N° C.19.0269.F
1. P. T.,
2. S. B.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
LE BEAU VALLON – SOINS SPÉCIALISÉS EN SANTÉ MENTALE, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Namur (Saint-Servais), rue de Bricgniot, 205, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0424.497.041,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 23 février 2018 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Ariane Jacquemin a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la deuxième branche :
En vertu de l’article 203, § 1er, de l’ancien Code civil, les père et mère sont tenus d’assumer, à proportion de leurs facultés, l’hébergement, l’entretien, la santé, la surveillance, l’éducation, la formation et l’épanouissement de leurs enfants ; si la formation n’est pas achevée, l’obligation se poursuit après la majorité de l’enfant.
Fondés sur la solidarité familiale, les droits alimentaires étendus que consacre cette disposition sont inséparables de la personne du créancier, qui seul peut exercer l’action qui les protège.
L’article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient consacre les droits du patient à consentir préalablement à toute intervention médicale, sous la réserve des situations urgentes, à obtenir les informations qui lui sont nécessaires pour consentir en connaissance de cause et à refuser ou retirer son consentement.
L’article 12 de cette loi dispose, en son paragraphe 1er, que, si le patient est mineur, les droits fixés par cette loi sont exercés par les parents exerçant l’autorité sur le mineur ou par son tuteur, en son paragraphe 2, que, suivant son âge et sa maturité, le patient est associé à l’exercice de ses droits et que les droits énumérés dans la loi peuvent être exercés de manière autonome par le patient mineur qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts.
Ni l’article 8 ni l’article 12 de la loi du 22 août 2002 ne dérogent au caractère personnel des droits que l’enfant tire de l’article 203 de l’ancien Code civil et de l’action qui les protège.
Pour condamner les demandeurs à payer à la défenderesse les factures relatives à l’hospitalisation de leur fille placée sous statut de minorité prolongée, l’arrêt considère que « le fait que [les demandeurs] n’ont pas signé de contrat avec [la défenderesse] est sans pertinence » dans la mesure où, indépendamment de tout engagement contractuel, ils « sont tenus à une obligation d’entretien de leur enfant, qui comprend une obligation d’assumer les soins de santé », que, pour la période du 3 avril au 6 juin 2014, leur fille a exercé son droit à la santé dès lors qu’elle était douée de discernement, pour celle du 7 au 23 juin 2014, elle a dû être hospitalisée d’urgence et, pour celle du 24 juin au 12 juillet 2014, elle a été mise en observation à la demande du parquet, et qu’« il ne peut se concevoir qu’une fois le mineur devenu majeur, il se voie réclamer des soins médicaux prodigués durant sa minorité alors [qu’ils] étaient nécessaires et réalisés avec l’assentiment des parents ».
Par ces considérations, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision que la défenderesse est fondée à agir contre les demandeurs en paiement de ses factures « en vertu de l’article 203 du Code civil et en raison des articles 8 et 12 de la loi du 22 août [2002] relative aux droits du patient ».
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du trois novembre deux mille vingt-deux par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.