N° C.20.0433.F
NEWPHARMA, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Liège, rue Basse-Wez, 315, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0838.666.156,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
C.F.E.B. SISLEY, société de droit français, dont le siège est établi à Paris (VIIIe arrondissement - France), avenue de Friedland, 3,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.
N° C.20.0462.F
C.F.E.B. SISLEY, société de droit français, dont le siège est établi à Paris (VIIIe arrondissement - France), avenue de Friedland, 3,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
NEWPHARMA, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Liège, rue Basse-Wez, 315, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0838.666.156,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l’arrêt rendu le 11 mars 2020 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
À l’appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.20.0433.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
À l’appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.20.0462.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt ; il y a lieu de les joindre.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.20.0433.F :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Quant au premier rameau :
L’arrêt relève que, selon la défenderesse, le « photographe professionnel spécialisé dans le packaging de produits » auquel elle a fait appel « a opéré différents choix au moment de la prise de vue (objectif, cadrage, éclairage, exposition, …). Ces choix ainsi que le travail postérieur aboutissent à un résultat présentant des caractéristiques propres […]. Le produit a été photographié sous un angle particulier, avec un éclairage et un cadrage particulier. La photo se distingue au niveau de sa prise de vue, du jeu d’ombres et de couleurs ainsi que des reflets lumineux qui apparaissent à différents endroits sur le produit, l’objectif étant de mettre en valeur le produit à la hauteur de l’image de marque de [la défenderesse]. Les reflets apparaissant sur le produit […] résultent […] des choix opérés par le photographe. Ce résultat est l’expression d’un choix délibéré du photographe qui a imprimé sa touche personnelle […]. Cela vaut également pour les autres photos publiées sur le site de [la défenderesse]. Chacune de ces photos est le résultat de choix opérés par le photographe quant à l’angle de vue, l’éclairage et les jeux de lumière ».
Il considère que « l’examen des photographies des produits » établit que « le photographe a opéré des choix aboutissant à un résultat présentant des caractéristiques traduisant une création intellectuelle, qui va au-delà de la reproduction du réel, et ce, quelles que soient les photographies réalisées ».
L’arrêt, qui considère que l’examen des photographies confirme que le photographe a bien opéré, lors de la prise de vue et ultérieurement, les choix mis en exergue par la défenderesse, examine concrètement si les photographies constituent des créations reflétant la personnalité de leur auteur.
Quant au second rameau :
L’arrêt relève qu’« une analyse similaire [à celle qui a été menée pour les photographies] s’impose en ce qui concerne les textes associés aux photos » et que « [la défenderesse] soutient à raison que ‘ces textes ne sont pas la reprise pure et simple des notices. Ils sont adaptés et reformulés pour leur présentation sur le support en ligne. [La défenderesse] a réalisé un travail conséquent pour élaborer ces textes afin de tenir compte des exigences imposées par les réglementations générales et spécifiques aux produits cosmétiques […] et des tests réalisés préalablement à la mise sur le marché des produits […]. Le choix de chaque mot résulte d’un travail intellectuel important, les allégations [devant] être en tous points conformes aux tests scientifiques réalisés avant la mise sur le marché’ ».
Il considère que « la simple lecture du texte permet de constater une création intellectuelle de son auteur » dès lors que « les textes reproduits sur le site de [la défenderesse] décrivent le produit ainsi que ses résultats d’une manière précise, propre et originale ».
L’arrêt examine ainsi le caractère original des textes, non en se fondant exclusivement sur les contraintes techniques imposées à l’auteur et le travail important fourni par ce dernier, mais sur la base des choix effectués dans la description du produit et de ses résultats reflétant la personnalité de l’auteur.
Le moyen, en chacun de ces rameaux, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Quant aux deux rameaux réunis :
L’obligation de motiver les jugements et arrêts est une règle de forme.
Le moyen, qui, en son premier rameau, fait grief à l’arrêt, d’une part, de répondre de façon lapidaire et abstraite aux conclusions de la demanderesse, d’autre part, de ne viser ni pièce ni élément concret de nature à établir l’originalité, est étranger à la violation de l’article 149 de la Constitution.
Pour le surplus, il ressort des énonciations reproduites dans la réponse à la première branche du moyen, en ses deux rameaux, que l’arrêt indique les choix libres et créatifs opérés par la défenderesse.
