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30/11/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0635.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 novembre 2022, P.22.0635.F


N° P.22.0635.F
S. N.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Pierre Monville, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 222/7, où il est fait élection de domicile,
contre

Z. E.,
partie civile,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Fernand Schmitz, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Uccle, avenue Brugmann, 403, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le

20 avril 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque ...

N° P.22.0635.F
S. N.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Pierre Monville, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 222/7, où il est fait élection de domicile,
contre

Z. E.,
partie civile,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Fernand Schmitz, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Uccle, avenue Brugmann, 403, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 avril 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’audience du 2 novembre 2022, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
La demanderesse a déposé, le 28 novembre 2022, une note en réponse par application de l’article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à charge de la demanderesse :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 1138, 3°, du Code judiciaire et 71 du Code pénal.
Quant à la première branche :
Il est fait grief à l’arrêt de ne pas écarter légalement la cause de justification déduite de l’erreur invincible invoquée par la demanderesse. Celle-ci a fait valoir qu’elle ignorait s’être trouvée dans l’obligation de mentionner, lors de l’apposition de scellés faite à la requête du défendeur, les libéralités dont il lui est reproché d’avoir tu l’existence. Elle a soutenu qu’à la date où les scellés ont été mis, elle était seule à son domicile, face au juge de paix et au conseil de la partie adverse, et qu’elle avait invité ledit conseil à prendre contact avec son notaire personnel pour toute question relative à la liquidation de la succession de son époux.
L’erreur est une cause de justification si tout homme raisonnable et prudent aurait pu la commettre en étant placé dans les mêmes circonstances que celles où le prévenu s’est trouvé. De la seule circonstance que le prévenu n’était pas assisté de son conseil au moment où il a accompli l’acte ou l’omission qui lui sont reprochés, il ne saurait se déduire que son comportement est justifié au titre de l’erreur invincible.
A la défense évoquée par le moyen, l’arrêt oppose, par adoption des motifs du jugement entrepris, que
- le juge de paix a fait savoir à la demanderesse qu’il agissait, à la requête d’un cohéritier, pour la sauvegarde de l’actif successoral ;
- la demanderesse a juré n’avoir rien détourné, vu ni su qu’il ait été rien détourné directement ou indirectement ;
- il n’est pas contesté que le « détournement » dont question dans la formule du serment s’entend notamment de toute abstention tendant à la dissimulation, au préjudice de la masse, d’un bien faisant partie de celle-ci ;
- la demanderesse avait souscrit, le 28 décembre 2011, un contrat d’assurance-vie avec prime unique de deux millions neuf cent mille euros provenant d’une donation faite par son époux ;
- l’existence de cette donation n’est apparue qu’après la levée des scellés, lorsque l’examen des documents a révélé l’existence de nombreux transferts bancaires périodiques sur un compte ouvert au nom de la demanderesse.
Sur le fondement de ces constatations, dont il ressort qu’une donation faite par le de cujus peu de temps avant son décès n’aura pas pu être incorporée dans l’inventaire, alors que la demanderesse était informée de l’objet de la mission du juge de paix, la cour d’appel a pu décider que l’erreur invoquée n’était pas affectée de l’indice d’invincibilité propre à lui assurer un effet justificatif.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Il est reproché à l’arrêt de ne pas répondre aux conclusions de la demanderesse alléguant qu’elle ne réalisait pas la portée des procédures, qu’elle n’était pas éclairée par le notaire instrumentant, qu’elle n’était pas assistée d’un avocat, que les actes de signification et de sommation ne contenaient pas d’informations relatives à un recours possible, qu’elle n’avait pas conscience de ce qui lui serait reproché, qu’elle n’a pas compris et ne pouvait pas comprendre le document qu’elle a signé.
Par adoption des motifs du jugement dont appel, l’arrêt oppose que
- des dispositions, claires et non ambigües, lues et commentées par le notaire instrumentant, il résulte que la demanderesse a été avertie qu’il serait procédé notamment à la consignation des renseignements de toute nature relatifs à tout ce qui peut dépendre activement et passivement de la succession ;
- il n’est pas contesté que la demanderesse a omis de communiquer tous les éléments utiles pour établir la consistance de la succession en cours.
Par ces constatations, dont il ressort que la demanderesse ne pouvait pas ignorer devoir mentionner les libéralités qu’elle n’a pas déclarées, les juges d’appel ont répondu à la défense invoquée et régulièrement motivé leur décision.
Le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 1138, 3°, du Code judiciaire.
