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01/10/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0414.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 octobre 2021, C.20.0414.F


N° C.20.0414.F
R. R.,
demandeur en cassation,
admis au bénéfice de l’assistance judiciaire par ordonnance du premier président du 11 septembre 2020 (n° G.20.0157.F),
représenté par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de c

assation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il es...

N° C.20.0414.F
R. R.,
demandeur en cassation,
admis au bénéfice de l’assistance judiciaire par ordonnance du premier président du 11 septembre 2020 (n° G.20.0157.F),
représenté par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 5 mars 2020 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 15 septembre 2021, l’avocat général Thierry Werquin a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général Thierry Werquin a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 3, 5, 32, 41, 46 et 53 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955 ;
- articles 23 à 28 du Code judiciaire ;
- articles 1382 et 1383 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt attaqué dit l’appel du défendeur fondé, met le jugement entrepris à néant et, statuant à nouveau, dit la demande du demandeur irrecevable ou, à tout le moins, non fondée et le condamne aux dépens d’appel, aux motifs que
« En vertu de l'article 46, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les États qui y sont parties s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour européenne des droits de l’homme dans les litiges auxquels ils sont parties. Les paragraphes 2 à 5 de la disposition organisent la surveillance de cette exécution par le comité des ministres du Conseil de l'Europe ;
L'engagement pris en vertu de l'article 46, § 1er, comporte deux dimensions : d'une part, l'obligation pour chaque État contractant d'exécuter les décisions auxquelles il est partie, d'autre part, l'obligation de reconnaître l'autorité de la chose jugée de ces décisions ;
L'autorité de la chose jugée que revêtent les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme est de l'essence même de la fonction juridictionnelle […] ;
Il appartient dès lors aux juridictions des États parties à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, telle la cour [d’appel], de reconnaître et respecter l'autorité de la chose jugée d'un arrêt prononcé par la Cour européenne des droits de l’homme, tel l'arrêt prononcé par la grande chambre de celle-ci le 31 janvier 2019 dans l'affaire opposant les parties ;
Comme c'est le cas de l'autorité de la chose jugée en matière interne, l'autorité de la chose jugée d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme a un effet interne positif, qui implique que la décision rendue est tenue pour la vérité, et un effet négatif, qui empêche la réitération de la demande […] ;
Cet effet négatif de la chose jugée lie les parties, tant le requérant que l'État défendeur. Différente est la question de l'autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme vis-à-vis des tiers, soit l'autorité de la chose interprétée […] ;
[Le demandeur] a invoqué devant la Cour européenne des droits de l’homme une violation par [le défendeur] des articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales à son égard, résultant de l'absence de soins prodigués dans sa langue, qui l'amènent à rester interné sans perspective de guérison et, dès lors, de sortie ;
Le 7 janvier 2014, ses griefs tirés des articles 3 et 5, § 1er, de la Convention ont été communiqués [au défendeur] ;
[Le demandeur] a choisi de poursuivre devant la Cour européenne des droits de l’homme la constatation d’une violation des articles 3 et 5 de la Convention par [le défendeur] mais également la condamnation de celui-ci à lui payer des dommages et intérêts, qu'il a évalués à huit cent mille euros au titre du préjudice matériel et moral, montant calculé sur la base de deux cents euros par jour d'internement sans soins adéquats (en vertu du règlement de cette cour, le requérant doit formuler une demande spécifique en ce sens s'il souhaite qu’elle lui accorde une satisfaction équitable au titre de l'article 41 de la Convention) ;
La Cour européenne des droits de l’homme a statué comme suit sur cette demande de dommages et intérêts dans l'arrêt de la grande chambre du 31 janvier 2019 :
‘A. Dommage
Les conclusions de la chambre
1. Devant la chambre, le [demandeur] réclamait huit cent mille euros au titre du préjudice matériel et moral qu'il estimait avoir subi. Il demandait également une somme globale et forfaitaire de cent mille euros pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour.
