N° P.22.0887.F
I. M.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Deborah Albelice, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport aux audiences des 9 novembre et 7 décembre 2022 et l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu à l’audience du 7 décembre 2022.
Le demandeur a déposé, le 19 décembre 2022, une note en réponse par application de l’article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique :
Sur le premier moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 779 du Code judiciaire, 153, 155, 189 et 190ter du Code d’instruction criminelle, et 10 de la loi du 1er mai 1849 sur les tribunaux de police simple et correctionnelle. Il expose que le dossier de la procédure comporte un « duplicata » non signé du procès-verbal de l’audience du 28 avril 2022 de la 18ème chambre de la cour d’appel de Liège, que ce duplicata mentionne que la cause a été instruite à ladite audience et remise à une date ultérieure pour prononcer l’arrêt, et que, en l’absence des signatures du greffier et du président au bas de cet écrit, celui-ci ne fait pas preuve des constatations qu’il énonce. Le moyen précise que l’arrêt attaqué ne contient aucune mention permettant de pallier cette carence et que, par conséquent, la Cour n’est pas en mesure de vérifier si la procédure suivie à l’égard du demandeur a été régulière.
Lorsque la minute d’un procès-verbal d’audience est détruite ou a disparu en tout ou en partie et qu’il n’en existe pas d’expédition ou de copie authentique, la preuve de l’existence ou de la teneur dudit procès-verbal peut être faite par toutes voies de droit.
L’énumération que contient l’article 521 du Code d’instruction criminelle n’est pas restrictive mais énonciative, la notion de « toute autre cause extraordinaire » lui donnant un sens général permettant d’y faire rentrer tous les cas de destruction, d’enlèvement ou de perte, quelle qu’en soit la cause. Partant, contrairement à ce que le demandeur soutient, le cas de la perte d’une pièce de procédure entre bien dans les prévisions de cette disposition.
Il apparaît des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que
- au 30 juin 2022, date du dépôt du dossier au greffe de la Cour, celui-ci ne contenait pas la minute du procès-verbal de l’audience du 28 avril 2022, mais une pièce non signée par le greffier et le président, intitulée « procès-verbal [de l’] audience du 28 avril 2022 de la dix-huitième chambre » et pourvue de la mention non signée « duplicata » ;
- cet écrit mentionne notamment que le président Philippe Gorlé, le conseiller Gilone Tordoir, le magistrat suppléant Raoul de Francquen et le greffier Sandrine Nizet sont présents, que le ministère public est entendu en ses réquisitions, que les avocats des prévenus, dont le demandeur, présentent leurs moyens de défense, que la parole leur est donnée en dernier lieu, que la cour d’appel clôt les débats, qu’elle prend la cause en délibéré et que l’arrêt sera rendu le 19 mai 2022 ;
- le 27 octobre 2022, ce document a été revêtu de la mention « conforme au procès-verbal disponible dans l’application informatique », signée par le greffier précité ;
- le 4 novembre 2022, le procureur général près la cour d’appel de Liège a déposé au greffe de cette juridiction un réquisitoire adressé à la 18ème chambre de la cour d’appel, énonçant notamment que « l’original du procès-verbal de l’audience tenue en date du 28 avril 2022 a été égaré par le greffe et n’a pas été retrouvé », que « pour les besoins internes de l’administration du greffe, les services du greffe ont enregistré, dans l’application informatique du SPF Justice dont ils disposent, une version informatique non signée de ce procès-verbal de l’audience tenue en date du 28 avril 2022 » et que « [cette version] peut être tenue pour une reproduction exacte du contenu de la minute égarée du procès-verbal de [cette] audience » ;
- le dispositif dudit réquisitoire énonce : « vu les articles 521 et suivants du Code d’instruction criminelle, le procureur général requiert qu’il plaise à la 18ème chambre […] de reconstituer la minute égarée du procès-verbal de l’audience tenue en date du 28 avril 2022, dans ses termes tels qu’ils apparaissent de la version informatique non signée de ce procès-verbal telle qu’enregistrée et archivée dans le système informatique du SPF Justice dont le greffe de la cour d’appel dispose, en authentifiant cette version du procès-verbal qui sera considérée comme minute et, en conséquence, versée au dossier de la procédure » ;
- à l’audience du 8 novembre 2022, la 18ème chambre de la cour d’appel, composée des conseillers Michel Charpentier et Hugues Marchal et du conseiller suppléant Fabienne Drèze, a procédé à la reconstitution de la minute du procès-verbal de l’audience du 28 avril 2022, ainsi qu’il est dit au dispositif précité ; le procès-verbal reconstitué est pourvu des signatures du président Philippe Gorlé et du greffier Sandrine Nizet ;
- cet acte est en outre revêtu de la mention « le présent procès-verbal a été reconstitué par la cour de céans à l’audience du 08.11.2022 dans ses termes tels qu’ils apparaissent de la version informatique non signée de ce procès-verbal telle qu’enregistrée et archivée dans le système informatique du SPF Justice dont le greffe de la cour d’appel dispose, en authentifiant cette version du procès-verbal qui sera considérée comme minute et, en conséquence, versée au dossier de la procédure », signée par le greffier Anne Generet.
Il ressort de ce qui précède que l’existence comme la teneur du procès-verbal de l’audience du 28 avril 2022 sont prouvées et que la Cour peut prendre en considération le procès-verbal reconstitué de cette audience pour vérifier la régularité de la procédure suivie à l’égard du demandeur.
Soutenant que la Cour n’est pas en mesure de procéder à cette vérification, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Pris de la violation de l’article 782 du Code judiciaire, le moyen dénonce l’absence de signature du greffier au bas du feuillet de l’arrêt mentionnant les noms des juges qui l’ont rendu. Il soutient que le procès-verbal de l’audience du 28 avril 2022 ne permet pas de pallier ce défaut, puisqu’il n’est pas non plus signé par le greffier.
L’absence d’une signature dans un jugement ou un procès-verbal peut être réparée selon la procédure organisée par l’article 788 du Code judiciaire. Pareille réparation opère rétroactivement, même si elle est postérieure à un recours exercé contre le jugement.
Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que, depuis le dépôt du mémoire du demandeur, la signature manquante a été apposée conformément à la disposition légale précitée.
Le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peines de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’ordre d’arrestation immédiate :
En raison du rejet du pourvoi dirigé contre elle, la décision de condamnation acquiert force de chose jugée.
Le pourvoi dirigé contre le mandement d’arrestation immédiate devient sans objet.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais, hormis les droits de greffe liquidés en débet à nonante euros dus sur la copie conforme de l’arrêt attaqué délivrée le 27 octobre 2022 ;
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.