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28/01/2021 | BELGIQUE | N°C.20.0116.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 janvier 2021, C.20.0116.F


N° C.20.0116.F
D. K.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 453, où il est fait élection de domicile,
contre
M. V. B.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 11 ju

in 2015 et 9 août 2019 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le président de section Christian Storck a...

N° C.20.0116.F
D. K.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 453, où il est fait élection de domicile,
contre
M. V. B.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 11 juin 2015 et 9 août 2019 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse présente deux moyens, dont le premier est libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
Articles 1068, 1215 et 1224/2 du Code judiciaire
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt attaqué du 11 juin 2015, après avoir déclaré la cour d’appel internationalement compétente et saisie du surplus de la cause en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, renvoie la cause au rôle particulier en vue de sa redistribution à la quarante-troisième chambre de cette cour, par les motifs suivants :
« Vu les pièces de la procédure et notamment la citation originaire en liquidation-partage du régime matrimonial ayant existé entre feu P. K. et [la demanderesse], signifiée le 6 octobre 2010 [à celle-ci] par [la défenderesse] ;
[…] Sans rouvrir préalablement les débats sur la question de son pouvoir de juridiction, [… ] le premier juge déclina sa compétence internationale pour connaître de la demande tendant à la liquidation du régime matrimonial des ex-époux K., estimant qu’elle devait être diligentée devant les juridictions de la principauté de Monaco ;
[…] Il s’ensuit que c’est à tort que le premier juge a estimé pouvoir décliner sa compétence internationale et que les cours et tribunaux belges ont le pouvoir de connaître de la demande originaire en vertu de la prorogation volontaire de compétence visée à l’article 6, § 1er, alinéa 2, du Code de droit international privé […] ;
L’article 1224/2 du Code judiciaire énonce que, lorsqu’il porte sur un jugement prononcé avant l’ouverture des opérations visées à l’article 1215, l’appel n’opère pas d’effet dévolutif. Une fois cet appel tranché, la cause est renvoyée devant le premier juge ;
Contrairement à ce que soutient la [demanderesse], cette dérogation à l’effet dévolutif de l’appel n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce ;
En effet, cette disposition ne concerne que le jugement rendu avant l’ouverture des opérations, qui est donc celui qui les ordonne, qui commet un ou deux notaires-liquidateurs à cette fin et qui tranche les éventuelles contestations liminaires soulevées par les parties […], ce que n’a pas fait le jugement entrepris en statuant uniquement sur son pouvoir de juridiction ».
Griefs
Il ressort des motifs de l’arrêt attaqué du 11 juin 2015 que la citation originaire introduite par la défenderesse tendait à la liquidation-partage du régime matrimonial ayant existé entre la demanderesse et P. K., et que le jugement du 26 octobre 2012 par lequel le tribunal de première instance a décliné sa compétence internationale est un jugement rendu avant l’ouverture de la phase notariale de la liquidation-partage.
L’article 1224/2 du Code judiciaire dispose que, lorsqu’il porte sur un jugement prononcé avant l’ouverture des opérations visées à l’article 1215 de ce code, l’appel n’opère pas d’effet dévolutif et qu’une fois cet appel tranché, la cause est renvoyée au premier juge.
Il résulte de cette disposition que toutes les questions soulevées préalablement à l’ouverture de la phase notariale de la procédure doivent être réglées, le cas échéant en degré d’appel, mais sans perdre le bénéfice du double degré de juridiction pour la suite de la procédure.
Il suit de cet objectif et du libellé clair de l’article 1124/2 précité que l’absence d’effet dévolutif vaut pour l’appel interjeté contre tout jugement, sans distinction, qui a été rendu avant l’ouverture des opérations de la phase notariale.
En considérant que l’article 1224/2 du Code judiciaire « ne concerne que le jugement rendu avant l’ouverture des opérations, qui est donc celui qui les ordonne, qui commet un ou deux notaires-liquidateurs à cette fin et qui tranche les éventuelles contestations liminaires soulevées par les parties […], ce que n’a pas fait le jugement entrepris en statuant uniquement sur son pouvoir de juridiction », l’arrêt attaqué viole cette disposition.
En effet, le jugement entrepris, qui s’est limité à statuer sur la compétence internationale du tribunal de première instance, est un jugement rendu avant l’ouverture des opérations décrites à l’article 1215 du Code judiciaire.
L’arrêt attaqué n’est dès lors pas légalement justifié (violation de l’article 1224/2 du Code judiciaire).
Il viole également l’article 1215 du Code judiciaire en décidant que le jugement entrepris n’est pas un jugement prononcé avant l’ouverture des opérations visées à cet article parce qu’il n’est pas le jugement qui ordonne l’ouverture des opérations, dès lors qu’au contraire, si le jugement en question n’est pas celui qui ordonne l’ouverture des opérations visées à cette disposition, il est nécessairement prononcé avant l’ouverture desdites opérations.
Il viole en outre l’article 1068 du Code judiciaire en conférant un effet dévolutif à l’appel dont la cour d’appel était saisie alors que cet effet est exclu en vertu de l’article 1224/2 du Code judiciaire.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite de ce que la décision contre laquelle il est dirigé contredit les écritures que la demanderesse a prises devant le juge du fond et que celle-ci a, comme le constaterait l’arrêt du 9 août 2019, acquiescé à cette décision :
Il ressort des pièces de la procédure qu’avant que fût rendu l’arrêt attaqué du 11 juin 2015, la demanderesse s’est prévalue devant la cour d’appel du moyen qu’elle soumet à la Cour pour demander le renvoi de la cause au premier juge.
La circonstance qu’elle se soit, dans ses écritures ultérieures, conformée, fût-ce sans exprimer de réserve, à la décision contraire de la cour d’appel pour formuler ses demandes ne saurait la priver du droit de déférer à la censure de la Cour cette décision qui lui inflige grief ou emporter acquiescement à cette décision.
Ni en constatant que « c’est de l’accord des parties » qu’il joint en raison de leur connexité les causes sur lesquelles statuaient respectivement l’arrêt attaqué du 11 juin 2015 et l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 18 novembre 2015, ni en relevant qu’« il n’est plus contesté que les juridictions belges – et actuellement la cour d’appel de Bruxelles – sont internationalement compétentes pour statuer sur les questions restant encore en litige entre les parties », ni par aucune autre considération, l’arrêt du 9 août 2019 ne décide que la demanderesse aurait acquiescé à la décision de l’arrêt attaqué du 11 juin 2015 contre laquelle est dirigé le moyen.
La signification de cet arrêt à la défenderesse n’ôtait enfin pas à la demanderesse le droit de se pourvoir.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :
L’article 1224/2 du Code judiciaire dispose que, lorsqu’il porte sur un jugement prononcé avant l’ouverture des opérations visées à l’article 1215, l’appel n’opère pas d’effet dévolutif et que, une fois cet appel tranché, la cause est renvoyée au premier juge.
Il suit du texte même de cette disposition que la dérogation à l’effet dévolutif de l’appel qu’elle prévoit s’applique à l’appel de tout jugement rendu avant l’ouverture de la phase notariale de la procédure.
L’arrêt attaqué du 11 juin 2015, qui considère que ledit article 1224/2 « ne concerne que le jugement rendu avant l’ouverture des opérations, qui est donc celui qui les ordonne, qui commet un ou deux notaires-liquidateurs à cette fin et qui tranche les éventuelles contestations liminaires soulevées par les parties […], ce que n’a pas fait le jugement entrepris en statuant uniquement sur son pouvoir de juridiction », viole cette disposition légale.
Le moyen est fondé.
La cassation de l’arrêt attaqué du 11 juin 2015 entraîne l’annulation de l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 18 novembre 2015 dans la mesure où il renvoie le surplus de la cause sur laquelle il statue à la cour d’appel de Bruxelles et de l’arrêt de cette cour du 9 août 2019, qui sont la suite de l’arrêt cassé.
Il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Et, dès lors que la cassation n’est pas limitée à la cause dont doit, en vertu de l’article 1224/2 du Code judiciaire, connaître le tribunal de première instance, le renvoi aura lieu, conformément à l’article 1110, alinéa 1er, du Code judiciaire, devant une cour d’appel.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué du 11 juin 2015 en tant qu’il décide que l’appel de la demanderesse a saisi la cour d’appel du fond du litige et qu’il renvoie la cause au rôle en vue de sa redistribution et de sa fixation ultérieure pour plaidoiries devant la quarante-troisième chambre de celle-ci ;
Annule l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 18 novembre 2015 en tant qu’il renvoie la cause sur laquelle il statue à la cour d’appel de Bruxelles afin qu’elle soit refixée avec la cause ayant donné lieu à l’arrêt cassé ;
Annule l’arrêt du 9 août 2019 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé, de l’arrêt partiellement annulé et de l’arrêt annulé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-huit janvier deux mille vingt et un par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.20.0116.F
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Autres

