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07/12/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0918.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 décembre 2022, P.22.0918.F


N° P.22.0918.F
I. D. J.,
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Mélissa Vervaeke, avocat au barreau de Mons, et Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi,
contre
H. R.,
partie civile,
défendeur en cassation,
II. L. M.,
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Anne-Julie Parquet et Quentin Dufrane, avocats au barreau de Mons, et Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi du deuxième demandeur est dirigé contre

l’arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Mons, a...

N° P.22.0918.F
I. D. J.,
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Mélissa Vervaeke, avocat au barreau de Mons, et Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi,
contre
H. R.,
partie civile,
défendeur en cassation,
II. L. M.,
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Anne-Julie Parquet et Quentin Dufrane, avocats au barreau de Mons, et Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi du deuxième demandeur est dirigé contre l’arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Mons, ainsi que contre les arrêts de motivation et de condamnation rendus par la cour d’assises de la province de Hainaut, respectivement les 15 et 16 juin 2022 sous les numéros 33 et 34 du répertoire.
Le pourvoi du premier demandeur est dirigé contre les arrêts susdits et contre l’arrêt civil rendu le 16 juin 2022 par cette même juridiction, sous le numéro 35 du répertoire.
J. D. invoque un moyen contre l’arrêt de renvoi de la chambre des mises en accusation précité et deux moyens contre l’arrêt de motivation. M. L. en invoque un contre l’arrêt de motivation. Chacun des demandeurs invoque ces moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’audience du 30 novembre 2022, le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de J. D. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Mons renvoyant le demandeur devant la cour d’assises :
Sur le premier moyen :
Le moyen invoque la violation de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et de la motivation des décisions rendues en matière pénale.
Le demandeur reproche à l’arrêt attaqué de ne pas motiver l’accusation de meurtre retenue à l’appui de son renvoi devant la cour d’assises, alors que l’ordonnance de la chambre du conseil n’avait qualifié les faits, dans son chef, que de non-assistance à personne en danger et alors que les réquisitions écrites du ministère public devant la chambre des mises en accusation tendaient à la confirmation de l’ordonnance sur ce point.
En règle, l’article 6 de la Convention ne concerne pas les droits de la défense devant la juridiction d'instruction statuant sur le règlement de la procédure.
En tant qu’il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
L'article 221 du Code d’instruction criminelle dispose que la chambre des mises en accusation examinera s’il existe contre l'inculpé des preuves ou des indices d’un fait relevant de la compétence de la cour d’assises, et si ces preuves ou indices sont assez graves pour que la mise en accusation soit prononcée.
Les juridictions d’instruction doivent examiner, au moment du règlement de la procédure, les faits faisant l’objet de l’instruction et qualifier ceux-ci de manière précise.
Lors de la qualification des faits, la chambre des mises en accusation n’est pas tenue par celle qui a déjà été donnée soit par la partie civile, soit par le ministère public au moment de l’instruction ou du réquisitoire final, soit par la chambre du conseil.
Les charges de culpabilité justifiant le renvoi de l’inculpé devant la juridiction de jugement s’entendent des éléments qui, recueillis et contrôlés au terme de l’instruction, s’avèrent suffisamment sérieux pour qu’une condamnation apparaisse vraisemblable. L’existence des charges de culpabilité justifiant le renvoi de l’inculpé devant la juridiction de jugement relève d’une appréciation souveraine de la juridiction d’instruction.
En considérant qu’il résulte de l’instruction des charges suffisantes quant à la participation du demandeur à un meurtre, la chambre des mises en accusation a régulièrement motivé et légalement justifié sa décision, dès lors qu’elle n’était pas tenue, nonobstant le changement de qualification, de préciser ces charges ou d’en motiver l’existence.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt de motivation rendu le 15 juin 2022 :
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris, notamment, de la violation de l’article 66 du Code pénal.
Le demandeur reproche à la cour d’assises de l’avoir jugé coupable de participation à un meurtre, alors que les constatations de fait figurant dans l’arrêt ne sauraient justifier cette qualification.
D’après ces constatations, M. L. et G. D. ont, en la présence permanente du demandeur, porté des coups à J. H.. M. L. a ensuite été chercher un bidon de pétrole et en a aspergé la victime puis, au moyen d’un briquet, a mis le feu à ses vêtements. Les trois hommes ont quitté les lieux pour aller, ensemble, boire et se restaurer. J. H. est décédé des suites de ses brûlures. Le demandeur a assisté aux faits, il n’est pas intervenu pour aider la victime, il n’a pas appelé les secours immédiatement, il ne s’est pas désolidarisé des deux autres. L’arrêt relève également que les vêtements de l’accusé étaient imbibés de pétrole.
L’arrêt énonce que la participation criminelle du demandeur est établie par « le simple fait d’avoir assisté aux coups, au dépôt du bidon de pétrole, à la mise à feu, et de quitter les lieux sans se désolidariser ».
Cette énonciation ne justifie pas légalement la qualification retenue. En effet, si le fait d’assister passivement à l’exécution d’une infraction peut constituer une participation punissable, c’est à la condition que l’abstention de toute réaction traduise l’intention de coopérer directement à la réalisation de cette infraction, en contribuant sciemment à la permettre ou la faciliter.
