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06/10/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0713.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 octobre 2021, P.21.0713.F


N° P.21.0713.F
I. et II. M.L., J., F., G.,
prévenu,
demandeur en cassation.
ayant pour conseils Maîtres Marc Léon Levaux, avocat au barreau de Bruxelles, et Orly Rezlan, avocat au barreau de Paris,
les pourvois contre
1. T. C.,
2. S. M.,
3. S. E.,
4. N. P.,
5. N. J.,
6. N.M.,
7. Z. S.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le premier pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle, et le second pourvoi est dirigé contr

e le même arrêt, ainsi que contre celui rendu le 20 avril 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correct...

N° P.21.0713.F
I. et II. M.L., J., F., G.,
prévenu,
demandeur en cassation.
ayant pour conseils Maîtres Marc Léon Levaux, avocat au barreau de Bruxelles, et Orly Rezlan, avocat au barreau de Paris,
les pourvois contre
1. T. C.,
2. S. M.,
3. S. E.,
4. N. P.,
5. N. J.,
6. N.M.,
7. Z. S.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le premier pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 décembre 2020 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle, et le second pourvoi est dirigé contre le même arrêt, ainsi que contre celui rendu le 20 avril 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir plusieurs moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe le 31 août 2021.
A l’audience du 22 septembre 2021, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi formé le 21 avril 2021 :
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
B. Sur le pourvoi formé le 27 avril 2021 :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 20 avril 2021, qui statue sur l’opposition formée par le demandeur :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur reproche à l’arrêt de ne pas contenir de motivation adéquate en réponse au moyen qu’il avait soulevé devant la cour d’appel et qui invoquait la discrimination existant, selon lui, entre, d’une part, le magistrat au tribunal de première instance qui est poursuivi du chef d’une infraction commise en-dehors de l’exercice de ses fonctions et qui ne bénéficie pas du double degré de juridiction et, d’autre part, celui qui, appartenant à la même juridiction, est poursuivi en qualité de coauteur d’un membre de la cour d’appel et auquel le droit à un double degré de juridiction serait applicable. À la différence de ce dernier, le demandeur fait valoir qu’après avoir vu son opposition déclarée non avenue, il n’est pas en mesure d’exercer un recours devant un juge d’appel.
L’obligation faite au juge de répondre aux conclusions des parties est une règle de forme, étrangère à la valeur de la réponse.
À cet égard, le moyen manque en droit.
En tant qu’il critique la qualité légistique des articles 479 à 482bis du Code d’instruction criminelle, notamment au point de vue de leur cohérence et de leur réalisme, le moyen, qui n’est pas dirigé contre la décision attaquée, est irrecevable.
Et la question que le demandeur suggère à la Cour de poser à la Cour constitutionnelle, en tant qu’elle est déduite d’un prétendu défaut de cohérence et de réalisme de la loi, n’est pas préjudicielle.
Le moyen est également irrecevable dans la mesure où il ne critique pas l’arrêt, mais l’article 187, § 6, 1°, du Code d’instruction criminelle, en ce que cette disposition est applicable à l’opposition contre la décision rendue par défaut à la suite de poursuites sur la base de l’article 479 du même code.
Contrairement à ce qu’énonce le moyen, aucune différence n’existe entre la situation dans laquelle se trouve le demandeur et le régime applicable aux poursuites contre un juge et un membre d’une cour d’appel, lorsque ceux-ci sont prévenus d'avoir commis, hors de leurs fonctions, un délit ou un crime correctionnalisé.
Le moyen, dans cette mesure, manque en droit et la demande de poser une question préjudicielle reposant sur une affirmation inexacte, il n’y a pas lieu d’interroger la Cour constitutionnelle.
Quant à la deuxième branche :
