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12/12/2022 | BELGIQUE | N°S.20.0062.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 décembre 2022, S.20.0062.F


Arrêt N° S.20.0062.F
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.483.367,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
M. V.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la co

ur du travail de Liège.
Le 17 octobre 2022, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusio...

Arrêt N° S.20.0062.F
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.483.367,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
M. V.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour du travail de Liège.
Le 17 octobre 2022, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l’avocat général
Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- article 9 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail ;
- article 9, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 relatif aux allocations accordées dans le cadre de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt 1. décide que la présomption légale que consacre l’article 9 de la loi du 10 avril 1971 s’applique également dans le cadre d’une action en aggravation, étant entendu que cette même disposition légale permet à l’assureur-loi de la renverser en apportant la démonstration de l’absence d’imputabilité à l’accident des séquelles invoquées par la victime ; 2. déclare l’appel recevable et fondé dans la mesure où il y a lieu de faire droit à la demande du défendeur de recourir à une nouvelle mesure d’expertise, tout en réservant à statuer sur le bien-fondé de la demande d’allocation d’aggravation ainsi que sur les dépens, dans l’attente du résultat de cette mesure d’instruction du litige, et 3. précise la mission de l’expert comme suit : « L’expert sera invité à donner son opinion motivée sur la question de savoir s’il peut être exclu, avec un haut degré de vraisemblance que permettent les sciences médicales, que cette aggravation des séquelles (notamment en raison d’une neuropathie alléguée des deux jambes) présente un lien causal, fût-il partiel ou indirect, avec l’accident du travail du 24 février 1992. Il prendra en considération à cet effet tous les événements extérieurs susceptibles d’exclure l’existence d’un lien causal avec cet accident du travail, tels par exemple que des accidents survenus dans le cours de l’exercice de l’activité indépendante [du défendeur] en qualité de maçon ou dans le cadre de sa vie privée, pour autant que ceux-ci n’aient pas contribué, fût-ce de manière partielle ou indirecte, à la survenance de cette aggravation ».
Cette décision se fonde sur les motifs suivants :
« 2.1. [Le défendeur] n’a pas demandé la révision de son incapacité durant le délai de révision de trois ans consacré par l’article 72 précité.
Il ne peut donc fonder sa demande d’aggravation que sur l’article 9 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987. Il doit à cet effet apporter la démonstration de ce qu’il remplit les deux conditions visées par cette disposition réglementaire, à savoir :
- la preuve que les séquelles de son accident du travail se sont aggravées postérieurement à l’échéance de ce délai de révision ou du moins que, si le début de cette aggravation s’est manifesté durant le cours de ce délai, elle n’a acquis un caractère de permanence qu’une fois celui-ci écoulé ;
- la preuve que le taux d’incapacité permanente soit au moins égal à
10 p.c.
En l’espèce, le délai de révision a expiré en 1996 et [le défendeur] n’a fait état de ses premières plaintes qu’en 2008, de sorte que cette première condition pourrait être remplie s’il était avéré que les séquelles dont il fait état sont bien imputables à l’accident du travail dont il a été victime le 24 février 1992, ce qu’a exclu l’expert D., qui a par ailleurs considéré que, si aggravation il y avait, elle était en tout état de cause modérée et bien inférieure au taux de
10 p.c. requis par la réglementation.
2.2. Le nœud du litige réside bien entendu dans la question de l’imputabilité des lésions actuelles à un accident du travail qui s’est produit d’aussi nombreuses années avant l’apparition des premières plaintes, alors qu’il avait été consolidé sans séquelles.
