La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0122.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 avril 2021, C.20.0122.N


N° C.20.0122.N
M. G.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. J. S.,
2. J. S.,
3. SEGO, s.r.l.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 octobre 2019 par la cour d’appel de Gand, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 19 novembre 2015.
Le conseiller Sven Mosselmans a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cas

sation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente quatre moyens.
I...

N° C.20.0122.N
M. G.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. J. S.,
2. J. S.,
3. SEGO, s.r.l.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 octobre 2019 par la cour d’appel de Gand, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 19 novembre 2015.
Le conseiller Sven Mosselmans a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente quatre moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
1. L'autorité de la chose jugée s’attache à ce que le juge a décidé sur une question litigieuse et à ce qui, en raison de la contestation portée devant le juge et soumise à la contradiction des parties constitue le fondement nécessaire, fût-il implicite, de la décision.
De ce qu’il n’y a pas identité entre l'objet et la cause d’une action définitivement jugée et ceux d’une autre action ultérieurement exercée entre les mêmes parties, il ne suit pas nécessairement que pareille identité n’existe à l’égard d’aucune prétention ou contestation élevée par une partie dans l'une ou l'autre instance ni davantage que le juge puisse accueillir une prétention dont le fondement est inconciliable avec la chose antérieurement jugée.
2. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
- par des jugements non entrepris du 5 juin 1997 et du 17 juin 1999, le tribunal de commerce d’Anvers statue comme en référé sur une demande de cession forcée d'actions eu égard à un litige entre le demandeur, d'une part, et les premier et deuxième défendeurs en tant qu'associés de la troisième défenderesse, d'autre part ;
- par un jugement du 5 juin 1997, le tribunal ordonne une expertise concernant la prétendue impossibilité de coopération entre les associés en violation de l'intérêt social ;
- par un jugement du 17 juin 1999, le tribunal constate, entre autres, qu'il ressortait du rapport d'expertise que la société devait encore verser au demandeur des indemnités importantes et, plus précisément, des montants de 3.721.022 BEF et 199.500 BEF, sous réserve d'un montant supplémentaire de 176.396 BEF ;
- par un jugement du 17 juin 1999, le tribunal considère en outre que l'absence d'une indemnisation équitable du demandeur depuis mars 1995 et les accusations graves non établies portées sans relâche contre le demandeur par les premier et deuxième défendeurs constituent de justes motifs pour obliger ces derniers à reprendre les actions du demandeur ;
- dans cette optique, le tribunal condamne les premier et deuxième défendeurs à reprendre les actions de la demanderesse dans la troisième défenderesse pour un montant provisionnel de 2.500.000 BEF sur un prix global à déterminer au moyen d'une expertise plus approfondie ;
- le tribunal de commerce d'Anvers condamne, dans son jugement d'appel du 8 octobre 2001, les premier et deuxième défendeurs à payer au demandeur un prix total de 369.317,97 euros, sous déduction du montant provisionnel de 61.973,38 euros ;
- par un arrêt du 30 janvier 2003, la cour d’appel d’Anvers réduit le prix total à 347.782,50 euros ;
- en statuant ainsi, la cour d'appel considère que le demandeur, qui soutient que les indemnités qui lui sont encore dues ne doivent pas être prises en compte dans l'évaluation des actions dès lors qu'elles sont contestées et n’ont pas encore été payées, se contredit lui-même et, de surcroît, contredit l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 17 juin 1999 dans lequel le non-paiement de l’indemnisation, tel qu'établi dans le rapport d'expertise, a été tenu pour établi lorsqu’il a été fait droit à la demande de cession forcée des actions ;
- la cour d'appel considère par ailleurs que, dans le cadre d'une procédure de cession forcée d'actions, il faut partir du principe que la société a encore une dette envers le demandeur ;
- le demandeur dans cette procédure invoque l'autorité de la chose jugée du jugement du 17 juin 1999 et de l’arrêt du 30 janvier 2003 en vue d’accueillir une action contre la troisième défenderesse en paiement d’indemnités d’un montant de 101.559,95 euros moins le montant de 4.945,48 euros déjà accordé.
3. Les juges d’appel ont constaté et considéré que :
- le prétendu droit au paiement d’indemnités de gestion d'un montant de 101.559,95 euros ne ressort ni du jugement précité du 17 juin 1999 ni de l'arrêt précité du 30 janvier 2003 ;
- le jugement du 17 juin 1999 et l’arrêt du 30 janvier 2003 concernent la procédure de cession forcée d’actions, alors qu’ils ne contiennent pas de motivation ni de décision ayant autorité de chose jugée en ce sens que le demandeur aurait définitivement et incontestablement droit à des indemnités de gestion pour un montant de 101.559,95 euros ;
- le jugement du 17 juin 1999 est muet sur les prétendus arriérés d’indemnités de gestion que réclame maintenant le demandeur ;
- dans l'arrêt du 30 janvier 2003, les juges d'appel ont eux-mêmes expressément limité la portée de leurs considérations sur les arriérés d’indemnités à la procédure de cession forcée d’actions ;
- le jugement du 17 juin 1999 et l’arrêt du 30 janvier 2003 ne se prononcent que sur la présence ou l'absence de motifs légitimes pour obliger les premier et deuxième défendeurs à reprendre les actions du demandeur ;
- la troisième défenderesse n’était que formellement partie à la procédure de cession forcée d'actions et n'a pas présenté de défense substantielle dans les débats entre les associés, à laquelle la société n'avait par ailleurs pas d’intérêt ;
- une procédure dans laquelle un gérant réclame des arriérés d’indemnités de gestion à une société doit être distinguée d'une procédure de cession forcée d’actions entre le demandeur, d'une part, et les premier et deuxième défendeurs, d'autre part, en tant qu'associés de la troisième défenderesse ;
- le demandeur a été licencié en tant que gérant de la troisième défenderesse par une décision de l'assemblée générale du 29 avril 1995 ;
- le demandeur ne démontre pas sur quelle base juridique il réclame aujourd'hui des « indemnités de gestion », alors qu'il n'a jamais agi en tant que "gestionnaire" de la troisième défenderesse ;
- un expert judiciaire qui effectue un calcul fictif d'une prétendue indemnisation égale des gérants d'une société aux fins d'évaluer les actions de cette société et qui décrit ensuite l’indemnisation fictive elle-même comme une sorte d’« indemnité de gestion » ne fait pas effectivement du gérant un « gestionnaire » ayant un droit effectif à de telles indemnités de gestion ;
- ce n'est pas parce que, de l'avis d'un expert judiciaire, désigné aux fins d'évaluer les parts d'une société, un gérant aurait perçu une rémunération illicite, ce qui est contesté, que ce gérant aurait un droit acquis au paiement d'une telle indemnité, alors que ni l'assemblée générale ni le conseil d'administration n'ont jamais pris de décision en ce sens et que ledit gérant n'a jamais pris l'initiative de lui accorder de telles indemnités ;
- l'autorité de la chose jugée du jugement du 17 juin 1999 et de l’arrêt du 30 janvier 2003 n'implique pas pour la demanderesse un droit définitif, effectif et exigible à des arriérés d’indemnités de gestion d'un montant de 101.559,95 euros, vu (1) la différence fondamentale de l’objet des demandes (cession d’actions versus recouvrement d'indemnités de gestion), (2) la différence des causes (motifs légitimes entre associés versus demande d'un gérant) et (3) le défaut d'identité et de qualité des parties (associés entre eux versus un gérant contre une société).
4. Lorsqu’ils ont rejeté, par l’énonciation des motifs précités, la demande formée par le demandeur contre la troisième défenderesse en paiement d'indemnités d'un montant de 101.559,95 euros, moins le montant de 4 945,48 euros déjà alloué, alors que le droit du demandeur au paiement des indemnités ressort nécessairement du jugement précité du 17 juin 1999 et de l’arrêt précité du 30 janvier 2003, les juges d’appel ont ainsi violé l'autorité de la chose jugée de ce jugement et de cet arrêt.
Le moyen est fondé.
[…]
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, le président de section Geert Jocqué, les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du vingt-trois avril deux mille vingt et un par le président de section Koen Mestdagh, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l’assistance du greffier Vanity Vanden Hende.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marielle Moris et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.20.0122.N
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Autres