L’arrêt ajoute que « le comportement [du demandeur] ne peut, en effet, dans un tel contexte, être assimilé à une simple omission mais a, au contraire, incité, facilité ou encouragé la commission de l’infraction ».
Cette considération ne suffit pas davantage pour fonder légalement la déclaration de culpabilité. En effet, si la présence de la personne concernée peut avoir pour effet de stimuler l’auteur principal, encore faut-il qu’elle l’ait voulu ou sciemment accepté, ce que l’arrêt ne constate pas.
Quant à la présence de pétrole sur les vêtements du demandeur, il y va d’un fait dont l’arrêt se borne à relever l’existence sans le relier à un acte positif imputé au demandeur et préalable ou concomitant à l’exécution du crime.
La cour d’assises n’a dès lors pas légalement justifié sa décision.
A cet égard, le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner le deuxième moyen, lequel ne saurait entraîner une cassation sans renvoi.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt qui, rendu le 16 juin 2022 par la cour d’assises de la province de Hainaut, statue sur l’action publique exercée à charge de J. D. :
L’annulation, à prononcer ci-après, de la déclaration du jury en tant qu’elle répond par l’affirmative à la question principale de culpabilité procédant de l’accusation portée contre J. D., entraîne la cassation de la décision statuant sur la peine et les frais de l’action publique encourus par cet accusé, et sur la condamnation au Fonds spécial pour l’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence, liée à ladite peine.
4. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt qui, rendu le 16 juin 2022 par la cour d’assises de la province de Hainaut, statue sur l’action civile exercée par R. H. contre J. D. :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
Toutefois, la cassation de la décision rendue sur l’action publique exercée à charge de J. D. entraîne l’annulation de la décision définitive rendue sur l’action civile exercée par le défendeur et contre laquelle le demandeur s’est régulièrement pourvu.
B. Sur le pourvoi de M. L. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Mons renvoyant le demandeur devant la cour d’assises :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt de motivation rendu le 15 juin 2022 par la cour d’assises de la province de Hainaut :
Le moyen invoque la violation de l’article 331 du Code d’instruction criminelle.
Le demandeur fait en substance grief à l’arrêt de ne pas mentionner si « les délibérations et le mode de suffrage du jury ont respecté les termes de l’article 331 du Code d’instruction criminelle », en particulier sur la question de savoir si la décision du jury s’est formée à la majorité.
En vertu des articles 329, 329bis et 329quater, du Code d’instruction criminelle, les membres du collège délibèrent ensemble pour chaque accusé sur le fait principal, puis sur chacune des circonstances. Les jurés votent ensuite séparément à scrutin secret sur les questions pour chaque accusé.
L’article 330 du même code dispose qu’après chaque scrutin, le président le dépouille en présence du collège et consigne immédiatement la réponse en marge de la question sans exprimer le nombre de suffrages, sauf lorsque la déclaration affirmative de culpabilité sur le fait principal n'a été formée qu’à la simple majorité de sept contre cinq.
En vertu de l’article 331, alinéas 1er et 2, du Code d’instruction criminelle, la décision du jury se forme, pour ou contre l’accusé, à la majorité, à peine de nullité. En cas d’égalité de voix, l’avis favorable à l’accusé prévaut.
Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu’en réponse à la question principale de culpabilité posée dans un formulaire annexé à l’arrêt attaqué, le jury a répondu de manière affirmative et, partant, a déclaré le demandeur coupable, en qualité de coauteur, du meurtre commis à La Louvière le 1er février 2020 sur la personne de J. H..
Il ne découle pas des dispositions précitées qu’en dehors du cas d’une déclaration de culpabilité acquise à la majorité simple, l’arrêt de motivation, auquel la décision du jury est annexée, doive formellement indiquer que cette dernière a été prise à la majorité.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt de condamnation rendu le 16 juin 2022 par la cour d’assises de la province de Hainaut :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par le jury.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Annule les débats et la déclaration du jury en tant qu’ils concernent J. D. ;
Casse les arrêts rendus les 15 et 16 juin 2022, sous les numéros 33, 34 et 35 du répertoire, par la cour d’assises de la province de Hainaut, en tant qu’ils statuent sur les actions publique et civile exercées à charge de J. D. ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur les registres de la cour d’assises de la province de Hainaut et que mention du présent arrêt sera faite en marge des arrêts partiellement cassés ;
Condamne M. L. aux frais de son pourvoi ;
Condamne J. D. à un tiers des frais de son pourvoi et réserve le surplus pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’assises de la province de Liège.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de six cent soixante-cinq euros un centime dont I) sur le pourvoi de J. D. : quatre cent quatre-vingt-huit euros treize centimes dus et II) sur le pourvoi de M. L. : cent septante-six euros quatre-vingt-huit centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.22.0918.F
Date de la décision : 07/12/2022
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Les juridictions d'instruction doivent examiner, au moment du règlement de la procédure, les faits faisant l'objet de l'instruction et qualifier ceux-ci de manière précise ; lors de la qualification des faits, la chambre des mises en accusation n'est pas tenue par celle qui a déjà été donnée soit par la partie civile, soit par le ministère public au moment de l'instruction ou du réquisitoire final, soit par la chambre du conseil (1). (1) Cass. 11 février 2003, RG P.02.0608.N, Pas. 2003, n° 94.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Règlement de la procédure - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - COUR D'ASSISES - RENVOI A LA COUR [notice1]