Quant à la première branche :
La demanderesse a déposé des conclusions soutenant que le notaire instrumentant avait manqué d’impartialité, étant le notaire-conseil du défendeur, cohéritier et plaignant. Elle a fait valoir que le notaire n’a pas donné lecture des avertissements ou du texte du serment, qu’il ne l’a pas interpellée et qu’il n’a pas respecté « son obligation de l’article 9 de la loi du 25 ventôse an XI ».
Il ressort des constatations de l’arrêt que le notaire D.d. C. n’a pas agi comme notaire-liquidateur mais seulement comme notaire chargé, ensuite d’une levée de scellés, d’inventorier les biens et de consigner les déclarations des parties.
Les conclusions de la demanderesse n’indiquaient pas en quoi la partialité imputée à ce notaire, et déduite de sa qualité de conseil de la partie adverse, aurait pu l’induire en erreur quant aux éléments à mentionner pour établir la consistance de la succession, ou la tromper quant à l’obligation de sincérité pesant sur les personnes à qui le serment est déféré.
L’arrêt répond dès lors à la défense invoquée, en énonçant, par adoption des motifs du jugement dont appel, d’une part, que la qualité susdite n’a pas d’incidence sur le fondement de la prévention, d’autre part, que le notaire instrumentant a lu et commenté les dispositions de l’acte relatif à l’inventaire et contenant l’avertissement du serment à prêter.
Le moyen manque dès lors en fait.
Quant à la seconde branche :
L’inventaire visé à l’article 1175 du Code judiciaire a pour objet de déterminer la consistance de la succession, de la communauté ou de l’indivision.
Le serment déféré aux personnes visées à l’article 1183, 11°, dudit code implique l’interdiction de passer sous silence l’existence d’éléments que le promettant sait ou doit savoir qu’il y a lieu de les incorporer à la succession.
De la circonstance que le notaire désigné pour procéder à l’inventaire est le notaire-conseil d’un des cohéritiers, il ne se déduit pas que les autres puissent enfreindre ladite interdiction ni que, l’ayant enfreinte, ils ne pourraient plus être poursuivis et jugés dans le respect des garanties inhérentes au droit à un procès équitable.
Reposant sur l’affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 8.1, 2° et 3°, 8.17 et 8.18 du Code civil, et de l’article 226, alinéa 2, du Code pénal.
Quant à la première branche :
La demanderesse soutient que l’arrêt viole la foi due au procès-verbal d’inventaire établi le 14 septembre 2012 par le notaire D. d. C., en lisant dans cette pièce un serment qui n’y figure pas.
A la page 14 du procès-verbal d’inventaire par suite de levée de scellés, établi le 14 septembre 2012 par le notaire précité à la requête et en présence d’E.Z., représenté par son conseil, et de N. S., présente en personne, il est mentionné que les comparants ont juré, sous serment prêté entre les mains du notaire instrumentant, qu’ils ont fait comprendre à l’inventaire tout ce qui, à leur connaissance, se trouve en l’immeuble où il est vaqué, et qu’ils n’ont rien détourné, ni vu ni su qu’il ait été détourné quoi que ce soit dépendant de la succession dont il s’agit.
L’arrêt énonce que « la levée des scellés et l’inventaire subséquent ont été réalisés par le notaire instrumentant désigné le 14 septembre 2012 et, à cette date, la prévenue a, selon l’acte authentique d’inventaire qui a été versé au dossier, prêté le serment qu’elle ‘avait fait comprendre à l’inventaire tout ce qui, à sa connaissance, se trouvait en l’immeuble et qu’elle n’avait rien détourné, ni vu ni su qu’il ait été détourné quoi que ce soit dépendant de la succession’ ».
Par cette énonciation, les juges d’appel n’ont pas donné, de la pièce à laquelle l’arrêt se réfère, une interprétation inconciliable avec ses termes.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Il est soutenu que l’arrêt viole l’article 226, alinéa 2, du Code pénal, en condamnant la demanderesse du chef de faux serment, alors que le procès-verbal d’inventaire ne comporte aucun serment prêté par la prévenue à cette occasion.
Mais il suit de la réponse à la première branche que l’arrêt constate l’existence du serment fondant la prévention, et que les juges d’appel ont pu relever la présence de cet élément constitutif du délit sans violer la foi due à l’acte qui en fait état.
Le moyen manque en fait.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par le défendeur :
La demanderesse n’invoque aucun moyen spécifique.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent treize euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du deux novembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.22.0635.F
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

L'erreur est une cause de justification si tout homme raisonnable et prudent aurait pu la commettre en étant placé dans les mêmes circonstances que celles où le prévenu s'est trouvé (1); de la seule circonstance que le prévenu n'était pas assisté de son conseil au moment où il a accompli l'acte ou l'omission qui lui sont reprochés, il ne saurait se déduire que son comportement est justifié au titre de l'erreur invincible. (1) Cass. 22 décembre 2021, RG P.21.1311.F, Pas. 2021, n° 825.

INFRACTION - JUSTIFICATION ET EXCUSE - Justification


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-11-30;p.22.0635.f ?

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