillé à utiliser le mode conditionnel en exposant les faits, sauf lorsque ce sont les positions et affirmations des parties qui ont été citées. Enfin, ils déclarent que si des questions ont été posées, c’est pour les éclairer et permettre aux conseils des demandeurs de réagir et d’exercer ainsi leurs droits de défense.
Il n’apparaît ni de la requête ni des pièces qui y sont annexées, que les conseillers Keutgen et Baudri aient participé au rapport ou tenu les propos critiqués par les requérants.
De la seule circonstance que l’exposé fait par le président a été écouté à l’audience par ses assesseurs, il ne saurait se déduire qu’un doute légitime puisse exister quant à leur indépendance ou à leur impartialité.
Dès lors qu’aucun grief spécifique n’est élevé à l’égard de ces magistrats, la demande qui les concerne ne peut être accueillie.
En vertu de l’article 828, 1°, du Code judiciaire, tout juge peut être récusé s’il y a suspicion légitime.
Tel est le cas lorsque les faits invoqués peuvent susciter une suspicion légitime dans le chef des parties et des tiers quant à la capacité de ce magistrat de statuer de manière indépendante et impartiale. Pour affirmer l’existence d’une raison légitime de redouter chez un juge un défaut d’impartialité, il y a lieu de rechercher si les soupçons qu’une partie dit éprouver peuvent passer pour objectivement justifiés. Une méconnaissance de cette impartialité objective ne peut donc résulter exclusivement du sentiment subjectif de l’une des parties mais doit s’appuyer sur l’existence de faits contrôlables. En outre, cette crainte objectivement justifiée doit être confrontée à la déclaration donnée par le juge en application de l’article 836, alinéa 2, du Code judiciaire, portant son refus de s’abstenir et ses réponses aux moyens de récusation.
A l’appui de leur requête, les récusants relatent la manière dont, selon eux, le rapport a été fait mais ils ne font état d’aucun fait contrôlable et non contesté, de nature à étayer leurs griefs, et ils ne demandent pas d’en ordonner la preuve testimoniale. De telles affirmations, remises dans un contexte qui en modifie la portée, ne peuvent suffire à justifier une suspicion légitime quant à l’aptitude du président de chambre Didier Van der Noot à juger la cause avec l’impartialité et l’indépendance requises.
La requête en récusation n’est pas fondée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette la requête ;
Ordonne que le présent arrêt sera notifié aux parties par pli judiciaire dans les quarante-huit heures ;
Condamne les requérants aux frais.
Lesdits frais taxés jusqu’ores à zéro euro.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.22.1526.F
Date de la décision : 21/12/2022
Type d'affaire : Autres

Analyses

En vertu de l'article 828, 1°, du Code judiciaire, tout juge peut être récusé s'il y a suspicion légitime ; tel est le cas lorsque les faits invoqués peuvent susciter une suspicion légitime dans le chef des parties et des tiers quant à la capacité de ce magistrat de statuer de manière indépendante et impartiale ; pour affirmer l'existence d'une raison légitime de redouter chez un juge un défaut d'impartialité, il y a lieu de rechercher si les soupçons qu'une partie dit éprouver peuvent passer pour objectivement justifiés (1); une méconnaissance de cette impartialité objective ne peut donc résulter exclusivement du sentiment subjectif de l'une des parties mais doit s'appuyer sur l'existence de faits contrôlables; en outre, cette crainte objectivement justifiée doit être confrontée à la déclaration donnée par le juge en application de l'article 836, alinéa 2, du Code judiciaire, portant son refus de s'abstenir et ses réponses aux moyens de récusation (2). (1) Cass. 21 novembre 2018, RG P.18.1175.F, Pas. 2018, n° 657; Cass. 27 avril 2016, RG P.16.0509.F, Pas. 2016, n° 288; Cass. 28 janvier 2004, RG P.04.0119.F, Pas. 2004, n° 50. (2) Voir Cass. 5 juin 2013, RG P.13.0955.F, Pas. 2013, n° 343 (« Si le récusant n'apporte ni preuve ni commencement de preuve des causes de la récusation et que les éléments présentés ne sont pas suffisants pour en ordonner la preuve testimoniale, la Cour rejette sa demande en se référant à la déclaration du magistrat récusé ») ; Cass. 19 novembre 2003, RG P.03.1472.F, Pas. 2003, n° 581; Cass. 1er décembre 1999, RG P.99.1668.F, Pas. 1999, n° 650.

RECUSATION [notice1]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 828, 1° - 01 / No pub 1967101052


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-12-21;p.22.1526.f ?

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