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01/10/2021 | BELGIQUE | N°F.19.0012.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 octobre 2021, F.19.0012.F


VILLE DE BRUXELLES, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, en l’hôtel de ville,
Grand-Place, 1,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Frédéric Van De Gejuchte, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, place de Jamblinne de Meux, 41, où il est fait élection de domicile,
contre
CLEAR CHANNEL BELGIUM, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Louise, 367,
défenderesse en cassation,
représentée par Ma

ître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxel...

VILLE DE BRUXELLES, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, en l’hôtel de ville,
Grand-Place, 1,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Frédéric Van De Gejuchte, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, place de Jamblinne de Meux, 41, où il est fait élection de domicile,
contre
CLEAR CHANNEL BELGIUM, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Louise, 367,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 4 septembre 2018 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
En vertu des articles 1er et 2 du règlement-taxe litigieux, la taxe frappe les dispositifs publicitaires dans l’espace public ou visibles depuis l’espace public, y compris les dispositifs de publicité temporaire.
Aux termes de l’article 3 de ce règlement, la taxe est due solidairement par l’exploitant du dispositif publicitaire, par le titulaire d’un droit réel sur le dispositif publicitaire ou, le cas échéant, sur l’immeuble qui le supporte, par l’installateur du dispositif publicitaire et par la personne physique ou morale qui bénéficie de la publicité.
L’article 9 de ce règlement exonère notamment de la taxe :
- les dispositifs publicitaires de la ville ou d’organismes créés par, ou subordonnés à la ville ;
- les dispositifs publicitaires destinés exclusivement à la publicité d’intérêt public, ainsi que celle pour des événements à caractère charitable ou philanthropique reconnus comme tels ;
- les dispositifs publicitaires destinés exclusivement à la publicité pour des événements organisés ou co-organisés par la ville ou par des organismes créés par ou subordonnés à la ville ;
- les dispositifs publicitaires destinés exclusivement à la publicité pour les établissements d’enseignement créés, subventionnés ou reconnus par les autorités compétentes et qui sont apposés sur les établissements concernés ou placés sur leur terrain.
Il suit de ces dispositions qu’à l’inverse des trois autres, la première exonération vise les dispositifs de la ville ou d’organismes créés par la ville ou subordonnés à celle-ci sans aucune restriction quant au contenu des publicités et à la personne qui les exploite.
Dans la mesure où il soutient que l’article 9, premier tiret, du règlement-taxe a pour seule portée de faire échapper à la taxe des objets ou faits taxables qui sont liés à l’activité de la demanderesse ou à celle des organismes qu’elle a créés ou qui lui sont subordonnés, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Pour le surplus, d’une part, le moyen, en cette branche, ne précise pas en quoi l’arrêt violerait l’article 149 de la Constitution.
D’autre part, la violation prétendue des autres dispositions légales visées au moyen, en cette branche, est tout entière déduite de celle, vainement alléguée, de l’article 9, premier tiret, du règlement-taxe.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la première branche :
La règle de l'égalité des Belges devant la loi, contenue dans l'article 10 de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges, inscrite dans l'article 11 de la Constitution, ainsi que celle de l'égalité devant l'impôt, exprimée dans l'article 172 de la Constitution, impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière mais n'excluent pas qu'une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable ; l'existence d'une telle justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise ou de l'impôt instauré ; le principe d'égalité est également violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
Si, par essence, les exonérations prévues par un règlement-taxe poursuivent un objectif distinct du but financier propre à toute taxe, en sorte que la justification de leur caractère non discriminatoire doit s’apprécier en fonction de cet objectif, et si celui-ci est révélé par la nature et les caractéristiques communes des faits ou actes exonérés, c’est à la condition que ces exonérations ne soient pas à ce point indissociables des autres dispositions du règlement que leur annulation commanderait celle du règlement en son intégralité.
L’arrêt constate qu’en vertu des articles 1er et 2 du règlement litigieux, la taxe frappe les dispositifs publicitaires dans l’espace public ou visibles depuis l’espace public, y compris les dispositifs de publicité temporaire, et qu’en vertu de l’article 3, la taxe est due solidairement par l’exploitant du dispositif publicitaire, par le titulaire d’un droit réel sur le dispositif publicitaire ou, le cas échéant, sur l’immeuble qui le supporte, par l’installateur du dispositif publicitaire et par la personne physique ou morale qui bénéficie de la publicité.
Il relève que l’article 9, premier tiret, de ce règlement exonère de la taxe les dispositifs publicitaires de la ville ou d’organismes créés par, ou subordonnés à la ville.
Après avoir rappelé qu’à la thèse de la demanderesse suivant laquelle « l’exonération de ses dispositifs publicitaires et de ceux des organismes qu’elle a créés ou qui lui sont subordonnés est justifiée par le fait qu’elle ne peut pas se taxer elle-même et que la taxe qu’elle établirait sur les dispositifs publicitaires des organismes qui lui sont liés ne produiraient pas de recettes fiscales dès lors que ces organismes dépendent budgétairement [d’elle] », la défenderesse oppose que « les dispositifs publicitaires de la [demanderesse] et des organismes qui lui sont liés sont exonérés de la taxe litigieuse, quel que soit le contenu des publications, y compris pour un contenu commercial, alors qu’elle est soumise à la taxe litigieuse pour l’exploitation de dispositifs publicitaires dans les mêmes conditions », l’arrêt énonce que l’exonération prévue à l’article 9, premier tiret, « exonère de la taxe les dispositifs publicitaires de la [demanderesse] et des organismes qui lui sont liés, sans que cette exonération soit soumise à la moindre condition ».
Il en déduit que « toute personne qui exploite les dispositifs publicitaires de la [demanderesse] et des organismes qui lui sont liés, ou qui bénéficie de la publicité, définie comme redevable de la taxe par l’article 3 du règlement, peut se prévaloir de l’exonération prévue par l’article 9, premier tiret, de ce règlement ».
Dès lors qu’il ressort de ces énonciations, vainement critiquées par la seconde branche du moyen, que le champ d’application du règlement-taxe vise tout dispositif publicitaire dans l’espace public ou visible depuis l’espace public et que, partant, en ce qu’il a trait sans restriction aux dispositifs publicitaires de la demanderesse et des organismes qui lui sont liés, l’article 9, premier tiret, est indissociable des autres dispositions du règlement, l’arrêt décide légalement, sans s’immiscer dans la gestion des finances communales, que le caractère objectif et raisonnable de la justification de l’exonération ainsi prévue doit s’apprécier au regard du but assigné à la taxe et que, partant, eu égard au seul « but financier » du règlement-taxe, la différence de traitement dénoncée est « contraire au principe constitutionnel d’égalité ».
Pour le surplus, le moyen ne précise pas en quoi l’arrêt violerait l’article 149 de la Constitution.
Et la violation prétendue de l’article 159 de la Constitution est tout entière déduite de l’illégalité, vainement alléguée, du règlement-taxe.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de deux cent cinquante-neuf euros trois centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du premier octobre deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : F.19.0012.F
Date de la décision : 01/10/2021
Type d'affaire : Droit fiscal - Droit constitutionnel

