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01/10/2021 | BELGIQUE | N°C.19.0307.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 octobre 2021, C.19.0307.F


N° C.19.0307.F
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.483.367,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
1. P. P.,
2. ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24

, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0402.370.054,
défendeurs e...

N° C.19.0307.F
AXA BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, place du Trône, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.483.367,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
1. P. P.,
2. ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0402.370.054,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 9 décembre 2015 par le tribunal de première instance du Brabant wallon, statuant en degré d’appel et comme juridiction de renvoi ensuite de l’arrêt de la Cour du 25 janvier 2008.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Conformément à l’article 14, § 2, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public, la réparation en droit commun ne peut être cumulée aves les indemnités résultant de cette loi.
En vertu de l’article 14bis, § 2, de la même loi, la réparation accordée conformément à l’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, qui ne peut se rapporter à l’indemnisation des dommages corporels telle qu’elle est couverte par la loi du 3 juillet 1967, peut se cumuler avec les indemnités résultant de cette dernière loi.
Ces dispositions interdisent le cumul des indemnités en matière d’accident du travail, jusqu’à concurrence de leur montant, avec les réparations prévues par le droit commun ou l’article 29bis précité pour le même dommage. Cette interdiction de cumul ne s’étend pas au dommage dont la réparation n’est pas couverte par la loi du 3 juillet 1967.
Le dommage matériel subi par la victime en raison de la réduction permanente de sa capacité de travail consiste en la diminution de sa valeur économique sur le marché du travail et aussi, éventuellement, en la nécessité de fournir des efforts accrus pour accomplir ses tâches professionnelles normales.
Il s’ensuit que, même lorsqu’elles ont été calculées sans tenir compte de la nécessité de fournir des efforts accrus, les indemnités d’incapacité permanente de travail reconnues sur la base de la loi du 3 juillet 1967 ne peuvent être cumulées, jusqu’à concurrence de leur montant, avec les réparations dues en droit commun ou sur la base de l’article 29bis pour le dommage matériel permanent consistant en ces efforts accrus.
Le dommage permanent résultant de la perte de revenus ou d’une chance de revenus d’une activité professionnelle en dehors du secteur public n’est pas couvert par la loi du 3 juillet 1967.
Le jugement attaqué constate que le défendeur a subi un accident alors qu’il était au travail pour un employeur public assuré par la défenderesse, que celle-ci a pris en charge les indemnités d’incapacité permanente de travail reconnues au défendeur en vertu de la loi du 3 juillet 1967 et que la demanderesse est l’assureur « du responsable […] ou […] sur la base de l’article 29bis » précité.
Il considère que le défendeur est contraint de fournir des efforts accrus pour accomplir ses tâches professionnelles normales auprès de l’employeur public et que « le dossier de pièces » des défendeurs, soit le « décompte [formé par les] pièces 14.1 et 14.4 » et en outre la pièce 14.2, « démontre que [la défenderesse] n’a pas indemnisé ce poste du dommage » professionnel permanent.
Par ces considérations, d’où il suit qu’aux yeux du tribunal, les indemnités d’incapacité permanente de travail allouées au défendeur ont été calculées sans tenir compte de la nécessité des efforts accrus, le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision que « les indemnisations accordées en vertu du droit commun [ou de l’article 29bis précité] à la suite du dommage consistant en la nécessité de fournir des efforts accrus [pour accomplir les tâches professionnelles normales auprès de l’employeur public ne] concernent [pas] le même dommage professionnel matériel que celui couvert » par la loi du 3 juillet 1967, partant, la condamnation de la demanderesse à payer au défendeur 43.010 euros et 64.276,50 euros pour les efforts accrus passés et futurs.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Le jugement attaqué considère par ailleurs que le défendeur a été contraint de renoncer à une carrière de musicien et ingénieur du son débutée, en dehors du secteur public, en parallèle avec son activité professionnelle pour l’employeur public.
Par cette considération, le jugement attaqué justifie légalement sa décision de condamner la demanderesse à payer au défendeur, en réparation du dommage professionnel permanent, 100.000 euros pour la perte d’une chance « de revenus supplémentaires en qualité de musicien professionnel et d’ingénieur du son ».
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Et la cassation de la condamnation de la demanderesse à indemniser le défendeur pour les efforts accrus passés et futurs entraîne celle de la décision de limiter l’assiette du recours de la défenderesse contre la demanderesse pour les débours concernant l’incapacité permanente de travail au montant du préjudice professionnel permanent fixé par le jugement attaqué, soit « la renonciation contrainte aux carrières de musicien professionnel et d’ingénieur du son entamées avant l’accident » et « les efforts accrus pour l’exécution [du] travail au sein de [l’employeur public] », en raison du lien établi par le jugement attaqué entre ces décisions.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant qu’il condamne la demanderesse à payer au défendeur 43.010 euros et 64.276,50 euros pour les efforts accrus passés et futurs et qu’il limite l’assiette du recours de la défenderesse contre la demanderesse pour les débours concernant l’incapacité permanente de travail au montant du préjudice professionnel permanent fixé par ce jugement ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Condamne la demanderesse à la moitié des dépens et en réserve le surplus pour qu’il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance de Namur, siégeant en degré d’appel.
Les dépens taxés à la somme de neuf cent dix-neuf euros soixante-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du premier octobre deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.19.0307.F
Date de la décision : 01/10/2021
Type d'affaire : Droit de la sécurité sociale - Droit civil - Droit commercial