2. La chambre a rejeté la demande d'indemnisation au titre du dommage matériel pour la violation de l'article 3 de la Convention, jugeant qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre la violation constatée et le préjudice allégué. Elle a en revanche octroyé au requérant quinze mille euros au titre du préjudice moral causé par la violation de l'article 3. Pour ce qui est des frais et dépens, elle a rejeté les demandes du [demandeur], constatant qu'il n'y avait joint aucune facture ni aucune note de frais ou d'honoraires susceptible d'établir la réalité des frais engagés et qu'il n'avait pas ventilé les frais selon les procédures et le temps qui y avait été consacré.
Thèses des parties devant la grande chambre
3. Le [demandeur] réclame toujours huit cent mille euros au titre du préjudice matériel et moral qu'il estime avoir subi. Il argue que, s'il avait été en liberté, il aurait pu travailler. Il considère que ce manque à gagner doit être apprécié globalement avec le dommage moral qu'il a selon lui subi du fait d'une privation de liberté injuste et inopérante. Aussi estime-t-il que son préjudice doit être calculé sur la base d'une indemnisation pour chaque jour de détention depuis l'ordonnance de la chambre du conseil du 16 juin 2003. En partant d'un montant de deux cents euros par jour de détention, il arrive à une somme totale de huit cent mille euros au moment du dépôt de ses observations devant la chambre, le 29 juillet 2014. Il s'en remet toutefois à la sagesse de la Cour en ce qui concerne le montant par jour et le montant total. Enfin, il prie la Cour de dire expressément que le dommage subi perdurera jusqu'à sa remise en liberté effective.
4. Le gouvernement constate que, pour le calcul du dommage, le [demandeur] s'inspire du système d'indemnisation belge pour la détention inopérante. Il estime que cette comparaison est sans pertinence puisque le [demandeur] a fait l'objet d'une décision régulière d'internement. Se référant à la jurisprudence de la Cour en la matière, il avance que la somme à octroyer ne peut dépasser quinze mille euros.
Appréciation de la grande chambre
5. La Cour considère qu'il n'est pas démontré en l'espèce qu'il existe un lien de causalité entre la violation constatée des articles 3 et 5 de la Convention et le dommage matériel allégué par le [demandeur]. Dès lors, elle rejette les prétentions de celui-ci à ce titre.
6. En revanche, elle estime que le [demandeur] a subi un préjudice moral certain en raison de son maintien en internement sans prise en charge adéquate de son état de santé en violation des articles 3 et 5, § 1er, de la Convention. Statuant en équité, conformément à l'article 41 de celle-ci, elle lui octroie trente-deux mille cinq cents euros au titre du préjudice moral’ ;
La Cour européenne des droits de l’homme rejette ainsi la demande de réparation d'un préjudice économique pour défaut de causalité avérée avec les violations des articles 3 et 5 de la Convention par [le défendeur] et accueille la demande en ce qui concerne le dommage moral subi par [le demandeur], qu'elle évalue à trente-deux mille cinq cents euros ;
[Le demandeur] ayant formé contre [le défendeur] devant la Cour européenne des droits de l’homme la même demande d'indemnisation que celle qui est formée devant la cour [d’appel], et la Cour européenne des droits de l’homme ayant statué sur cette demande, y faisant droit jusqu’à concurrence de trente-deux mille cinq cents euros, l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de cette cour entraîne l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation [du demandeur] devant la cour [d’appel] ou, à tout le moins, son non-fondement ;
Il y a identité de parties, d'objet et de cause, à tout le moins en ce que les fautes invoquées devant la cour [d’appel] pour justifier la responsabilité [du défendeur] sont les violations des articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnues établies par la Cour européenne des droits de l’homme […] ;
La demande [du demandeur] portait bien, devant cette cour comme devant la cour [d’appel], sur la réparation de l'intégralité de son préjudice, tant dans son volet économique que dans son volet relatif au préjudice moral ;
Il ne ressort aucunement de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme que celle-ci aurait entendu que l'indemnisation qu'elle a accordée [au demandeur] vînt en complément d'une indemnisation accordée par les juridictions nationales ;
Aux termes de l'article 41 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles et si le droit interne de la haute partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable ;