Se pose donc ici avec une particulière acuité la problématique liée à l’application dans le temps de la présomption légale de causalité consacrée par l’article 9 de la loi du 10 avril 1971. Peut-elle être invoquée dans le cadre d’une action en aggravation ou la charge de la preuve du lien de cause à effet entre l’accident et l’aggravation alléguée des séquelles repose-t-elle intégralement sur la victime ?
2.3. Il a été jugé par [cette] cour [du travail], dans un arrêt du 30 mai 2002, que des séquelles d’ostéonécrose dues à un traitement de corticoïdes nécessité par l’accident (qui avait entraîné dans le cas alors soumis à la cour [du travail] des lésions à la colonne cervicale) doivent être imputées à l’accident et ceci, en vertu de la présomption de causalité contenue dans l’article 9 de la loi, présomption que l’assureur-loi peut renverser.
Poursuivant son raisonnement, cet arrêt juge ‘qu’il n’y a pas de distinction à faire dans le mécanisme de réparation entre les lésions produites par l’accident et l’état séquellaire découlant de l’accident. La thèse dite du double lien de causalité résulte d’une distinction spécieuse, sans appui dans le texte légal, la présomption de l’article 9 ne pouvant être écartée au motif que la lésion invoquée est postérieure à la lésion constatée au moment de l’accident’.
2.4. Le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2004 qui a rappelé que la présomption de causalité consacrée par l’article 9 de la loi du 10 avril 1971 s’applique à une lésion postérieure à la lésion constatée au moment de l’accident, fût-elle une suite du traitement de cette dernière.
Cet enseignement a trouvé application dans deux arrêts respectivement prononcés le 16 septembre 2011 par la cour du travail de Gand et le 4 février 2013 par la cour du travail de Mons.
2.4.1. Le premier de ces arrêts juge que ‘la victime d’un accident du travail avec plaintes dorsales a droit à une indemnité pour aggravation de ces plaintes même si cette nouvelle lésion ne résulte pas de la première mais trouve sa cause dans un acte de la vie privée’.
2.4.2. Le second juge également que ‘les conséquences de l’accident de la vie privée peuvent être prises en compte pour l’évaluation des séquelles de l’accident du travail antérieur ; il appartient à l’assureur-loi de démontrer qu’il n’existe aucun lien causal entre l’accident du travail et les lésions survenues à la suite de l’accident de la vie privée ultérieur’.
2.5. Un arrêt du 30 août 2016 de [cette] cour [du travail], prononcé en matière d’accidents du travail dans le secteur public, juge encore que ‘la présomption d’origine dans l’accident joue pour toutes les lésions invoquées par la victime, quel que soit le moment de leur apparition, même si elles découlent du traitement de la lésion initiale’.
Cet arrêt en déduit ‘qu’a contrario, la réparation légale du dommage résultant d’un accident du travail ne comprend pas l’indemnisation de l’aggravation de l’état de la victime survenue postérieurement à cet accident pour une cause totalement étrangère à celui-ci’.
Il en conclut ‘qu’il résulte de ces principes qu’à partir du moment où une relation causale, même partielle, même indirecte, est raisonnablement établie entre l’aggravation de l’état de santé de la victime et l’accident, la réparation légale couvre la totalité du dommage’.
2.6. La cour [du travail] déduit de cette jurisprudence que la présomption légale que consacre l’article 9 de la loi du 10 avril 1971 s’applique également dans le cadre d’une action en aggravation, étant entendu que cette même disposition légale permet à l’assureur-loi de la renverser en apportant la démonstration de l’absence d’imputabilité à l’accident du travail des séquelles invoquées par la victime. […]
3.1. La cour [du travail] est, tout comme l’avocat de l’assureur-loi, interpellée par le très long délai pendant lequel la colonne lombaire [du défendeur] est restée asymptomatique après une guérison sans séquelle qui n’a pas été contestée à l’époque de l’accident du travail dont il a été victime en 1992 et pas davantage durant le délai de révision.