Analyses

Les articles 14, § 2, alinéa 2, et 14bis, § 2, de la loi du 3 juillet 1967 interdisent le cumul des indemnités en matière d’accident du travail, jusqu’à concurrence de leur montant, avec les réparations prévues par le droit commun ou l’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 pour le même dommage; cette interdiction de cumul ne s’étend pas au dommage dont la réparation n’est pas couverte par la loi du 3 juillet 1967 (1). (1) Cass. 2 novembre 2018, RG C.17.0393.N, Pas. 2018, n° 601, avec concl. de Mme Mortier, avocat général, publiées à leur date dans AC.

ACCIDENT DU TRAVAIL - SECTEUR PUBLIC. REGLES PARTICULIERES - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Dommage matériel. Eléments et étendue [notice1]

Le dommage matériel subi par la victime en raison de la réduction permanente de sa capacité de travail consiste en la diminution de sa valeur économique sur le marché du travail et aussi, éventuellement, en la nécessité de fournir des efforts accrus pour accomplir ses tâches professionnelles normales (1). (1) Cass. 22 juin 2017, RG C.16.0282.F, Pas. 2017, n° 415.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Dommage matériel. Eléments et étendue [notice3]

Même lorsqu’elles ont été calculées sans tenir compte de la nécessité de fournir des efforts accrus, les indemnités d’incapacité permanente de travail reconnues sur la base de la loi du 3 juillet 1967 ne peuvent être cumulées, jusqu’à concurrence de leur montant, avec les réparations dues en droit commun ou sur la base de l’article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 pour le dommage matériel permanent consistant en ces efforts accrus (1). (1) Voir Cass. 11 juin 2007, RG C.06.0255.N, Pas. 2007, n° 315.

RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Dommage matériel. Eléments et étendue - ACCIDENT DU TRAVAIL - SECTEUR PUBLIC. REGLES PARTICULIERES - ASSURANCES - ASSURANCE AUTOMOBILE OBLIGATOIRE [notice4]

Le dommage permanent résultant de la perte de revenus ou d’une chance de revenus d’une activité professionnelle en dehors du secteur public n’est pas couvert par la loi du 3 juillet 1967.

ACCIDENT DU TRAVAIL - SECTEUR PUBLIC. REGLES PARTICULIERES [notice7]


Références :

[notice1]

L. du 3 juillet 1967 sur (la prévention ou) la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public - 03-07-1967 - Art. 14, § 2, al. 2, et 14bis, § 2 - 01 / No pub 1967070305

[notice3]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150

[notice4]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150

[notice7]

L. du 3 juillet 1967 sur (la prévention ou) la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public - 03-07-1967 - Art. 14, § 2, al. 2, et 14bis, § 2 - 01 / No pub 1967070305


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, LEMAL MICHEL, GEUBEL SABINE, JACQUEMIN ARIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-01;c.19.0307.f ?

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