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30/11/2022 | BELGIQUE | N°P.22.1511.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 novembre 2022, P.22.1511.F


N° P.22.1511.F
K. K., personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Séverine Solfrini, avocat au barreau de Liège-Huy, et Jacques Willocq, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 14 novembre 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.<

br> L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le pre...

N° P.22.1511.F
K. K., personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Séverine Solfrini, avocat au barreau de Liège-Huy, et Jacques Willocq, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 14 novembre 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen, émis le 5 septembre 2017 par le procureur général près la cour d’appel de Pérouse. Le mandat vise une ordonnance du 8 mai 2017 prescrivant l’exécution cumulée des peines portées par trois arrêts passés en force de chose jugée, à savoir un arrêt de la cour d’appel d’Aquila du 30 octobre 2013 qui prononce une peine d’emprisonnement de neuf ans, un arrêt de la cour d’appel d’Ancône du 13 juin 2014 qui prononce une peine d’emprisonnement de dix mois et vingt jours et un arrêt de la cour d’appel de Pérouse du 1er juillet 2016 qui prononce une peine d’emprisonnement de quatre ans. Le mandat d’arrêt européen précise que, aux termes de l’ordonnance précitée, la durée totale de la peine restant à subir a été fixée à douze ans, dix mois et vingt jours, compte tenu de la durée de l’emprisonnement déjà subi.
Le moyen est pris de la violation de l’article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l’Union européenne.
Il reproche à l’arrêt de décider qu’il n’y a pas lieu de refuser l’exécution sur la base de l’article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, au motif que la peine d’emprisonnement de dix mois et vingt jours ne pourrait être exécutée en Belgique dès lors qu’elle est prescrite selon le droit belge.
Le demandeur soutient que, dans l’examen de cette cause de refus facultative, la chambre des mises en accusation devait prendre en considération l’ordonnance d’exécution du 8 mai 2017 qui, selon lui, prononce à nouveau une peine et remplace ainsi les trois peines d’emprisonnement prononcées par les cours d’appel susdites par une seule peine.
En vertu de la disposition invoquée, lorsque la juridiction d’instruction fait application de l’article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, sa décision emporte la reconnaissance et l’exécution de la peine ou mesure privative de liberté visée dans la décision judiciaire faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen.
Selon l’article 3, 1°, de la loi du 15 mai 2012 précitée, un jugement est une décision définitive rendue par une juridiction de l’Etat d’émission en matière pénale prononçant une peine ou une mesure privative de liberté.
Le mandat d’arrêt européen mentionne qu’en cas de refus relatif à l’une des décisions comprises dans la mesure de cumul, l’autorité judiciaire italienne fixera à nouveau la peine à faire exécuter, en supprimant celle infligée pour les infractions pour lesquelles la remise a été refusée, en application du principe de spécialité.
Il s’ensuit que l’ordonnance d’exécution ne prononce pas une peine mais se borne à fixer la durée de l’exécution des trois peines d’emprisonnement mentionnées au mandat d’arrêt européen, telles que cumulées.
Elle ne saurait davantage avoir pour effet de permettre l’exécution, en Belgique, d’une peine prescrite au regard du droit belge.
Partant, en constatant que la peine d’emprisonnement de dix mois et vingt jours, prononcée par un arrêt de la cour d’appel d’Ancône du 13 juin 2014, est prescrite selon le droit belge, l’arrêt attaqué justifie légalement sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :
Le demandeur a sollicité que la chambre des mises en accusation sursoie à statuer sur la demande d’exequatur dans l’attente de l’issue de la procédure qu’il a introduite devant une juridiction de l’application des peines italienne sur la base de l’article 671 du Code de procédure pénale italien en vue du regroupement des peines prononcées à sa charge, en raison d’un concours d’infractions ou de leur caractère continu.
Le moyen soutient que le juge de l’application des peines italien a notamment la faculté de limiter la peine et que sa décision est définitive au sens de l’article 92 (lire : 3, 1°) de la loi 15 mai 2012 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l’Union européenne.