Selon le moyen, la cour d’appel n’a pu décider qu’elle était compétente pour statuer en premier et dernier ressort, privant ainsi le demandeur du droit à un double degré de juridiction au mépris de la règle qu’imposent plusieurs instruments internationaux directement applicables en Belgique et de la prohibition de la discrimination entre deux catégories de justiciables placés dans une situation comparable.
Lors du dépôt, le 21 avril 1983, de l'instrument de ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Belgique a fait la réserve que l’article 14.5 du Pacte ne s'appliquera pas aux personnes qui, en vertu de la loi belge, sont directement déférées à une juridiction supérieure telle que la cour d’appel.
Tel est le cas lorsque, conformément aux articles 479 et suivants du Code d’instruction criminelle, les magistrats y visés, prévenus d’avoir commis un délit ou un crime correctionnalisé hors de l’exercice de leurs fonctions, sont directement jugés par la cour d’appel.
Par ailleurs, aucune disposition ou principe général du droit, notamment visés au moyen, n’interdit au gouvernement d’assortir la ratification d’un traité de pareille réserve.
Dans la mesure où il invoque l’article 14.5 précité, le moyen manque en droit.
L’article 2.1 du Septième protocole à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit le droit de toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit et les motifs pour lesquels il peut être exercé sont régis par la loi.
Il ressort du rapport explicatif de cette disposition, ainsi que de son interprétation par la Cour européenne des droits de l’homme, qu’il est satisfait à cette exigence lorsque la loi permet au prévenu de ne soumettre au contrôle d’une juridiction supérieure que des questions de droit, à l’instar de celles que le pourvoi défère à la Cour de cassation.
Aucune des autres dispositions visées au moyen et, notamment, celles contenues dans la Convention, ne mène à une conclusion différente.
En tant qu’il revient à soutenir que le droit à un double degré de juridiction garanti par l’article 2 précité exige la possibilité de soumettre à un juge d’appel l’ensemble des questions de droit et de fait dont le premier juge avait lui-même été saisi, le moyen manque également en droit.
Quant à la troisième branche :
Le demandeur reproche d’abord à la cour d’appel de n’avoir pas répondu au moyen qu’il invoquait, selon lequel, si elle est appliquée au titulaire du privilège de juridiction, la sanction procédurale que prévoit l’article 187, § 6, 1°, du Code d’instruction criminelle le prive de la possibilité de se défendre en personne, dès lors qu’il ne peut ensuite interjeter appel, de sorte que le recours prévu au paragraphe 9 de cette disposition lui est interdit. Il fait également grief à la cour d’appel de ne pas avoir interrogé à ce sujet la Cour constitutionnelle.
D’une part, l’obligation faite au juge de répondre aux conclusions des parties est une règle de forme étrangère à la valeur de la réponse.
Une réponse inadéquate ne constitue dès lors pas un défaut de motivation.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
D’autre part, le droit de comparaître personnellement n’est pas absolu. Il doit être mis en balance avec l’intérêt de la société au jugement effectif des infractions et celui, particulier, des victimes à ce qu’il y soit statué dans un délai raisonnable. Lorsqu’il envisage d’appliquer l’article 187, § 6, 1°, précité, le juge peut prendre en considération le comportement du prévenu et la circonstance qu’il a multiplié les manœuvres afin de retarder le cours de la procédure ou qu’il a manifesté son intention de se soustraire à la justice.
À la page 21 de l’arrêt, la cour d’appel a d’abord énoncé les motifs, prenant appui sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle, pour lesquels elle a estimé qu’aucune disposition, notamment de la Convention, ne s’opposait à l’application de l’article 187, § 6, 1°, du Code d’instruction criminelle dans la mesure où cette sanction du prévenu défaillant ne frappait pas celui qui n’a ni renoncé à se défendre et à comparaître ni eu l’intention de se soustraire à la justice. La cour d’appel a ensuite énuméré les éléments de fait dont elle a déduit que le demandeur, qui n’avait pas étayé sinon par des certificats médicaux dépourvus de tout caractère probant, ses allégations relatives à sa prétendue impossibilité de comparaître pour motifs médicaux, n’avait eu de cesse de faire obstacle