Il découle de cette disposition qu'en principe, dans le système pyramidal mis en place, les conséquences des violations reconnues de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doivent être traitées au niveau interne par l'État concerné, de manière à en effacer les conséquences. La réparation du dommage au niveau interne a donc en principe priorité […]. Ce n'est que si la Cour européenne des droits de l’homme constate que tel n'a pas été le cas, en vertu donc d'un principe de subsidiarité, qu’elle accorde une satisfaction équitable au requérant ;
En l'espèce, la Cour européenne des droits de l’homme a statué alors que [le demandeur] avait agi en parallèle devant les juridictions internes pour obtenir la réparation de son préjudice par [le défendeur] et avait obtenu un jugement faisant droit en partie à sa demande, le tribunal de première instance lui ayant accordé, par jugement du 9 septembre 2016, des dommages et intérêts jusqu’à la hauteur de septante-cinq mille euros ;
La Cour européenne des droits de l’homme a cependant relevé qu'à la date à laquelle elle statuait, le jugement n'était pas définitif, étant frappé d'appel par [le défendeur]. Pour cette raison, elle a considéré que [le demandeur] n'avait pas perdu la qualité de victime des violations alléguées des articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au sens de l'article 34 de celle-ci ;
Considérant que [le demandeur] n'a pas été indemnisé en Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a poursuivi son examen et alloué des dommages et intérêts jusqu’à la hauteur de trente-deux mille cinq cents euros, comme précisé ci-avant ;
En poursuivant son examen, la Cour européenne des droits de l’homme a choisi, pour des raisons qui lui sont propres et qu'elle n'expose pas, de ne pas suivre la pratique suivie dans d'autres affaires, où elle a réservé à statuer sur la demande de satisfaction équitable sur la base de l'article 41 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tenant compte d'une demande d'indemnité pendante devant les juridictions nationales […] ;
Elle n'indique à aucun endroit dans cet arrêt que les dommages et intérêts qu'elle octroie […] le seraient en complément de l'indemnisation qui serait à accorder par les juridictions belges ;
Contrairement à ce que soutient [le demandeur], la Cour européenne des droits de l’homme, lorsqu'elle accorde à un requérant la satisfaction équitable prévue à l'article 41 de la Convention, est guidée par le principe de la réparation intégrale ;
La satisfaction équitable visée à l'article 41 est une somme d'argent destinée à compenser le ou les dommages que la personne lésée a subis et qui ont été causés par les violations de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales commises par l'État concerné ;
Lorsqu'elle accorde un tel dédommagement, la Cour tend à indemniser le requérant des conséquences préjudiciables réelles d'une violation, en lien causal avec celle-ci. Elle n'entend pas punir l’État contractant responsable. Jusqu'ici, la Cour n'a donc pas jugé bon d'accueillir des demandes de dommages et intérêts catalogués comme ‘punitifs’ […] ;
L'indemnité que la Cour européenne des droits de l’homme accorde sur la base de l'article 41 de la Convention vise par ailleurs à réparer les conséquences de toutes les violations constatées à cette convention par l'État concerné, y compris les violations de l'article 5 de celle-ci (détention irrégulière). Cette cour tient en effet compte, dans la fixation du montant de la satisfaction équitable visée à l'article 41, du droit spécifique du requérant à réparation en cas de détention contraire à l'article 5, prévu au paragraphe 5 de la disposition […] ;
Ainsi, l'arrêt de la grande chambre du 31 janvier 2019, qui retient, à la différence du premier arrêt de chambre, une violation tant de l'article 3 que de l'article 5 de la Convention, accorde [au demandeur] une indemnité pour dommage moral plus importante (trente-deux mille cinq cents euros au lieu de quinze mille euros) ;
Certains commentateurs ont vu dans l'arrêt Trevalec c/ la Belgique, prononcé par la Cour européenne des droits de l’homme le 25 juin 2013, une modification de la jurisprudence de cette cour, et l'octroi par celle-ci de tels dommages punitifs, comme le défend le juge Pinto De Albuquerque dans son opinion concordante sous cet arrêt, ce qui est discuté. En tout état de cause, l'enseignement de cet arrêt est limité à la possibilité pour la Cour européenne des droits de l’homme de condamner, sous le couvert de l'article 41, l'État reconnu auteur d'une violation à la Convention (dans l'espèce Trevalec, du droit à la vie) à un montant pour dommage moral, nonobstant la circonstance que la personne lésée avait reçu, dans un autre pays, une indemnité censée couvrir l'intégralité du préjudice ;
