N° C.19.0606.F
G. B.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. M. D.,
défendeur en cassation,
2. ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation ou, à tout le moins, partie appelée en déclaration
d'arrêt commun,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Liège.
Le 3 février 2021, l'avocat général Thierry Werquin a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l'avocat général Thierry Werquin a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
L'arrêt constate que le premier défendeur a adressé au demandeur « un projet de décompte final de reddition de compte, lequel laissait apparaître - un poste n° 7 ‘solde prélèvement Trésor encore dû par [ce défendeur] au 31 octobre 1999 : 7.968.231 [francs]' (soit 197.527,66 euros), poste inscrit au passif [du défendeur] ; - un poste n° 3 ‘solde créditeur global des comptes courants : [...] 11.827.176 [francs] (correspondant aux provisions perçues par [le défendeur] pour les actes déposés du temps où ce dernier était encore en fonction)' ; - un poste n° 5 ‘pièces déposées avant le 1er novembre 1999 et payées [au demandeur] pour compte [du premier défendeur]' », que, à la suite de « la réalisation d'un audit interne du ministère des Finances, l'auditeur [...] adresse un courrier, le 18 janvier 2002, [au demandeur] et expose, après examen des pièces et de la comptabilité de la conservation de ..., qu'il est établi que la conservation de ... a porté en compte à des tiers le coût des pièces établies après le [1er novembre 1999] et déposées avant cette date et qu'elle a bien encaissé le prix de ces documents ; qu'il en conclut que la conservation de ... est bien en possession d'une somme suffisante pour verser au profit du Trésor le solde du boni de 7.968.231 [francs] » et que, « à la réception de ce courrier, [le demandeur] s'exécutera et versera sans réserve sur le compte du Trésor [...] la somme de 7.968.231 [francs] ou 197.527,28 euros ».
Sur la base de ces constatations, l'arrêt décide que le demandeur « a reçu 20.581.419 [francs] pour des actes déposés alors que [le premier défendeur] était encore en fonction et pour lesquels des provisions avaient été enregistrées jusqu'à concurrence de 11.827.176 [francs] » et que « soutenir que [ce défendeur] a conservé des provisions par devers lui, sans autre preuve, est impuissant à démontrer l'existence d'une faute en lien causal avec le dommage vanté ».
Par ces énonciations, l'arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions du demandeur qui soutenaient que le premier défendeur aurait reconnu n'avoir laissé que la somme de 321.138 francs sur les comptes de la conservation au 31 octobre 1999, après avoir effectué un versement de 2.215.141 francs au profit de l'État, et permet à la Cour d'exercer son contrôle de légalité de sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
L'article 1er de l'arrêté royal du 18 septembre 1962 déterminant le salaire des conservateurs des hypothèques, modifié par l'arrêté royal du 4 mars 1998, fixe le salaire qui doit être payé au conservateur des hypothèques, en fonction des formalités à accomplir.
En vertu de l'article 7, alinéa 1er, de cet arrêté royal, les formalités hypothécaires ne sont accomplies et les renseignements délivrés qu'après paiement préalable d'une somme estimée suffisante par le conservateur pour couvrir les droits dus ainsi que les salaires présumés exigibles.
Suivant l'article 124, 1°, de la loi hypothécaire du 22 décembre 1851, les conservateurs des hypothèques doivent tenir un registre des dépôts, où sont constatés par numéro d'ordre et à mesure qu'elles s'effectuent, les remises de titres dont on requiert l'inscription ou la transcription.
L'article 126 de la même loi prévoit que les conservateurs donneront au requérant, s'il le demande, une reconnaissance sur papier timbré de la remise des actes ou bordereaux destinés à être transcrits ou inscrits, que cette reconnaissance rappellera le numéro du registre sous lequel la remise aura été inscrite et qu'ils ne pourront opérer les transcriptions et inscriptions sur les registres à ce destinés qu'à la date et dans l'ordre des remises qui leur en auront été faites.
Il s'ensuit que le salaire exigible pour l'accomplissement des actes de la publicité hypothécaire, qui doit être couvert par une provision suffisante avant l'accomplissement de ces actes, revient au conservateur des hypothèques qui a tenu les registres des dépôts où sont constatées les remises des titres dont l'inscription ou la transcription est demandée.
L'arrêt, qui, après avoir énoncé que « ce qui rend exigible le salaire du conservateur est le dépôt de la pièce à la conservation des hypothèques » et que, « le salaire doit être payé au moment où la formalité est requise et non après l'accomplissement de celle-ci », décide que la somme de 35.894 euros, que le demandeur détenait à titre de rémunération pour 3.360 pièces à traiter qui avaient été déposées lorsque le premier défendeur était conservateur des hypothèques, revient à ce dernier, ne viole pas les dispositions visées au moyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Aux termes de l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 21 ventôse an VII relative à la conservation des hypothèques, dans sa rédaction applicable, s'il y a vacance d'un bureau par mort ou autrement, le cas de démission excepté, il sera rempli provisoirement par le vérificateur ou l'inspecteur de l'enregistrement, ou bien, à leur défaut, par le plus ancien surnuméraire du bureau.
Dans la mesure où il est pris de la violation de l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 21 ventôse an VII sans indiquer en quoi la désignation du premier défendeur en qualité de conservateur des hypothèques ad interim violerait cette disposition, le moyen, en cette branche, est imprécis.
Pour le surplus, le moyen, en cette branche, est tout entier déduit de la violation vainement alléguée de l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 21 ventôse an VII.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la troisième branche :
Il résulte de la réponse au premier moyen que l'arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions du demandeur affirmant que le premier défendeur aurait admis dans ses conclusions n'avoir pas laissé la somme de 11.827.176 francs, reçue à titre de provision, sur le compte de la conservation des hypothèques.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
L'arrêt considère que le boni du compte de la conservation « appartient au conservateur sortant », qu'« un conservateur appelé à entrer en fonction reprend une situation en l'état sans retrait ni réserve » et décide que la somme de 35.894 euros réclamée par le premier défendeur, qui représente le boni du compte de la conservation, lui est due.
Par ces considérations, l'arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions du demandeur qui soutenaient que le prix des volumes non utilisés doit être déduit du boni de la conservation revenant au premier défendeur.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent septante-quatre euros nonante-huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix-huit février deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.