au cours de la justice, de sorte que son défaut, intervenu après un refus de lui accorder une nouvelle remise, attestait en réalité sa volonté de se soustraire à la justice et de renoncer à se défendre. Enfin, aux pages 34 et 35 de l’arrêt, elle a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’interroger la Cour constitutionnelle au sujet de la compatibilité de l’article 187, § 6, 1°, précité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lorsque cette disposition est appliquée à un magistrat poursuivi en application des articles 479 et suivants du Code d’instruction criminelle, dès lors que cette juridiction s’était déjà prononcée à propos de la constitutionnalité de ces différentes dispositions dudit code et les avait toutes jugées conformes à la Constitution.
Ainsi, l’arrêt répond aux conclusions du demandeur, motive régulièrement et justifie légalement la décision que l’article 187, § 6, 1°, précité pouvait être appliqué au demandeur, que l’opposition était non avenue et qu’il n’y avait pas lieu d’interroger, à titre préjudiciel, la Cour constitutionnelle.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Enfin, le demandeur se plaint de la différence de traitement existant, selon lui, entre les juges poursuivis devant la cour d’appel du chef d’un crime correctionnalisé commis hors de l’exercice de leurs fonctions, et les justiciables, y compris ces magistrats, qui sont accusés d’un tel crime lequel, n’ayant pas été correctionnalisé, est passible de la cour d’assises, ces derniers, en cas de jugement par défaut, étant, en vertu de l’article 356, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle, toujours admis à former opposition, alors que l’article 187, § 6, 1°, du même code subordonne l’admissibilité d’un tel recours pour les premiers à la condition qu’ils aient pu faire valoir avec vraisemblance soit une excuse légitime soit un cas de force majeure. Subsidiairement, il invite la Cour à interroger, à titre préjudiciel, la Cour constitutionnelle quant à cette différence de traitement.
Dans la mesure où il revient à réitérer le grief dirigé contre les articles 479 à 482bis du Code d’instruction criminelle, en raison de leur prétendue déficience qualitative, grief vainement invoqué à la première branche, le moyen est irrecevable.
D’une part, l’article 14 de la Convention n’a pas d’existence indépendante. Cette disposition ne peut donc être invoquée qu’à propos de la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention et ses protocoles additionnels dans la mesure de leur ratification.
Il résulte de la réponse ci-avant au moyen, relative à la portée de l’article 2 du Septième protocole à la Convention et aux autres dispositions de la Convention, que le droit à un double degré de juridiction ne comprend pas celui de soumettre à un juge d’appel l’ensemble des questions dont fut saisi le premier juge.
À cet égard, le moyen manque en droit.
D’autre part, si le demandeur propose de poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle portant sur la conformité aux articles 10 et 11 de la Constitution de l’article 187, § 6, 1°, du Code d’instruction criminelle lorsqu’il est mis en œuvre dans le cadre de poursuites sur la base des articles 479 et suivants du même code, dans la mesure où la combinaison de ces dernières dispositions permet à la cour d’appel de priver les justiciables auxquels elles s’appliquent du droit de se défendre en personne sur opposition, le moyen énonce que « la loi que constituent les articles 479 à 482bis du Code d’instruction criminelle est défectueuse du point de vue des exigences de la légistique formelle : elle manque de précision et cette carence a été comblée par une création jurisprudentielle qui permet la correctionnalisation ».
Ainsi, le moyen ne permet pas de discerner s’il tient la sanction procédurale appliquée à l’opposition du demandeur pour contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution parce que la loi est défectueuse ou s’il accuse de ce chef l’arrêt d’illégalité.
Imprécis, le moyen est, à cet égard, irrecevable.