Il n'a nullement pour conséquence que, dans la situation où la Cour européenne des droits de l’homme a elle-même fixé l'indemnité due à la personne lésée par l'État auteur de la violation, les juridictions de cet État pourraient faire fi de la décision de cette cour et accorder à la personne lésée une indemnisation intégrale de son dommage en statuant comme si celui-ci n'avait pas déjà fait l'objet d'une décision ;
Comme indiqué ci-avant, la cour [d’appel] est tenue de respecter l'autorité de la chose jugée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui s'impose à elle en raison de l'article 46 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la nature juridictionnelle de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme et de la supériorité de la norme de droit international […], dont il résulte qu'il a été définitivement statué sur le droit [du demandeur] à la réparation des violations des articles 3 et 5 de la Convention commises par [le défendeur] durant la période concernée ;
Dans le dialogue entre les juridictions nationales et la Cour européenne des droits de l’homme, c'est en effet cette dernière, juridiction internationale, qui a le dernier mot. Les juridictions nationales ne peuvent remettre en cause ce qui a été jugé par cette cour, tandis qu'à l'inverse, celle-ci le peut ;
Cette règle n'est pas remise en cause par l'arrêt Salah c/ les Pays-Bas de la Cour européenne des droits de l’homme du 6 juillet 2006, où cette cour indique que, après qu'elle a alloué, en vertu de l'article 41, des sommes à un requérant au titre de satisfaction équitable pour la violation de la Convention qu'elle a constatée, les autorités nationales concernées peuvent prendre des mesures compensatoires complémentaires, comme accorder une somme complémentaire d'indemnisation, mais que ‘ces mesures compensatoires complémentaires, qui sont volontaires, ne reposent ni sur les articles 41 ou 46 de la Convention ni sur aucune autre disposition de la Convention ou de ses protocoles’ ;
Ceci confirme que le requérant qui a obtenu satisfaction équitable en vertu de l'article 41 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne dispose pas d'un droit, en vertu de cette convention, à obtenir une indemnisation supplémentaire de l'État concerné ;
Partant, au vu de l'ensemble de ce qui précède, il ne peut être fait droit à la demande [du demandeur] visant la réparation de son préjudice causé par les violations des articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par [le défendeur]. [Le demandeur] a fait un choix procédural en agissant devant la Cour européenne des droits de l’homme pour obtenir tant la constatation des violations de cette convention que la réparation de son préjudice et subit les conséquences de ce choix ;
Il a obtenu devant la Cour européenne des droits de l’homme une indemnité qui, selon l'arrêt du 31 janvier 2019, répare intégralement les violations des articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par [le défendeur] durant la longue période d'internement de 2004 à août 2017. [Le défendeur] a l'obligation de respecter cet arrêt et le fait sous la surveillance du comité des ministres du Conseil de l'Europe ;
En refusant de faire droit à sa demande vu l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt, la cour [d’appel] ne nie pas le droit à réparation intégrale [du demandeur] mais constate que la Cour européenne des droits de l’homme a définitivement statué sur ce droit pour la période concernée ;
Juger en sens contraire reviendrait à permettre un circuit judiciaire sans fin ;
[Le demandeur] entend également justifier sa demande en invoquant des fautes distinctes commises par [le défendeur], résultant de l'absence ou du retard de l’entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental et de la loi du 12 janvier 2005 concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus ;
Il n'expose cependant pas en quoi les fautes alléguées, à les supposer établies, lui auraient causé un dommage distinct de celui résultant de la violation des articles 3 et 5 par [le défendeur], savoir se trouver interné sans bénéficier de soins psychiatriques dans sa langue ;
Ce dommage étant réparé par l'indemnité allouée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 31 janvier 2019, la demande [du demandeur] est en tout état de cause non fondée ».