Les charges de culpabilité justifiant le renvoi de l'inculpé devant la juridiction de jugement s'entendent des éléments qui, recueillis et contrôlés au terme de l'instruction, s'avèrent suffisamment sérieux pour qu'une condamnation apparaisse vraisemblable ; l'existence des charges de culpabilité justifiant le renvoi de l'inculpé devant la juridiction de jugement relève d'une appréciation souveraine de la juridiction d'instruction (1). (1) Cass. 20 septembre 2022, RG P.22.0303.N, Pas. 2022, n° 551.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Règlement de la procédure - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - COUR D'ASSISES - RENVOI A LA COUR - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND [notice4]

Si le fait d'assister passivement à l'exécution d'une infraction peut constituer une participation punissable, c'est à la condition que l'abstention de toute réaction traduise l'intention de coopérer directement à la réalisation de cette infraction, en contribuant sciemment à la permettre ou la faciliter ; si la présence de la personne concernée peut avoir pour effet de stimuler l'auteur principal, encore faut-il qu'elle l'ait voulu ou sciemment accepté (1). (1) Cass. 15 septembre 2015, RG P.14.1189.N, Pas. 2015, n° 513, avec concl. de M. Winants, avocat général, publiées à leur date dans AC.

INFRACTION - PARTICIPATION - COUPS ET BLESSURES. HOMICIDE - VOLONTAIRES [notice8]

Il ne découle pas des articles 329, 329bis, 329quater, 330 et 331, alinéas 1er et 2, du Code d'instruction criminelle qu'en dehors du cas d'une déclaration de culpabilité acquise à la majorité simple, l'arrêt de motivation, auquel la décision du jury est annexée, doive formellement indiquer que cette dernière a été prise à la majorité.

COUR D'ASSISES - PROCEDURE A L'AUDIENCE. ARRETS INTERLOCUTOIRES. DECLARATION DU JURY - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) [notice10]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 127, 130 et 133 - 30 / No pub 1808111701

[notice4]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 127, 130 et 131 - 30 / No pub 1808111701

[notice8]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 66 - 01 / No pub 1867060850

[notice10]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 329, 329bis, 329quater, 330 et 331, al. 1er et 2 - 30 / No pub 1808111701


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-12-07;p.22.0918.f ?

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