Et la question préjudicielle proposée par le demandeur ne doit pas être posée à la Cour constitutionnelle.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 6 de la Convention. Il fait grief à la législation relative à la prise à partie des magistrats de ne pas prévoir que le juge visé par une telle procédure doit s’abstenir de siéger en la cause, alors qu’il est susceptible de devenir créancier de dommages et intérêts à l’égard du justiciable demandeur ou, à tout le moins, d’avoir un intérêt personnel opposé à celui de ce dernier.
En tant qu’il est étranger à l’arrêt attaqué, le moyen est irrecevable.
Et dans la mesure où il attribue aux magistrats ayant jugé le dossier un ressentiment en raison de la procédure dont ils ont été l’objet sur l’initiative du demandeur, le moyen, qui repose sur une hypothèse, est également irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Pris de la violation de l’article 6 de la Convention, le moyen reproche à la cour d’appel d’avoir rejeté la cause d’excuse invoquée à l’appui de l’opposition du demandeur, en ayant égard à des éléments étrangers aux circonstances de fait invoquées pour justifier cette excuse. Il lui reproche en outre de ne pas avoir examiné ces circonstances de fait, relatives à la situation médicale du demandeur.
Ni l’article 6 de la Convention ni aucune autre disposition n’interdit au juge de refuser de donner crédit à l’excuse invoquée par le prévenu à l’appui de son opposition, en ayant égard à d’autres éléments du dossier que ceux qu’il a invoqués.
À cet égard, le moyen manque en droit.
À la page 22, l’arrêt rejette, comme non probants, les éléments invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de voir l’opposition déclarée avenue. Il estime ainsi que le certificat médical produit, après un refus de la cour d’appel d’accorder la remise que le demandeur sollicitait, avait été établi pour les besoins de la cause pour forcer le report de l’examen du dossier. Il ajoute qu’un autre document rédigé ensuite par le même médecin n’est pas davantage crédible et qu’aucun élément de nature à donner du crédit aux allégations du demandeur n’a été produit.
Dans cette mesure, procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, le moyen critique l’appréciation souveraine, par la cour d’appel, des éléments allégués à l’appui de l’excuse invoquée par le demandeur pour justifier son absence dans la procédure dans laquelle il a fait défaut.
À cet égard, le moyen est irrecevable.
Sur le quatrième moyen :
Pris de la violation de l’article 6 de la Convention, le moyen reproche à la cour d’appel d’avoir, dès l’audience de plaidoiries du 30 mars 2021, préjugé contre le demandeur de la décision à rendre quant au caractère avenu de l’opposition. Il prétend trouver la preuve de cette partialité dans la circonstance que les débats, qui auraient dû aborder plusieurs aspects, notamment de fond, ont été limités à la question de ce caractère avenu.
La circonstance qu’usant de son pouvoir de limiter les débats à un aspect de procédure, dont la solution est préalable aux autres questions à débattre, le juge du fond invite les parties à d’abord s’exprimer à ce sujet, ne saurait suffire à constituer la preuve de la partialité de ce magistrat.
Le moyen ne peut être accueilli.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 4 décembre 2020, qui statue sur l’action publique dirigée contre le demandeur :
Sur le cinquième moyen :
Le demandeur réitère les griefs, vainement invoqués à l’appui du premier moyen, à l’encontre des articles 479 à 482bis du Code d’instruction criminelle.
Partant, dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Pour le surplus, en tant qu’il revient à critiquer la décision qui a saisi la cour d’appel des poursuites relatives aux infractions reprochées au demandeur, alors que cette décision n’est pas l’objet du pourvoi, le moyen, qui postule l’application de la procédure pénale de droit commun, est également irrecevable.
Sur le sixième moyen :
En tant qu’il postule « l’annulation des actes de poursuite, d’instruction et de jugement ayant abouti à l’arrêt attaqué », le moyen, d’une part, prétend attribuer à la Cour de cassation la compétence, qui appartient à un autre juge, de statuer sur la légalité de l’instruction et, d’autre part, est dirigé contre la décision, non visée par le pourvoi, qui a statué, respectivement, sur cette légalité en application de l’article 235bis du Code d’instruction criminelle et sur le règlement de la procédure.