L'arrêt attaqué décide ainsi, en substance, que, « [le demandeur] ayant formé contre [le défendeur] devant la Cour européenne des droits de l’homme la même demande d'indemnisation que celle qui est formée devant la cour [d’appel], et la Cour européenne des droits de l’homme ayant statué sur cette demande, y faisant droit jusqu’à concurrence de trente-deux mille cinq cents euros, l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de cette cour entraîne l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation [du demandeur] devant la cour [d’appel] ou, à tout le moins, son non-fondement », le demandeur ayant, à l'estime de la cour d'appel, « obtenu devant la Cour européenne des droits de l’homme une indemnité qui, selon l'arrêt du 31 janvier 2019, répare intégralement les violations des articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par l'État belge durant la longue période d'internement de 2004 à août 2017 » et cette cour ayant ainsi « définitivement statué sur ce droit pour la période concernée ».
Griefs
L'article 41 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que, si la Cour européenne des droits de l'homme déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de l'État membre concerné ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable.
Furent déclarées établies, au préjudice du demandeur, des violations tant de l'article 3 de la Convention (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) que de son article 5, § 1er (droit de toute personne à la liberté et à la sûreté).
En vertu de l'article 32 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme s'étend à toutes les questions concernant l'interprétation et l'application de la Convention et de ses protocoles qui lui sont soumises dans les conditions de recevabilité et de procédure prévues par les articles 33, 34, 46 et 47.
Il en résulte que la compétence de cette juridiction se limite auxdites questions et n'englobe pas celles qui relèvent du droit interne des États membres.
L'article 46 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose aux États de se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels ils sont parties et son article 44, § 1er, énonce que tout arrêt de la grande chambre est définitif.
Aux termes de l'article 23 du Code judiciaire, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet de la décision ; il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande repose sur la même cause, quel que soit le fondement juridique invoqué ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. Il est par ailleurs constant que l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à ce que le juge a décidé sur un point litigieux et à ce qui, en raison de la contestation portée devant lui et soumise à la contradiction des parties, constitue, fût-ce implicitement, le fondement nécessaire de sa décision.
Il n'y a pas identité d'objet entre, d'une part, l'arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui, sur le fondement de l'article 41 de la Convention, accorde à la partie lésée, « s'il y a lieu », une satisfaction équitable, d'autre part, la décision du juge belge invité, certes au regard des mêmes faits, mais le cas échéant caractérisés au regard de règles de droit différentes, à indemniser intégralement – et non plus « en équité » – le dommage causé par une faute de l'État. Cette faute peut du reste ne pas procéder exclusivement d'une violation des dispositions conventionnelles et, en l'espèce, le demandeur faisait valoir d'autres fautes, génératrices de ce dommage.
La notion de « satisfaction équitable », inscrite à l'article 41 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n'est en effet pas équivalente à celle de « réparation intégrale » au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. La mission de circonscrire, décrire et réparer complètement, dans toutes ses composantes, le préjudice subi par la victime d'une faute commise par l'État belge appartient au juge belge, sur la base tant de ces dispositions que de l'article 53 de la Convention, en vertu duquel aucune des dispositions de celle-ci ne saurait être interprétée comme limitant les droits de l'homme et les libertés fondamentales qui pourraient être reconnus conformément aux lois de tout État membre ou y portant atteinte.
Cette disposition conventionnelle, couplée à la règle de l'épuisement des voies de recours internes, à laquelle la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme est subordonnée, consacre le principe de subsidiarité, lequel gouverne l'intervention de cette cour. En vertu de ce principe, c'est d'abord sur le plan national que les violations de la Convention doivent être dénoncées et redressées, ce que confirme du reste également l'article 41 en disposant que ce n'est que « si le droit interne de la haute partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de [la] violation » constatée que la Cour accorde à la partie lésée une satisfaction équitable. Celle-ci ne sera allouée que « s'il y a lieu », ce qui indique que pareille décision de la Cour européenne des droits de l’homme est somme toute discrétionnaire, tout comme le montant qu'elle estimera approprié à cet égard.