Analyses

L'autorité de la chose jugée s'attache à ce que le juge a décidé sur une question litigieuse et à ce qui, en raison de la contestation portée devant le juge et soumise à la contradiction des parties constitue le fondement nécessaire, fût-il implicite, de la décision (1). (1) Voir Cass. 9 janvier 2020, RG C.19.0188.N, Pas 2020, n° 26.

CHOSE JUGEE - AUTORITE DE CHOSE JUGEE - Matière civile - Autorité de la chose jugée - Etendue [notice1]

De ce qu'il n'y a pas identité entre l'objet et la cause d'une action définitivement jugée et ceux d'une autre action ultérieurement exercée entre les mêmes parties, il ne suit pas nécessairement que pareille identité n'existe à l'égard d'aucune prétention ou contestation élevée par une partie dans l'une ou l'autre instance ni davantage que le juge puisse accueillir une prétention dont le fondement est inconciliable avec la chose antérieurement jugée (1). (1) Voir Cass. 9 janvier 2020, RG C.19.0188.N, Pas 2020, n° 26.

CHOSE JUGEE - AUTORITE DE CHOSE JUGEE - Matière civile - Autorité de la chose jugée - Action définitivement jugée - Action ultérieure entre les mêmes parties - Cause et objet non identiques - Conséquence [notice2]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 23 - 01 / No pub 1967101052

[notice2]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 25 - 01 / No pub 1967101052


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-04-23;c.20.0122.n ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award