3.2. Elle observe par ailleurs, après avoir examiné les dossiers soumis à son appréciation, que la situation médicale de l’intéressé est caractérisée par une multiplication, depuis 2001, de pathologies de natures diverses (céphalées de Norton ; cervicarthrose pluriétagée sévère ; névralgie amyotrophiante de l’épaule droite ; problème neurologique en lien avec une hémicrânie gauche, etc.) qui se sont manifestées au terme d’une carrière d’une quinzaine d’années de travailleur manuel lourd dans le secteur de la construction, effectuée en partie (1994 à 2000) comme travailleur indépendant. Il ressort également de ces dossiers médicaux que ses pathologies se développent dans un contexte de grandes difficultés psychologiques, sinon d’ordre psychiatrique, avec consommation d’alcool et d’antalgiques dans le cadre d’un syndrome anxiodépressif de longue date requérant, comme l’a souligné le docteur D. dans son rapport du
24 octobre 2010, un suivi au centre de la douleur chronique dont l’intéressé ne précise cependant pas s’il l’a ou non poursuivi.
3.3. Le dossier médical que [le défendeur] a soumis à l’appréciation du
docteur D. était des plus confus et bien souvent incomplet de sorte qu’il peut dès lors être difficilement fait grief à l’expert de n’avoir peut-être pas saisi toutes les dimensions de la pathologie présentée par l’intéressé, qui a fait le choix de ne pas se faire assister par un médecin-conseil, alors qu’il paraissait pourtant avoir mandaté à cet effet son médecin généraliste, le docteur S.. Ce médecin n’a cependant pas participé aux opérations d’expertise pour une raison que [le défendeur] n’explique pas.
3.4. Ceci étant, il reste qu’il subsiste une contestation d’ordre médical sur la question suivante : peut-il être exclu, avec la plus grande certitude que permet l’état d’avancement des sciences médicales, que l’aggravation de la spondylodiscarthrose mise en évidence par l’imagerie médicale - que le docteur D. qualifie de modérée là où le docteur A. évalue l’incapacité qui en résulte à 10 p.c. - survenue de très nombreuses années après une guérison sans séquelles consolidée en 1993 soit en relation causale, fût-elle partielle, avec l’accident du travail dont l’intéressé a été victime le 24 février 1992 ?
3.5. Pour les raisons qui viennent d’être exposées ci-avant, la cour [du travail] n’a pas tous ses apaisements au sujet des conclusions que l’expert n’a été à même de poser qu’en fonction du dossier incomplet qui lui a été soumis et ce, sans être amené à devoir confronter son appréciation à celle d’un médecin-conseil qui aurait pu attirer son attention sur telle ou telle particularité médicale de la pathologie présentée par l’intéressé.
Il n’est donc ici fait aucun grief à l’expert D. qui a, comme le souligne à juste titre le conseil de l’assureur-loi, posé ses conclusions en âme et conscience et sous la foi du serment, en fonction des seules informations qui ont été mises à sa disposition.
3.6. Après en avoir délibéré, en application d’un principe de précaution qui doit guider le juge dans un domaine médical pour lequel il ne dispose d’aucune compétence, la cour [du travail] décide de faire droit à la demande de nouvelle expertise formulée par le conseil [du défendeur]. Cette mission sera confiée à un autre expert, dès lors que le docteur D. ne pourrait, sans que soit remise en cause son indépendance intellectuelle, être amené à revoir, le cas échéant, sa position sur la question de l’imputabilité à l’accident des séquelles invoquées par [le défendeur].
La mise en œuvre de cette expertise sera toutefois expressément subordonnée aux conditions suivantes :
3.6.1. Il est impératif que l’intéressé fasse choix d’un médecin-conseil pour l’assister dans le cadre des opérations d’expertise, par exemple en désignant à cette fin son médecin généraliste, le docteur S., ou le docteur A., qui pourrait à cette occasion défendre l’opinion médicale circonstanciée émise dans son rapport succinct du 23 juin 2018.
3.6.2. Il est impératif que [le défendeur] constitue préalablement, avec le médecin-conseil dont il aura fait choix, un dossier aussi complet que possible mais qui se limite strictement aux seuls rapports médicaux qui sont en lien avec sa pathologie lombaire, sans inonder l’expert d’informations médicales tous azimuts qui ne peuvent qu’obscurcir la compréhension de sa situation. Ce dossier médical devrait apporter des éléments de réponse aux questions que posait le Fonds des accidents du travail dans sa lettre du 20 octobre 2015, commenté au point 9.1. de la page 7 du présent arrêt.