Dans la présente espèce, la Cour européenne des droits de l’homme s'est bornée à considérer « qu'il n'est pas démontré […] qu'il existe un lien de causalité entre la violation constatée des articles 3 et 5 de la Convention et le dommage matériel allégué par le [demandeur] ; que, dès lors, elle rejette les prétentions de celui-ci à ce titre » ; qu’« en revanche, elle estime que le [demandeur] a subi un préjudice moral certain en raison de son maintien en internement sans prise en charge adéquate de son état de santé en violation des articles 3 et 5, § 1er, de la Convention », et que, « statuant en équité, conformément à l'article 41 de la Convention, elle lui octroie trente-deux mille cinq cents euros au titre du préjudice moral ».
Pareille motivation, sommaire, ne permet pas de déterminer comment ce quantum a été fixé ni, partant, de s'assurer qu'il répare intégralement le préjudice du demandeur au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil.
C'est dès lors à tort, au regard de ces dispositions, que l'arrêt attaqué retient que, « contrairement à ce que soutient [le demandeur], la Cour européenne des droits de l’homme, lorsqu'elle accorde à un requérant la satisfaction équitable prévue à l'article 41 de la Convention, est guidée par le principe de la réparation intégrale » et que, « lorsqu'elle accorde un tel dédommagement, [elle] tend à indemniser le requérant des conséquences préjudiciables réelles d'une violation, en lien causal avec celle-ci ». C'est en effet, systématiquement, un montant forfaitaire, apprécié en équité, sans examen détaillé et au terme d'une motivation généralement très succincte, que la Cour européenne des droits de l’homme octroie sur cette base.
Il ressort de la jurisprudence de cette cour que lorsque celle-ci alloue, en vertu de l'article 41 de la Convention, la somme qui à ses yeux constitue une « satisfaction équitable » à la suite de la violation qu'elle a constatée, et une fois l'arrêt de la Cour exécuté conformément à l'article 46 (c'est-à-dire une fois que les mesures générales et individuelles nécessaires ont été prises aux fins de mettre un terme à ladite violation et de réparer ses conséquences), l'octroi éventuel d'une indemnisation en sus de celle accordée par la Cour est laissé à l'appréciation des autorités nationales compétentes. Lorsque la Cour a rendu un arrêt, constaté une violation de la Convention et indemnisé l'intéressé au titre de l'article 41 pour le préjudice causé par cette violation, l'État contractant peut, s'il le juge approprié, allouer au requérant une autre indemnisation – sous la forme d'une somme complémentaire ou sous une autre forme –, laquelle s'ajoutera à la satisfaction équitable déjà octroyée par la Cour en vertu de l'article 41.
L'octroi par les juridictions internes d'une somme complémentaire, en sus de la satisfaction équitable octroyée par la Cour européenne des droits de l’homme sur la base de l'article 41 de la Convention, est donc parfaitement envisageable dans le système de celle-ci et est laissé à l'appréciation de l'État. Aucune disposition de la Convention n'interdit aux juridictions internes de statuer en ce sens ni ne leur enjoint de s'en abstenir au prétendu motif de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ayant préalablement fait application de l'article 41 de la Convention.
De même, lorsqu'elle statue sur les demandes d'une victime d'une violation de la Convention au titre du dommage, la Cour européenne des droits de l’homme doit prendre en compte, le cas échéant, la réparation obtenue par l'intéressé en vertu du droit de l'État défendeur. La satisfaction équitable que cette cour peut allouer et l'indemnisation obtenue devant les juridictions internes peuvent dès lors, le cas échéant, se combiner.
Il en résulte que la victime d'une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnue par la Cour européenne des droits de l’homme est en droit de former une demande indemnitaire complémentaire devant le juge national, même lorsque ladite cour a déjà fait application de l'article 41 de la Convention, et que, lorsqu'il est ainsi saisi d'une action en responsabilité dirigée contre l’État, le juge n'est pas lié par l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ayant alloué au demandeur, en tant qu'il fut victime d'une violation de la Convention, une satisfaction équitable sur cette base. Le juge doit, dans le cadre de cette procédure en indemnisation distincte, menée en droit interne, examiner l'ensemble des circonstances de l'espèce afin d'apprécier si la responsabilité de l'État est engagée et s'il convient d'octroyer une indemnité complémentaire en vue de réparer intégralement le préjudice subi, dont il doit vérifier la réalité et cerner l'étendue, quitte à ce que, le cas échéant, la somme allouée par la Cour européenne des droits de l’homme au titre de la satisfaction équitable vienne en déduction du montant réparant intégralement le préjudice causé, tel qu'il sera arbitré par le juge belge.