Et la violation prétendue de l’article VI.104 du Code de droit économique est tout entière déduite de celle vainement alléguée de l’article 149 de la Constitution.
Le moyen, en ces rameaux, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt énonce que la défenderesse « a mis en place un système de distribution sélective, ce qui implique que les dépositaires sont tenus de répondre à une série de critères objectifs déterminés par [celle-ci] pour être agréés », et que « ces critères de sélection portent notamment sur la compétence professionnelle du distributeur (qualification professionnelle, capacité de fournir un conseil personnalisé haut de gamme) et la qualité du point de vente (localisation, qualité de l’environnement, qualité de l’installation) ».
Il rappelle que « la distribution sélective purement qualitative ne relève pas de l’article 101, paragraphe 1er, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, car elle ne produit pas d’effets préjudiciables à la concurrence, pour autant que trois conditions soient remplies, [à savoir que] le choix des distributeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les distributeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ; [que] les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un tel réseau de distribution et enfin, [que] les critères définis [n’aillent] pas au-delà de ce qui est nécessaire » et que, selon la jurisprudence européenne, « la mise en place de réseaux de distribution sélective pour la distribution de produits […] de luxe […] remplit les critères […] et ne relève pas de l’article 101, paragraphe 1er, du traité ».
L’arrêt considère que « les produits Sisley doivent, eu égard à leurs caractéristiques, leur nature et leur prix, être considérés comme des produits de luxe » et que « cette image de luxe justifi[e] le réseau de distribution sélective de [la défenderesse] ».
Il relève qu’en vertu des « ‘conditions générales d’agrément de site de vente par internet’, lesquelles ne s’appliquent qu’aux dépositaires déjà agréés par [la défenderesse] souhaitant compléter le service à leur clientèle par la vente de produits [de la défenderesse] sur leur site internet, il est exigé que le dépositaire soit agréé depuis au moins un an et dispose d’au moins trois points de vente physiques agréés pour la vente de produits [de la défenderesse] » et que les « ‘conditions générales de vente pour l’exploitation d’un point de vente physique’ […] reprennent comme conditions d’agrément : les compétences professionnelles du dépositaire agréé, de diplôme ou d’expérience professionnelle équivalente de plus de trois ans dans le commerce de détail des produits cosmétiques ; le point de vente doit disposer de vendeuses qualifiées, formées à la vente en parfumerie et à l’esthétique et en nombre suffisant ; en ce qui concerne les points de vente, celui-ci sera une parfumerie de haut standing, [ou] un rayon spécialisé de parfumerie et de cosmétique dans un grand magasin ». Il considère que « l’unique point de vente de [la demanderesse] ne rencontre pas ces critères en ce qui concerne les qualités requises pour un point de vente physique ».
Il considère que « ces conditions d’agréation rencontrent les critères » de la jurisprudence européenne dès lors que « le choix des distributeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les distributeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire », que « les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un tel réseau de distribution et [qu’] enfin, les critères définis ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire ».
Il ajoute qu’« en raison de la nature et du caractère haut de gamme des produits [de la défenderesse] et de la nécessité d’assurer un réseau de distribution de qualité pour en préserver le bon usage, les exigences posées n’apparaiss[ent] pas excessives eu égard à cette finalité ».
Il en déduit que « le réseau de distribution de [la défenderesse] ne relève […] pas de l’article 101, paragraphe 1er, du traité ».
Il ressort de ces énonciations que l’arrêt vérifie si les critères imposés par la défenderesse sont objectifs, proportionnés et nécessaires.
Le moyen, qui procède d’une lecture inexacte de l’arrêt, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Il ressort des énonciations reproduites dans la réponse à la première branche du moyen que l’arrêt relève que, dans le système de distribution sélective de la défenderesse, la vente par internet n’est autorisée qu’à un dépositaire agréé et considère, sur la base de l’analyse des « conditions générales de vente pour l’exploitation d’un point de vente physique », que les conditions d’agrément tenant aux « compétences professionnelles du dépositaire agréé », à la présence de « vendeuses qualifiées » et à « la qualité de l’environnement » du point de vente, n’apparaissent « pas excessives […] en raison de la nature et du caractère haut de gamme des produits [de la défenderesse] et de la nécessité d’assurer un réseau de distribution de qualité pour en préserver le bon usage », et que « l’unique point de vente de [la demanderesse] ne rencontre pas ces critères en ce qui concerne les qualités requises pour un point de vente physique ».