Analyses

Il suit des articles 1er, 2, 3 et 9 du règlement-taxe qu’à l’inverse des trois autres, la première exonération vise les dispositifs de la ville ou d’organismes créés par la ville ou subordonnés à celle-ci sans aucune restriction quant au contenu des publicités et à la personne qui les exploite.

TAXES COMMUNALES, PROVINCIALES ET LOCALES - TAXES COMMUNALES - Condition

Si, par essence, les exonérations prévues par un règlement-taxe poursuivent un objectif distinct du but financier propre à toute taxe, en sorte que la justification de leur caractère non discriminatoire doit s’apprécier en fonction de cet objectif, et si celui-ci est révélé par la nature et les caractéristiques communes des faits ou actes exonérés, c’est à la condition que ces exonérations ne soient pas à ce point indissociables des autres dispositions du règlement que leur annulation commanderait celle du règlement en son intégralité (1). (1) Cass. 31 janvier 2020, RG F.18.0054.F, Pas. 2020, n° 91.

CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 10 - Conséquences - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 11 - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 100 A FIN) - Article 172 [notice3]


Références :

[notice3]

La Constitution coordonnée 1994 - 17-02-1994 - Art. 10, 11 et 172 - 30 / No pub 1994021048


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, LEMAL MICHEL, GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-01;f.19.0012.f ?

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