Partant, l'arrêt attaqué, qui décide que, « [le demandeur] ayant formé contre [le défendeur] devant la Cour européenne des droits de l’homme la même demande d'indemnisation que celle qui est formée devant la cour [d’appel], et la Cour européenne des droits de l’homme ayant statué sur cette demande, y faisant droit jusqu’à concurrence de trente-deux mille cinq cents euros, l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de cette cour entraîne l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation [du demandeur] devant la cour [d’appel] ou, à tout le moins, son non-fondement », que le demandeur a « obtenu devant la Cour européenne des droits de l’homme une indemnité qui, selon l'arrêt du 31 janvier 2019, répare intégralement les violations des articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par [le défendeur] durant la longue période d'internement de 2004 à août 2017 », que ladite cour a ainsi « définitivement statué sur ce droit pour la période concernée », et que le juge belge ne pourrait « faire fi de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme et accorder à la personne lésée une indemnisation intégrale de son dommage en statuant comme si celui-ci n'avait pas déjà fait l'objet d'une décision », alors que la victime d'une violation reconnue par cette cour est en droit de former une demande indemnitaire complémentaire devant le juge national, même lorsque celle-ci a déjà statué sur le terrain de l'article 41 de la Convention, sans que pareille demande se heurte à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à son arrêt, viole toutes les dispositions visées au moyen.
III. La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite du défaut d’intérêt :
Les motifs de l’arrêt attaqué relatifs à l’objet de la demande formée par le demandeur devant la Cour européenne des droits de l’homme et à la portée que l’arrêt de la grande chambre de cette juridiction du 31 janvier 2019 statuant sur cette demande a reconnue à sa propre décision d’y faire partiellement droit ne constituent pas de la décision de la cour d’appel statuant sur la demande de cette partie dont elle était saisie un fondement distinct des motifs que critique le moyen et suffisant à fonder cette décision.
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite de ce qu’il n’invoque que la violation de dispositions légales qui, s’il était fondé, ne suffiraient pas à entraîner la cassation :
Le moyen, qui soutient que l’arrêt attaqué prête à l’arrêt précité de la Cour européenne des droits de l’homme une autorité qu’il n’a pas en lui reconnaissant l’effet de s’opposer à la demande du demandeur dont la cour d’appel était saisie, ne lui fait pas grief de méconnaître par cette décision la primauté sur toute norme du droit interne qui lui serait contraire d’une règle du droit international directement applicable.
La violation des articles 32, alinéa 1er, 41 et 46 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont se déduisent les règles relatives à l’autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme accordant une satisfaction équitable à la partie lésée par une violation d’une disposition de cette convention ou de ses protocoles, suffirait, si le moyen était fondé, à entraîner la cassation.
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur en tant qu’il est pris de la violation des articles 23 à 28 du Code judiciaire et déduite de ce que, d’une part, il est nouveau, d’autre part, ces dispositions sont étrangères au grief invoqué :
Comme il a été dit, la violation des articles 32, alinéa 1er, 41 et 46 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales suffirait, si le moyen était fondé, à entraîner la cassation.
Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.
Sur le fondement du moyen :
L’article 32, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de cette convention et de ses protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prévues par les articles 33, 34, 46 et 47.
En vertu de l’article 46, § 1er, de la Convention, les États parties à celle-ci s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels ils sont parties.
Conformément à l’article 41, si cette cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de l’État partie au litige ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, elle accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable.
Il suit de ces dispositions, d’une part, qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui constate une violation d’une disposition de la Convention ou de ses protocoles oblige l’État qui doit en répondre à mettre un terme à la violation et à en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci, d’autre part, que, si le droit national ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation, la Cour a la faculté d’accorder à la partie lésée, s’il y a lieu, la satisfaction qui lui semble appropriée.