L’arrêt, qui considère ainsi que le refus de contracter de la défenderesse était justifié dès lors que la demanderesse ne réunissait en toute hypothèse pas les critères de qualité d’un point de vente physique, n’était pas tenu de répondre aux conclusions de la demanderesse qui soutenait que les exigences portant sur la durée minimum d’agrément d’un point de vente physique et leur nombre était contraire au droit de la concurrence, que sa décision privait de pertinence.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.20.0462.F :
Sur les deuxième et troisième moyens :
1. Aux termes de l’article 5, paragraphe 1er, a), de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, la marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif ; le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.
L’article 7 de ladite directive dispose, en son paragraphe 1er, que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement et, en son paragraphe 2, que le paragraphe 1er n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce.
Les articles 2.20, § 1er, a), et 2.23, § 3, de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005, applicables au litige, transposent les dispositions précitées.
Dans l’arrêt C-337/95 rendu le 4 novembre 1997, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que « l’article 7 de la directive réglemente de manière complète la question de l’épuisement du droit de marque en ce qui concerne les produits mis dans le commerce dans la Communauté », que « l’emploi du terme ‘notamment’ […] démontre que l’hypothèse relative à la modification ou à l’altération de l’état des produits revêtus de la marque n’est donnée qu’à titre d’exemple de ce qui peut constituer des motifs légitimes » et que cette exception « vise à concilier les intérêts fondamentaux de la protection des droits de marque et ceux de la libre circulation des marchandises dans le marché commun ».
Elle considère que « l’atteinte portée à la renommée de la marque peut, en principe, être un motif légitime » car, ainsi qu’elle l’a déjà décidé à propos du reconditionnement des produits de marque, « le titulaire d’une marque a un intérêt légitime, se rattachant à l’objet spécifique du droit de marque, à pouvoir s’opposer à la commercialisation de ces produits si la présentation des produits reconditionnés est susceptible de nuire à la réputation de la marque ».
Elle en déduit, s’agissant de la publicité portant sur « des produits de luxe et de prestige, [que] le revendeur ne doit pas agir d’une façon déloyale à l’égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque [et] doit donc s’efforcer d’éviter que sa publicité n’affecte la valeur de la marque en portant préjudice à l’allure et à l’image de prestige des produits en cause ainsi qu’à la sensation de luxe qui émane de ceux-ci ».
La Cour de justice considère ensuite, dans l’arrêt C-63/97 rendu le 23 février 1999, que peut aussi « constituer un motif légitime, […] le fait que la marque est utilisée dans la publicité du revendeur d’une manière telle qu’elle peut donner l’impression qu’il existe un lien commercial entre le revendeur et le titulaire de la marque, et notamment que l’entreprise du revendeur appartient au réseau de distribution du titulaire de la marque ou qu’il existe une relation spéciale entre les deux entreprises » car une telle publicité « viole l’obligation d’agir de façon loyale à l’égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque et affecte la valeur de la marque en tirant indûment profit de son caractère distinctif ou de sa renommée » et « est ainsi contraire à l’objet spécifique du droit de marque ».
Il s’ensuit, sans aucun doute raisonnable, que les motifs légitimes visent à protéger l’objet spécifique du droit de marque et que seul un comportement déloyal portant atteinte à cet objet fait échec à l’épuisement du droit du titulaire de la marque.
Ni l’adoption par un tiers revendeur de pratiques commerciales réputées trompeuses à l’égard des consommateurs ni l’existence d’un comportement contraire aux pratiques honnêtes du marché portant atteinte aux intérêts professionnels du titulaire de la marque, sans affecter son droit de marque, ne constituent un tel motif légitime.
2. En vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2008/95/CE précitée, le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette marque à l’encontre d’un licencié qui enfreint l’une des clauses du contrat de licence en ce qui concerne sa durée, la forme couverte par l’enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié.
Dans l’arrêt C-59/08 rendu le 23 avril 2009, la Cour de justice de l’Union européenne relève que « ladite liste présente bien un caractère exhaustif » et que « seule la violation de la part du licencié de l’une desdites clauses fait obstacle à l’épuisement du droit conféré par la marque à son titulaire », celui-ci ne pouvant « invoquer la mauvaise exécution du contrat afin de se prévaloir, à l’égard du licencié, des droits que la marque lui confère ».