Selon le demandeur, il ne peut être admis qu’il soit statué « sur une décision d’exécution d’un mandat d’arrêt européen à défaut de décision définitive ». Il sollicite, à titre subsidiaire, que la Cour de justice de l’Union européenne soit interrogée « quant à la réalité que couvre la notion de décision judiciaire d’un Etat membre et la reconnaissance mutuelle qu’il convient de lui accorder ».
L’application éventuelle de règles relatives au concours entre plusieurs condamnations prononcées dans l’Etat d’émission qui font l’objet d’un mandat d’arrêt européen est une question qui relève de la compétence des autorités de cet Etat.
Dès lors, appelée à statuer sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution de trois peines d’emprisonnement, telles que cumulées, la juridiction d’instruction n’a pas à prendre en considération le concours existant entre ces condamnations prononcées dans l’Etat d’émission.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
Par ailleurs, ainsi que le demandeur le relève dans la première branche du moyen, pour statuer sur la demande d’exequatur, l’arrêt prend en considération les trois arrêts de condamnation dont il constate, en outre, qu’ils sont devenus définitifs.
En tant qu’il repose sur la prémisse que le mandat d’arrêt européen vise la décision d’exécution, le moyen manque en fait.
Et il n’y a pas lieu d’interroger, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne, dès lors que la question repose sur une affirmation inexacte.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, lu en combinaison avec les articles 12, 6°, et 38 de la loi du 15 mai 2012 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l’Union européenne, et avec les articles 92 du Code pénal et 10 et 11 de la Constitution.
Le demandeur expose qu’en regroupant plusieurs décisions intervenues à des moments et des endroits différents, les autorités de l’Etat d’émission parviennent à influencer la décision de la juridiction de l’Etat d’exécution dès lors que celle-ci statuerait différemment si elle était amenée à rendre chaque décision isolément.
Il soutient que, partant, il existe une différence de traitement entre la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen regroupant trois titres et celle faisant l’objet de trois mandats d’arrêts distincts, auquel cas la juridiction d’instruction statuerait sur chacune des demandes d’exequatur, indépendamment de l’existence des autres. Il sollicite que la question soit soumise, à titre préjudiciel, à la Cour constitutionnelle.
Comme exposé lors de l’examen du premier moyen, le moyen repose sur la prémisse inexacte que l’ordonnance d’exécution prononce une peine et constituerait un jugement susceptible de fonder un mandat d’arrêt européen alors qu’elle se borne à fixer la durée de l’exécution des trois peines d’emprisonnement mentionnées audit mandat, telles que cumulées.
Le moyen manque en droit.
Et dès lors que le moyen ne saurait entraîner la cassation, la question préjudicielle ne doit pas être posée.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.22.1511.F
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

L'ordonnance d'exécution prise par un magistrat de l'Etat d'émission qui, regroupant trois condamnations, se borne à fixer la durée de l'exécution des trois peines d'emprisonnement faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, telles que cumulées, ne prononce pas une peine et n'a pas pour effet de permettre l'exécution, en Belgique, d'une peine prescrite au regard du droit belge (1). (1) Voir Cass. 30 novembre 2022, RG P.22.1529.F, Pas. 2022, n° 785.

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - PEINE - DIVERS - PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Peine - Généralités [notice1]

L'application éventuelle de règles relatives au concours entre plusieurs condamnations prononcées dans l'Etat d'émission qui font l'objet d'un mandat d'arrêt européen est une question qui relève de la compétence des autorités de cet Etat ; appelée à statuer sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré aux fins d'exécution de trois peines d'emprisonnement, la juridiction d'instruction n'a pas à prendre en considération le concours existant entre ces condamnations prononcées dans l'Etat d'émission.

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - PEINE - CONCOURS - Généralités [notice5]


Références :

[notice1]

L. du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen - 19-12-2003 - Art. 6, 4° - 32 / No pub 2003009950

[notice5]

L. du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen - 19-12-2003 - Art. 6, 4° - 32 / No pub 2003009950


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-11-30;p.22.1511.f ?

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