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28/01/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0127.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 janvier 2021, C.20.0127.F


N° C.20.0127.F
INVEST M. GESTION, société anonyme,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
1. 3R, L. & C°, société à responsabilité limitée,
2. D. L.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure

devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d...

N° C.20.0127.F
INVEST M. GESTION, société anonyme,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître François T’Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
1. 3R, L. & C°, société à responsabilité limitée,
2. D. L.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Après avoir énoncé qu’« il ressort de l'économie générale de l'accord de rémunération de success fees et de la lettre de mission signés le 12 janvier 2012 qu’il n'entrait pas dans l'intention finale des parties de confier [au défendeur] une mission de courtage ou de commissionnement devant être qualifiée d'activité commerciale », l’arrêt considère que « l'examen des faits de la cause tels qu’ils sont exposés supra permet de constater que [le défendeur] s'en [est] tenu au cadre défini par la lettre de mission ».
Il suit de ces énonciations que l’arrêt ne se fonde pas exclusivement sur les termes des documents précités mais vérifie si, de manière concrète, le défendeur, en contractant en qualité de gérant de S., a manqué aux obligations que lui impose son statut de réviseur d’entreprises et de commissaire aux comptes.
Le moyen, qui procède d’une lecture incomplète de l’arrêt, manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Dans sa rédaction applicable aux faits, l’article 458 du Code pénal punit toute personne dépositaire, par état ou par profession, des secrets qu’on lui confie, qui, hors le cas où elle est appelée à rendre témoignage en justice ou devant une commission d'enquête parlementaire et celui où la loi l’oblige à faire connaître ces secrets, les aura révélés.
En vertu de l’article 79 de la loi du 22 juillet 1953 créant un Institut des réviseurs d'entreprises et organisant la supervision publique de la profession de réviseur d'entreprises, coordonnée le 30 avril 2007, applicable, l'article 458 du Code pénal s’applique aux réviseurs d'entreprises et, aux exceptions à l’obligation du secret prévues à cet article, s’ajoute la communication d'attestations ou de confirmations opérée avec l’accord écrit de l'entreprise auprès de laquelle ils exercent leur fonction.
D’une part, le secret professionnel couvre tous les faits et informations de nature confidentielle dont le réviseur d’entreprises a connaissance du fait de sa profession ou à l’occasion de l’exercice de celle-ci. Tel est le cas des informations relatives à une société au sein de laquelle il assume la mission de commissaire aux comptes.
D’autre part, l’exception à l’obligation du secret relative à la communication d’attestations ou de confirmations ne l’autorise pas à transmettre de telles informations à des tiers mais uniquement à garantir l’exactitude d’informations déjà en possession du destinataire. L’autorisation d’attester ou de confirmer certaines informations ne porte que sur les informations visées par l’accord écrit donné par l’entreprise concernée, à l’exclusion de toute autre information.
Si l’arrêt considère que, « si [le défendeur], en sa qualité de représentant de [la défenderesse], commissaire de Partinvest, a pu transmettre à [la demanderesse] certaines informations que Partinvest, par son gérant J.-P. B., lui communiquait relativement aux difficultés et démarches en vue d’assurer son remboursement, c’est uniquement à la demande de celui-ci », il ne ressort d’aucune de ses énonciations que le défendeur aurait été autorisé à communiquer d’autres informations.
Dès lors, l’arrêt, qui relève que, « le 21 février 2013, [le défendeur], en sa qualité de représentant [de la défenderesse], commissaire de Partinvest, interpelle le gérant de Partinvest, J.-P. B. » à propos des « difficultés importantes de paiement mena[ça]nt gravement la continuité de [cette] société », décide légalement que la demanderesse « ne peut reprocher [au défendeur] de ne pas l’avoir informée de cette ‘information capitale’ », que le défendeur « ne pouvait rien divulguer de son propre chef, sans violer son secret professionnel », que la défenderesse, « en la personne [du défendeur], n'avait aucune obligation légale d'information ou de dénonciation à l'égard de [la demanderesse] qui aurait fait exception à son secret professionnel », que « cette interdiction concerne tant les ‘faits graves et concordants susceptibles de compromettre la continuité de l'entreprise’ qui ont déclenché l'application de l'article 138 du Code des sociétés que le seul fait de divulguer l’intentement de cette procédure de ‘sonnette d’alarme’ » et que « ni le contenu [du] rapport [de carence dressé à défaut d'avoir reçu les comptes annuels de Partinvest arrêtés par l’organe de gestion et le rapport de gestion] ni même son existence ne peuvent être communiqués à [la demanderesse] pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés supra concernant l’application de l'article 138 du Code des sociétés et la ‘sonnette d'alarme’ ».
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Ainsi qu’il a été dit en réponse au deuxième moyen, le secret professionnel auquel est soumis le réviseur d’entreprises qui assume la mission de commissaire aux comptes au sein d’une société lui interdit de transmettre aux tiers les informations relatives à cette société dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa fonction.
L’arrêt énonce que le défendeur, « en sa qualité de commissaire de Partinvest, ne s'est pas fait remettre une situation intermédiaire au 30 juin 2012 » et qu’« il a commis une faute au regard de l'article 137, paragraphe 2, in fine, du Code des sociétés en s'abstenant de la réclamer à J.-P. B. ».
L’arrêt, qui considère que, si le défendeur avait obtenu cette situation intermédiaire, il « n’aurait pas pu en révéler le contenu à » la demanderesse, exclut légalement tout lien de causalité entre cette faute et le prétendu dommage de la demanderesse.
Pour le surplus, en tant qu’il fait grief à l’arrêt de considérer qu’« il ne peut être affirmé aujourd’hui qu’étant en possession de cette situation intermédiaire, il aurait délibérément menti à [la demanderesse] en relayant les explications de monsieur B. sur l’impossibilité momentanée d’opérer [l]es remontées [de trésorerie ou de dividendes de la société T.-S.] », le moyen critique une appréciation en fait.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de neuf cent vingt-six euros soixante-deux centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0127.F
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Droit commercial

Analyses

Le secret professionnel couvre tous les faits et informations de nature confidentielle dont le réviseur d'entreprises a connaissance du fait de sa profession ou à l'occasion de l'exercice de celle-ci; tel est le cas des informations relatives à une société au sein de laquelle il assume la mission de commissaire aux comptes.

SECRET PROFESSIONNEL [notice1]

L'exception à l'obligation du secret professionnel relative à la communication d'attestations ou de confirmations n'autorise pas le réviseur d'entreprises à transmettre de telles informations à des tiers mais uniquement à garantir l'exactitude d'informations déjà en possession du destinataire; l'autorisation d'attester ou de confirmer certaines informations ne porte que sur les informations visées par l'accord écrit donné par l'entreprise concernée, à l'exclusion de toute autre information.

REVISEUR D'ENTREPRISE - SECRET PROFESSIONNEL [notice2]


Références :

[notice1]

L. du 22 juillet 1953 - 22-07-1953 - Art. 79 - 30 / No pub 1953072204 ;

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 458 - 01 / No pub 1867060850

[notice2]

L. du 22 juillet 1953 - 22-07-1953 - Art. 79 - 30 / No pub 1953072204 ;

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 458 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, GEUBEL SABINE, MORIS MARIELLE, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-28;c.20.0127.f ?

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