Il est en effet primordial que l’expert qui sera désigné puisse retracer le parcours médical de l’évolution de la pathologie lombaire [du défendeur].
3.7. À défaut pour celui-ci de remplir ces conditions indispensables pour [qu’] une expertise médicale puisse être menée à bien - quel qu’en soit le résultat final -, l’expert désigné par la cour [du travail] sera très rapidement amené à déposer un rapport de carence en vue d’éviter d’exposer des frais inutiles à charge de la collectivité.
3.8. [Le défendeur] doit par ailleurs être conscient de ce que, comme le souligne le commentaire d’un arrêt du 21 mars 2012 de la cour du travail de Bruxelles, même si son taux d’incapacité permanente venait à être augmenté après l’expiration du délai de révision, l’incidence financière de la reconnaissance de l’aggravation qu’il invoque peut être négligeable, voire inexistante, du fait des règles de calcul de cette allocation d’aggravation, que ledit arrêt détaille avec précision.
3.9. Enfin, les parties et l’expert auront égard au fait que, comme le rappelle un autre arrêt du 21 mai 2012 de la cour du travail de Bruxelles :
‘Le lien de causalité dont il y a lieu de vérifier l’existence peut être total ou partiel. Il est requis, pour que ce lien de causalité soit établi, que l’aggravation soit en relation causale avec l’accident du travail. Mais l’accident du travail ne doit pas être la seule cause de l’aggravation. L’accident du travail peut être une cause partielle de l’aggravation, conjointement avec d’autres causes.
Si l’aggravation est causée conjointement par l’accident du travail et par une autre cause (par exemple l’évolution d’un état antérieur ou une cause extérieure), la victime sera intégralement indemnisée. En revanche, si l’aggravation de l’état de santé de la victime n’a aucun lien de cause à effet avec l’accident (par exemple lorsqu’elle découle de l’évolution d’un état antérieur sans incidence de l’accident du travail ou d’une cause étrangère nouvelle), elle ne sera pas indemnisée.’
4. En conclusion, l’appel sera déclaré recevable et fondé dans la mesure où il y a lieu de faire droit à la demande [du défendeur] de recourir à une nouvelle mesure d’expertise, sous réserve de tout droit des parties ».
Griefs
I. L’article 9 de la loi du 10 avril 1971 dispose que, lorsque la victime ou ses ayants droit établissent, outre l’existence d’une lésion, celle d’un événement soudain, la lésion est présumée, jusqu’à preuve du contraire, trouver son origine dans un accident du travail ou un accident sur le chemin du travail.
Une fois la consolidation ou la guérison entérinée, la victime dispose d’un délai préfix de trois ans pour demander la révision des indemnités, fondée sur une modification de la perte de capacité de travail due aux conséquences de l’accident, en vertu de l’article 72 de la loi.
Ce délai de trois ans expiré, la victime dispose encore de la possibilité de demander une allocation d’aggravation sur pied de l’article 9 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 relatif aux allocations accordées dans le cadre de la loi du
10 avril 1971 sur les accidents du travail. Aux termes de cette disposition, une allocation d’aggravation est accordée à la victime dont l’état résultant de l’accident du travail s’aggrave de manière définitive après l’expiration du délai visé à l’article 72 de la loi, pour autant que le taux d’incapacité de travail après cette aggravation soit de 10 p.c. au moins.
La présomption prévue par l’article 9 de la loi, selon laquelle la lésion est présumée, jusqu’à preuve du contraire, trouver son origine dans un accident du travail, ne s’applique pas à la demande d’allocation d’aggravation. Dans le cadre de cette demande d’allocation d’aggravation, le demandeur en allocation ne bénéficie pas d’une présomption de causalité entre la modification de l’état de sa lésion et l’accident survenu sur les lieux du travail ou sur le chemin du travail. Il doit donc démontrer que l’aggravation est en lien causal avec l’accident du travail ou l’accident survenu sur le chemin du travail.
II. Il ressort des constatations de fait de l’arrêt que le défendeur a été victime d’un accident du travail le 24 février 1992, la lésion étant une hernie postéro-latérale gauche L5-S1, qui a ouvert le droit à une indemnisation sur pied de la loi et qui a été considérée comme consolidée sans séquelles le 17 août 1993.