L’obligation d’un État contractant de se conformer à un arrêt par lequel la Cour européenne des droits de l’homme constate une violation d’une disposition de la Convention ou de ses protocoles ne se confond pas avec les obligations que peut lui imposer le droit national.
La circonstance que cette cour ait rendu un arrêt constatant pareille violation et allouant à la partie lésée la satisfaction équitable prévue à l’article 41 de la Convention ne fait pas obstacle à ce que les autorités nationales de l’État contractant accordent à cette partie une indemnisation supplémentaire qui ne trouve pas son fondement dans les articles 41 et 46 de la Convention mais dans des dispositions du droit interne qui, tels les articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, imposent la réparation intégrale du dommage causé à autrui par une faute de l’État.
L’arrêt attaqué constate que, par l’arrêt de la grande chambre du 31 janvier 2019 rendu en cause du demandeur contre la Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation des articles 3 et 5 de la Convention, a considéré « qu’il n’est pas démontré qu’il existe un lien de causalité entre [cette] violation […] et le dommage matériel allégué par le [demandeur] » et a rejeté « les prétentions de celui-ci à ce titre », et, « statuant en équité, conformément à l’article 41 de la Convention, […] lui [a octroyé] trente-deux mille cinq cents euros au titre du préjudice moral ».
En considérant, pour dire « irrecevable ou, à tout le moins, non fondée » la demande du demandeur tendant, « sur la base des articles 1382 et suivants du Code civil », à la réparation intégrale du dommage que lui ont causé les fautes du défendeur, que la cour d’appel « est tenue de respecter l’autorité de la chose jugée par la Cour européenne des droits de l’homme […], dont il résulte qu’il a été définitivement statué sur le droit du [demandeur] à indemnisation », que le demandeur a « obtenu devant la Cour européenne des droits de l’homme une indemnité qui, selon l’arrêt [de la grande chambre de celle-ci] du 31 janvier 2019, répare intégralement la violation des articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par [le défendeur] durant la longue période d’internement » considérée comme entachée de cette violation et que la cour d’appel ne saurait « faire fi de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme et accorder à la personne lésée une indemnisation intégrale de son dommage en statuant comme si celui-ci n’avait pas déjà fait l’objet d’une décision », l’arrêt attaqué viole les dispositions conventionnelles précitées.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du premier octobre deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0414.F
Date de la décision : 01/10/2021
Type d'affaire : Droit international public - Droit civil

Analyses

Il suit des articles 32, alinéa 1er, 41et 46, § 1er, de la Convention, d’une part, qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui constate une violation d’une disposition de la Convention ou de ses protocoles oblige l’État qui doit en répondre à mettre un terme à la violation et à en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci, d’autre part, que, si le droit national ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation, la Cour a la faculté d’accorder à la partie lésée, s’il y a lieu, la satisfaction qui lui semble appropriée (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers - Conséquences [notice1]

L’obligation d’un État contractant de se conformer à un arrêt par lequel la Cour européenne des droits de l’homme constate une violation d’une disposition de la Convention ou de ses protocoles ne se confond pas avec les obligations que peut lui imposer le droit national (1)). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers [notice2]

La circonstance que la Cour européenne des droits de l’homme ait rendu un arrêt constatant une violation d’une disposition de la Convention ou de ses protocoles et allouant à la partie lésée la satisfaction équitable prévue à l’article 41 de la Convention ne fait pas obstacle à ce que les autorités nationales de l’État contractant accordent à cette partie une indemnisation supplémentaire qui ne trouve pas son fondement dans les articles 41 et 46 de la Convention mais dans des dispositions du droit interne qui, tels les articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, imposent la réparation intégrale du dommage causé à autrui par une faute de l’État (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - OBLIGATION DE REPARER - Etat. Pouvoirs publics [notice3]


Références :

[notice1]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 32, al. 1er, 41 et 46, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice2]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 32, al. 1er, 41 et 46, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice3]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 41 et 46, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30 ;

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, LEMAL MICHEL, GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-01;c.20.0414.f ?

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