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30/11/2022 | BELGIQUE | N°P.22.1529.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 novembre 2022, P.22.1529.F


Arrêt
N° P.22.1529.F
N. D.,
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Pascal Rodeyns, avocat au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 novembre 2022 sous le numéro C1676 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’

avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
La demanderesse, dont la date d...

Arrêt
N° P.22.1529.F
N. D.,
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Pascal Rodeyns, avocat au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 novembre 2022 sous le numéro C1676 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
La demanderesse, dont la date de naissance indiquée dans l’arrêt attaqué est le 12 juillet 1933, s’identifie avec D.N., née le .., ci-dessus qualifiée.
Sur le premier moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 2, § 4, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen et 8 de la Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres. Il reproche aux juges d’appel d’avoir considéré que la question de la discordance entre la somme des peines visées aux trois mandats d’arrêt européens relatifs à la demanderesse, dont l’exécution est demandée à la Belgique, et le total, plus élevé, indiqué dans la décision du parquet de Turin qui a ordonné le cumul de ces peines, était résolue en raison de la communication, par l’État d’émission, d’une information relative à un quatrième mandat d’arrêt européen, lequel n’est au demeurant pas produit, et qui serait relatif à une peine également prise en considération dans la décision de cumul.
La juridiction d’instruction appelée à statuer sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen apprécie souverainement si la communication, par l’autorité de l’État d’émission, suffit à répondre aux questions posées par la demande d’informations complémentaires ou si un autre complément d’information doit être sollicité.
Le moyen, qui se borne à critiquer cette appréciation en fait ou exige, pour son examen, une vérification d’éléments de fait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, est irrecevable.
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Les moyens sont respectivement pris de la violation des articles 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne, et 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003, lu en combinaison avec les articles 12, 6°, et 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012, 92 du Code pénal et 10 et 11 de la Constitution.
La demanderesse reproche en substance aux juges d’appel d’avoir rejeté sa demande de subir sa peine en Belgique au motif que, conformément à la loi belge et notamment aux dispositions qui règlent la durée de la prescription des peines, à tout le moins l’une de celles visées aux trois mandats d’arrêt européens dont la cour d’appel est saisie de la demande d’exequatur ne pourrait plus y être exécutée. Selon la demanderesse, la décision judiciaire italienne qui a ordonné le cumul des peines aurait dû être considérée comme celle dont l’exécution est demandée, plutôt que chacune des décisions qui ont infligé les peines distinctes ensuite cumulées.
D’une part, l’application éventuelle de règles relatives au concours entre plusieurs condamnations prononcées dans l’État d’émission, dont certaines font l’objet d’un mandat d’arrêt européen, est une question relative à l’exécution de la sanction, qui relève de la compétence des autorités de cet État.
Dès lors, appelée à statuer sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins de l’exécution d’une peine, la juridiction d’instruction n’a pas à prendre en considération le concours existant entre cette condamnation et d’autres condamnations prononcées dans l’État d’émission.
Dans cette mesure, les moyens manquent en droit.
D’autre part, conformément à l’article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012, lorsque la juridiction d’instruction fait application de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003, sa décision emporte la reconnaissance et l'exécution de la peine ou mesure privative de liberté visée dans la décision judiciaire faisant l'objet du mandat d'arrêt européen et le procureur du Roi se fait remettre, par l'autorité d'émission du mandat d'arrêt européen, le jugement, accompagné du certificat.
En application de l’article 3, 1°, de la loi du 15 mai 2012, il y a lieu d’entendre par « jugement », une décision définitive rendue par une juridiction de l'État d'émission en matière pénale prononçant une peine ou une mesure privative de liberté.
Cette disposition transpose, dans l’ordre juridique belge, celle de l’article 1er, a), de la Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne, lequel prévoit qu’aux fins de ladite Décision-cadre, on entend par « jugement », une décision définitive rendue par une juridiction de l’État d’émission prononçant une condamnation à l’encontre d’une personne physique.
Selon l’arrêt, la décision de cumul du 3 février 2022 a été prise par le procureur de la République de Turin et a consisté à regrouper quatre condamnations prononcées auparavant par des tribunaux répressifs italiens.
Partant, pareille décision, qui ne prononce pas une condamnation, ne constitue pas un jugement au sens des dispositions précitées.
Et ces dispositions ne sauraient davantage avoir pour effet de permettre l’exécution en Belgique d’une peine prescrite selon la loi belge.
Ainsi, en se bornant, aux termes de l’arrêt attaqué, à statuer sur l’exécution du mandat d’arrêt européen relatif à une seule des peines visées par la décision de cumul, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision.
À cet égard, les moyens ne peuvent être accueillis.
Il n’y a pas lieu d’interroger à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne, dès lors que l'application correcte du droit de l’Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse la place à aucun doute raisonnable sur le sens de la règle applicable.
Et il n’y a pas davantage lieu d’interroger à titre préjudiciel la Cour constitutionnelle, dès lors que la question proposée au terme du troisième moyen repose sur la prémisse inexacte que la décision du procureur de la République d’appliquer les règles relatives au concours entre plusieurs condamnations prononcées dans l’État d’émission est un jugement passible du mandat d’arrêt européen.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.22.1529.F
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Droit pénal - Autres - Droit européen