Partant, dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
En outre, en tant qu’il entend déduire l’illégalité de l’arrêt attaqué de la prétendue irrégularité des actes précités, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le septième moyen :
Réitérant le grief, vainement invoqué à l’appui du deuxième moyen, le moyen est irrecevable.
Sur le huitième moyen :
Le demandeur reproche à la cour d’appel d’avoir statué sur les préventions d’extorsion, de faux en écritures et d’usage de ce faux, alors que l’arrêt ne précise pas où ces faits ont été commis. Ceux-ci étant susceptibles d’avoir été perpétrés en France, la cour d’appel ne pouvait, sans violer l’article 7 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, se déclarer compétente pour en connaître, sans les rattacher d’abord au for dont elle relève.
À la page 4, l’arrêt précise que la prévention d’extorsion dont la cour d’appel est saisie en cause du demandeur concerne des faits commis dans l’arrondissement de Namur et ailleurs en Belgique et en France.
Ensuite, s’agissant de la prévention d’avoir commis un faux le 21 décembre 2013 et d’en avoir fait usage, l’arrêt ajoute, à la page 5, que ces faits ont été commis en vue d’accroître la pression sur les deux victimes de l’extorsion, tandis que le faux même constitue l’un des actes dont la signature a été extorquée par le demandeur et une coprévenue à l’une de ces victimes. À la page 24, il ajoute que l’extorsion et le faux ont été commis dans un même contexte, le faux ayant pour finalité de faire croire aux victimes qu’une seconde personne les accusait d’un attentat à la pudeur et exigeait, elle aussi, le paiement d’une somme d’argent en réparation du dommage causé, de manière, sous cette menace, à accroître la pression exercée.
Enfin, à la page 15 de l’arrêt, la cour d’appel a énoncé que l’écrit du 21 décembre 2013 porte faussement la signature de cette seconde personne, soit Y. L., y apposée par la coprévenue C. après qu’elle eût réalisé des essais d’écritures, des documents portant de semblables traces ayant été saisis en perquisition au domicile du demandeur à Dinant.
Contrairement à ce que le moyen soutient, l’arrêt comporte ainsi les indications permettant au demandeur de comprendre les raisons pour lesquelles, selon la cour d’appel et en l’absence de contestation portant sur sa compétence ratione loci, celle-ci a pu connaître des faits de ces préventions, au motif qu’ils avaient, à tout le moins pour partie de leurs éléments constitutifs matériels, été commis en Belgique.
Le moyen manque en fait.
Sur le neuvième moyen :
Le demandeur reproche à l’arrêt d’être entaché de nullité dès lors qu’il a été rendu à la suite d’actes d’instruction eux-mêmes irréguliers, pour avoir été accomplis ensuite d’un réquisitoire ayant prétendu faire saisir un conseiller instructeur, conformément à l’article 480 du Code d’instruction criminelle, soit un acte nul parce qu’il ne contenait aucun élément dénonçant un crime.
Entièrement déduit de la critique de l’appréciation de la qualification des faits par le procureur général, au moment de l’établissement du réquisitoire précité, le moyen requiert un examen de ces éléments de fait, lequel échappe au pouvoir de la Cour.
Partant, il est irrecevable.
Sur le dixième moyen :
Le moyen fait grief à l’arrêt de ne contenir aucune motivation à propos des éléments matériels établissant la participation du demandeur aux faits d’extorsion et de faux en écritures et d’usage de ce faux.
Aux termes des motifs rappelés en réponse au huitième moyen, l’arrêt expose les circonstances dont il est résulté le constat de la réunion des éléments constitutifs de ces deux infractions, les preuves de la falsification d’une signature apposée sur un document utilisé en vue de commettre l’extorsion ayant notamment été trouvées au domicile du demandeur.