Il ressort également des constatations de l’arrêt que le défendeur n’a pas demandé la révision de son incapacité durant le délai de révision de trois années prévu à l’article 72 de la loi.
Il a par contre introduit une action portant sur l’octroi d’une allocation d’aggravation sur pied de l’article 9 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987, le
18 mai 2016, en invoquant notamment une spondylodiscarthrose qui se développe depuis 2009.
III. Par conséquent, en décidant que la présomption légale que consacre l’article 9 de la loi du 10 avril 1971 s’applique également dans le cadre d’une action en aggravation fondée sur l’article 9 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987, étant entendu qu’il appartient à l’assureur-loi de la renverser en apportant la démonstration de l’absence d’imputabilité à l’accident du travail des séquelles invoquées par la victime, et en déterminant la mission de l’expert sur ce fondement, à savoir qu’il doit être examiné par l’expert « s’il peut être exclu, avec un haut degré de vraisemblance que permettent les sciences médicales, que cette aggravation des séquelles présente un lien causal, fût-il partiel ou indirect, avec l’accident du travail du 24 février 1992 », l’arrêt viole les dispositions visées en tête du moyen.
III. La décision de la Cour
L’article 9 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail dispose que, lorsque la victime ou ses ayants droit établissent, outre l’existence d’une lésion, celle d’un événement soudain, la lésion est présumée, jusqu’à preuve du contraire, trouver son origine dans un accident.
Cette disposition s’applique à toute lésion dont l’existence est invoquée dans le cadre de la procédure en reconnaissance de l’accident du travail et de l’incapacité de travail qui en résulte mais non à la demande tendant à une allocation d’aggravation, que l’article 9, alinéa 1er, de l’arrêté royal du
10 décembre 1987 relatif aux allocations accordées dans le cadre de la loi du
10 avril 1971 sur les accidents du travail réserve à la victime dont l’état résultant de l’accident du travail s’aggrave de manière définitive après l’expiration du délai de la demande en révision des indemnités visée à l’article 72, alinéa 1er, de cette loi.
L’arrêt constate que le défendeur « ne peut fonder sa demande d’aggravation que sur l’article 9 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 ».
En considérant que « la présomption légale que consacre l’article 9 de la loi du 10 avril 1971 s’applique […] dans le cadre d’une action en aggravation » et en déterminant sur cette base la mission de l’expert qu’il désigne, l’arrêt viole cette disposition légale.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il dit l’appel recevable ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Vu l’article 68 de la loi du 10 avril 1971, condamne la demanderesse aux dépens ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Mons.
Les dépens taxés à la somme de six cent huit euros septante-deux centimes envers la partie demanderesse et à la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du douze décembre deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.20.0062.F
Date de la décision : 12/12/2022
Type d'affaire : Droit de la sécurité sociale

Analyses

La règle selon laquelle, lorsque la victime ou ses ayants droit établissent, outre l'existence d'une lésion, celle d'un événement soudain, la lésion est présumée, jusqu'à preuve du contraire, trouver son origine dans un accident s'applique à toute lésion dont l'existence est invoquée dans le cadre de la procédure en reconnaissance de l'accident du travail et de l'incapacité de travail qui en résulte ; elle n'est pas d'application à la demande tendant à une allocation d'aggravation en faveur de la victime dont l'état résultant de l'accident du travail s'aggrave de manière définitive après l'expiration du délai de la demande en révision (1). (1) Voir les concl. du MP.

ACCIDENT DU TRAVAIL - NOTION. EXISTENCE. PREUVE [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 10 avril 1971 sur les accidents du travail - 10-04-1971 - Art. 9 et 72 - 01 / No pub 1971041001 ;

A.R. du 10 décembre 1987

[III]

- 10-12-1987 - Art. 9, al. 1er


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-12-12;s.20.0062.f ?

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