Analyses

La juridiction d'instruction appelée à statuer sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen apprécie souverainement si la communication, par l'autorité de l'État d'émission, suffit à répondre aux questions posées par la demande d'informations complémentaires ou si un autre complément d'information doit être sollicité.

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION [notice1]

L'application éventuelle de règles relatives au concours entre plusieurs condamnations prononcées dans l'État d'émission, dont certaines font l'objet d'un mandat d'arrêt européen, est une question relative à l'exécution de la sanction, qui relève de la compétence des autorités de cet État ; dès lors, appelée à statuer sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré aux fins de l'exécution d'une peine, la juridiction d'instruction n'a pas à prendre en considération le concours existant entre cette condamnation et d'autres condamnations prononcées dans l'État d'émission.

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - PEINE - CONCOURS - Généralités [notice3]

Conformément à l'article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne, lorsque la juridiction d'instruction fait application de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003, sa décision emporte la reconnaissance et l'exécution de la peine ou mesure privative de liberté visée dans la décision judiciaire faisant l'objet du mandat d'arrêt européen et le procureur du Roi se fait remettre, par l'autorité d'émission du mandat d'arrêt européen, le jugement, accompagné du certificat ; dès lors qu'en application de l'article 3, 1°, de la loi du 15 mai 2012, il y a lieu d'entendre par « jugement », une décision définitive rendue par une juridiction de l'État d'émission en matière pénale prononçant une peine ou une mesure privative de liberté, la décision de cumul des peines prise par un procureur de la République italienne qui a consisté à regrouper des condamnations prononcées auparavant par des tribunaux répressifs italiens, ne prononce pas une condamnation et ne constitue pas un jugement au sens des dispositions précitées ; les dispositions légales précitées ne sauraient davantage avoir pour effet de permettre l'exécution, en Belgique, d'une peine prescrite selon le droit belge (1). (1) Voir Cass. 30 novembre 2022, RG P.22.1511.F, Pas. 2022, n° 784.

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - PEINE - DIVERS - PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Peine - Généralités [notice5]

Il n'y a pas lieu d'interroger à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne lorsque l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse la place à aucun doute raisonnable sur le sens de la règle applicable (1). (1) Cass. 14 mars 2006, RG P.05.1117.N, Pas. 2006, n° 147.

QUESTION PREJUDICIELLE - UNION EUROPEENNE - QUESTIONS PREJUDICIELLES [notice8]


Références :

[notice1]

L. du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen - 19-12-2003 - Art. 2, § 4 - 32 / No pub 2003009950

[notice3]

L. du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen - 19-12-2003 - Art. 6, 4° - 32 / No pub 2003009950

[notice5]

L. du 15 mai 2012 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne - 15-05-2012 - Art. 38, § 1er - 03 / No pub 2012009226 ;

L. du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen - 19-12-2003 - Art. 6, 4° - 32 / No pub 2003009950

[notice8]

Traité du 25 mars 1957 sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - 25-03-1957 - Art. 267 - 01 / Lien DB Justel 19570325-01


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-11-30;p.22.1529.f ?

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