Ensuite, aux pages 26 à 30 de l’arrêt, la cour d’appel a énoncé les éléments qui ont emporté sa conviction que le demandeur avait participé aux faits de ces préventions, dans les conditions que la loi punit. Ainsi, elle a exposé, respectivement, en quoi le protocole d’accord du 21 décembre 2013, soit un écrit que la loi protège, contenait une altération de la vérité, tenant à la prétendue intervention d’une tierce personne, supposée revendiquer, avec une coprévenue, une indemnisation au préjudice des victimes de l’extorsion, extorsion dont le faux a constitué l’instrument, par la menace qu’il renforçait en augmentant la pression sur les victimes. L’arrêt précise encore que la coprévenue, excipant de ses relations avec des magistrats et des journalistes, avait réclamé le paiement d’une somme de cinq cent mille euros ou de huit cent mille euros, dans une conversation qui fut enregistrée. La cour ajoute que le demandeur, utilisant son propre téléphone et se faisant passer pour l’avocat de cette coprévenue, lors de l’entretien précité entre elle et les victimes, avait ainsi donné du crédit aux menaces proférées. L’arrêt relève enfin, d’une part, que c’est en proie à la crainte d’une campagne de presse diffamatoire et d’un scandale, crainte suscitée par les menaces exercées conjointement par la coprévenue et le demandeur, que l’une des victimes, âgée et fragile, a fini par accepter de payer et, d’autre part, que la coprévenue a décrit le rôle du demandeur dans l’élaboration d’une mise en scène destinée à faire pression sur cette victime, tandis que c’est à lui que les fonds ont finalement été remis, après prélèvement des honoraires d’un avocat dont il avait recommandé l’intervention.
Ainsi, l’arrêt est régulièrement motivé.
Le moyen manque en fait.
Sur le onzième moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen reproche à l’arrêt de décider que le demandeur est coupable du blanchiment des fonds provenant de détournements commis par son père, alors que cette décision ne contient aucun motif permettant de considérer que le demandeur avait connaissance de l’origine illicite de ces avoirs, sinon sur le fondement d’une présomption, en raison de la proximité entre ses parents et lui.
Mais l’arrêt ne se borne pas à trouver la preuve de la connaissance, par le demandeur, de l’origine délictueuse des avoirs qu’il a reçus et gérés, dans la proximité qui a existé entre ses parents et lui.
De cette considération, la cour d’appel a seulement déduit que le demandeur ne pouvait avoir ignoré la discordance entre la situation patrimoniale de ses parents et les avoirs qu’ils avaient mis à sa disposition. L’arrêt énonce ensuite que le 21 décembre 2011, le demandeur a présenté à l’encaissement un titre frappé d’opposition et provenant de la succession d’un ancien client de son père avant, à la fin de l’année 2013, d’en présenter sept autres à la banque, tandis que six furent encore saisis chez lui, tous ayant appartenu à la même personne, la cour rejetant, sur la base des déclarations d’un témoin, les explications du demandeur quant à un don manuel qu’il avait invoqué pour justifier la possession de ces avoirs. L’arrêt relève encore que, de 2007 à 2013, le demandeur et son père ont encaissé le prix de la vente de titres pour un total de 2.970.762,88 euros, dont 1.621.537,48 n’ont pas été remboursés aux propriétaires, qu’en 2011 et 2012, plus de nonante pour cent de ces sommes ont été versées sur le compte bancaire du demandeur, dont les dépenses étaient largement supérieures à ses moyens, que son père et une parente avaient remboursé des dépenses personnelles du demandeur pour 662.144,15 euros et lui avaient versé 343.680,79 euros, que de 2009 à 2012, il avait encaissé sur son compte auprès de la banque Fintro des titres pour 477.720,86 euros et qu’il s’était rendu à dix-sept reprises en agence pour procéder auxdits encaissements, que 338.415,23 euros ainsi versés sur ce même compte et utilisés à des fins personnelles par le demandeur provenaient de la vente de titres appartenant à des clients de son père et que des constatations similaires ont été faites au sujet d’un autre compte du demandeur, ouvert auprès d’une autre banque, les fonds ayant à nouveau servi à rembourser ses dettes personnelles. Enfin, l’arrêt relève le témoignage de plusieurs personnes qui ont confirmé l’intervention conjointe du demandeur et de son père auprès de clients de ce dernier, notamment pour prendre possession de titres ensuite encaissés à l’intervention du premier. De ces considérations, la cour d’appel conclut qu’elles constituent autant de présomptions précises, graves et concordantes que le demandeur devait connaître l’origine illicite des avantages patrimoniaux qu’il a reçus et des titres qu’il a négociés.