Elle considère que, « s’agissant des clauses d’un contrat de licence concernant ‘la qualité des produits fabriqués […] par le licencié’ », « la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine d’un produit ou d’un service désigné par la marque » et que, pour des produits de prestige, « une atteinte à [la] sensation de luxe est susceptible d’affecter la qualité même de ces produits » en sorte que « le titulaire de la marque peut invoquer les droits conférés par cette dernière à l’encontre d’un licencié qui enfreint une clause du contrat de licence interdisant, pour des raisons de prestige de la marque, la vente à des soldeurs de produits […], pour autant qu’il soit établi que cette violation, en raison des circonstances propres à l’affaire […], porte atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent auxdits produits une sensation de luxe ». Elle considère de même que le titulaire de la marque « ne peut invoquer une telle clause pour s’opposer à une revente de ces produits sur le fondement de [motifs légitimes] que dans le cas où il est établi, compte tenu des circonstances propres à l’espèce, qu’une telle revente porte atteinte à la renommée de la marque ».
Il s’ensuit, sans aucun doute raisonnable, que l’acte contraire aux pratiques honnêtes du marché par lequel un tiers revendeur participe consciemment à la violation par le dépositaire agréé de l’interdiction de vendre le produit à un tiers non agréé ne constitue pas, en règle, un motif légitime faisant exception à l’épuisement des droits du titulaire de la marque.
Les moyens, qui reposent sur le soutènement que la violation de toute disposition légale imposant une obligation de loyauté à l’égard du titulaire de la marque constitue un motif légitime, manquent en droit.
Et la violation prétendue des articles V.94, 1°, VI.95, VI.97, 6°, et VI.104 du Code de droit économique ainsi que des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil est tout entière déduite de la violation vainement alléguée des articles 2.20, § 1er, et 2.23, § 3, de la Convention Benelux précitée.
Dans cette mesure, les moyens sont irrecevables.
Sur le premier moyen :
L’arrêt énonce que la demanderesse « a mis en place un système de distribution sélective », lequel est justifié par l’« image de luxe » des produits Sisley, en sorte qu’« il est interdit aux dépositaires agréés de revendre des produits Sisley à des revendeurs non agréés » et qu’« il ne fait pas de doute que [la défenderesse] s’approvisionne auprès de revendeurs agréés ».
Il relève que « les droits exclusifs du titulaire de la marque ne sont […] pas épuisés lorsque celui-ci dispose de motifs légitimes justifiant une opposition à la commercialisation ultérieure », tels que « la modification et l’altération des produits », « l’atteinte portée à la renommée de la marque » ou encore « le fait de susciter […] l’impression qu’il existe un lien économique entre le revendeur et le titulaire de la marque ».
Il considère, sur la base de « l’examen comparatif des différents sites commercialisant les produits Sisley », que « la vente des articles Sisley sur le site de [la défenderesse] n’affecte ni leur qualité et leur bon usage ni ne porte atteinte à la sensation de luxe qui émane des produits Sisley » et que « la manière dont [la défenderesse] assure la vente en ligne est similaire à celle des sites agréés par [la demanderesse] ou du site de [la demanderesse elle-]même » en sorte que « les conditions de l’épuisement du droit exclusif du titulaire de la marque se trouvent réunies ».
L’arrêt, qui considère ainsi que la vente par la défenderesse des produits Sisley ne porte pas atteinte à l’image de prestige de ces produits, n’était pas tenu de répondre aux conclusions de la demanderesse qui invoquait l’absence de consentement à la mise sur le marché des produits en raison de la clause contractuelle interdisant au dépositaire agréé, pour des raisons de prestige de la marque, de revendre à un tiers non agréé, que sa décision privait de pertinence.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.20.0433.F et C.20.0462.F ;
Rejette les pourvois ;
Condamne chacune des demanderesses aux dépens de son pourvoi.
Les dépens taxés, dans la cause C.20.0433.F, à la somme de mille septante-huit euros vingt-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle et, dans la cause C.20.0462.F, à la somme de cinq cent vingt-huit euros septante-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du trois décembre deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.