Ainsi, le moyen, qui critique l’absence de motivation de l’arrêt au sujet de la connaissance qu’avait le demandeur de l’origine illicite des avoirs qu’il a reçus et gérés, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le moyen reproche à l’arrêt de décider que le demandeur est coupable du blanchiment en faisant état de motifs qui, au mépris de la présomption d’innocence, impliquent que feu ses parents sont coupables d’abus de confiance.
L’article 505, alinéa 1er, 2° et 3°, du Code pénal, punit respectivement ceux qui auront acheté, reçu en échange ou à titre gratuit, possédé, gardé ou géré des choses visées à l'article 42, 3°, de ce code alors qu'ils en connaissaient ou devaient en connaître l'origine au début de ces opérations, et ceux qui auront converti ou transféré de telles choses dans le but de dissimuler ou de déguiser leur origine illicite ou d'aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l'infraction d'où proviennent ces choses, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes.
Eu égard au caractère autonome du délit de blanchiment, l’article 505, alinéa 1er, 2° et 3°, du Code pénal n’exige pas que l’auteur des faits dont proviennent les choses visées à l’article 42, 3°, de ce code ait été déclaré coupable de ces infractions. La circonstance que cet auteur serait décédé avant d’avoir été jugé n’interdit pas au juge du fond de constater que les fonds concernés provenaient d’une infraction, de sorte que celui qui les a reçus ou gérés, tout en connaissant cette origine illicite, se rend coupable de blanchiment.
Ainsi, tenu de vérifier l’origine des biens reçus ou gérés, le juge du fond peut constater qu’il est établi au-delà de tout doute qu’ils proviennent d’une infraction, y compris si son auteur ne peut être identifié ou jugé. L’article 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, prohibe toute décision ou déclaration qui reflète le sentiment que telle personne décédée, accusée ou l’ayant été, est coupable, mais non celles qui se bornent à décrire un état de suspicion.
La cour d’appel, après avoir relevé les circonstances énoncées à la première branche, lesquelles lui ont permis d’exclure toute origine licite des avoirs objets des préventions de blanchiment et l’ont menée à la conclusion que le demandeur n’avait pu ignorer leur provenance, a ajouté qu’A. M. était nécessairement conscient du détournement d’une grande partie des avoirs qui lui avaient été confiés par ses clients et que les préventions de blanchiment dont l’objet consistait en ces titres, étaient établies dans le chef du demandeur.
Partant, sans méconnaître la présomption d’innocence de feu A.M., la cour d’appel a légalement justifié sa décision que ces préventions étaient établies parce que les avoirs reçus et gérés par le demandeur avaient une origine illicite, origine dont elle a par ailleurs estimé que ce dernier, ainsi qu’A.M., avaient connaissance.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de l’arrêt rendu le 4 décembre 2020, qui, sur l’action civile exercée contre le demandeur par les défendeurs, statue sur
a. le principe de la responsabilité :
Sur le douzième moyen :
Se bornant à réitérer les griefs, vainement allégués à l’appui du onzième moyen, le moyen est irrecevable.
b. l’étendue du dommage de C. T., M. S. et E. S. :
Le demandeur n’invoque aucun moyen spécifique.
c. l’étendue du dommage de P.N., J.N., M. N. et S. Z. :
L’arrêt alloue une indemnité provisionnelle aux défendeurs.
Pareille décision n’est pas définitive au sens de l’article 420, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, et est étrangère aux cas visés par le second alinéa de cet article.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement du pourvoi du 21 avril 2021 ;
Rejette le second pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cinq cent quatre-vingt-trois euros soixante-six centimes dont deux cent cinquante-trois euros soixante et un centimes dus et trois cent trente euros cinq centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du six octobre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.21.0713.F
Date de la décision : 06/10/2021
Type d'affaire : Autres - Droit constitutionnel - Droit pénal - Droit international public

Analyses

Lorsque la question que le demandeur suggère à la Cour de cassation de poser à la Cour constitutionnelle est déduite d'un prétendu défaut de cohérence et de réalisme de la loi, il n'y a pas lieu de poser cette question qui n'est pas préjudicielle (1). (1) Voir les concl. du MP.

QUESTION PREJUDICIELLE - Cour constitutionnelle - Caractère préjudiciel de la question - Défaut de cohérence et de réalisme de la loi - COUR CONSTITUTIONNELLE - Question préjudicielle - Notion - Défaut de cohérence et de réalisme de la loi [notice1]

Lors du dépôt, le 21 avril 1983, de l'instrument de ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Belgique a fait la réserve que l'article 14.5 du Pacte ne s'appliquera pas aux personnes qui, en vertu de la loi belge, sont directement déférées à une juridiction supérieure telle que la cour d'appel; tel est le cas lorsque, conformément aux articles 479 et suivants du Code d'instruction criminelle, les magistrats y visés, prévenus d'avoir commis un délit ou un crime correctionnalisé hors de l'exercice de leurs fonctions, sont directement jugés par la cour d'appel (1). (1) Voir les concl. du MP.

PRIVILEGE DE JURIDICTION - Magistrat - Droit à un double degré de juridiction - Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 14.5 - Réserve faite par la Belgique - Portée - DROITS DE L'HOMME - PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES - Article 14.5 - Droit à un double degré de juridiction - Réserve faite par la Belgique - Portée [notice3]

L'article 2.1 du Septième protocole à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit le droit de toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation; l'exercice de ce droit et les motifs pour lesquels il peut être exercé sont régis par la loi; il ressort du rapport explicatif de cette disposition, ainsi que de son interprétation par la Cour européenne des droits de l'homme, qu'il est satisfait à cette exigence lorsque la loi permet au prévenu de ne soumettre au contrôle d'une juridiction supérieure que des questions de droit, à l'instar de celles que le pourvoi défère à la Cour de cassation (1). (1) Voir les concl. du MP.

PRIVILEGE DE JURIDICTION - Magistrat - Droit à un double degré de juridiction - Septième protocole à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Article 2.1 - Droit de faire examiner la déclaration de culpabilité par une juridiction supérieure - Portée - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers - Septième Protocole - Article 2.1 - Droit de faire examiner la déclaration de culpabilité par une juridiction supérieure - Portée [notice5]

Le droit de comparaître personnellement n'est pas absolu, ce droit devant être mis en balance avec l'intérêt de la société au jugement effectif des infractions et celui, particulier, des victimes à ce qu'il y soit statué dans un délai raisonnable; lorsqu'il envisage d'appliquer l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle, le juge peut prendre en considération le comportement du prévenu et la circonstance qu'il a multiplié les manœuvres afin de retarder le cours de la procédure ou qu'il a manifesté son intention de se soustraire à la justice (1). (1) Voir les concl. du MP.

OPPOSITION - Matière répressive - Privilège de juridiction - Cour d'appel - Arrêt rendu par défaut - Droit de comparaître personnellement - Opposition non avenue - Excuse légitime justifiant le défaut - Critères d'appréciation - JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Privilège de juridiction - Cour d'appel - Arrêt rendu par défaut - Opposition - Droit de comparaître personnellement - Opposition non avenue - Excuse légitime justifiant le défaut - Critères d'appréciation - PRIVILEGE DE JURIDICTION - Cour d'appel - Arrêt rendu par défaut - Opposition - Droit de comparaître personnellement - Opposition non avenue - Excuse légitime justifiant le défaut - Critères d'appréciation - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice7]


Références :

[notice1]

Loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage - 06-01-1989 - Art. 26 - 30 / No pub 1989021001

[notice3]

Pacte international relatif aux droits civils et politiques - 19-12-1966 - Art. 14, § 5 - 31 / Lien DB Justel 19661219-31

[notice5]

Protocole n° 7 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales - 22-11-1984 - Art. 2.1 - 33 / Lien DB Justel 19841122-33

[notice7]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 187, § 6, 1° - 30 / No pub 1808111701


Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-06;p.21.0713.f ?

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