Analyses

La circonstance que la demanderesse se soit, dans ses écritures ultérieures, conformée, fût-ce sans exprimer de réserve, à la décision contraire de la cour d’appel pour formuler ses demandes ne saurait la priver du droit de déférer à la censure de la Cour cette décision qui lui inflige grief ou emporter acquiescement à cette décision (1). (1) Cass. 23 mars 2018, RG F.17.0112.F, Pas. 2018, n° 203; Voir Cass. 30 juin 2016, RG F.15.0014.N, Pas. 2016, n° 437; Cass. 4 octobre 2012, RG C.11.0686.F, Pas. 2012, n° 512, avec concl. MP.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE CIVILE - Intérêt

La circonstance que la demanderesse se soit, dans ses écritures ultérieures, conformée, fût-ce sans exprimer de réserve, à la décision contraire de la cour d’appel pour formuler ses demandes ne saurait la priver du droit de déférer à la censure de la Cour cette décision qui lui inflige grief ou emporter acquiescement à cette décision (1). (1) Cass. 23 mars 2018, RG F.17.0112.F, Pas. 2018, n° 203; oir Cass. 30 juin 2016, RG F.15.0014.N, Pas. 2016, n° 437; Cass. 4 octobre 2012, RG C.11.0686.F, Pas. 2012, n° 512, avec concl. MP.

ACQUIESCEMENT

La signification à la défenderesse de l’arrêt de la cour d’appel admettant l’effet dévolutif de l’appel, rejetant ainsi le moyen de la demanderesse qui contestait cet effet, n’ôte pas à celle-ci le droit de se pourvoir contre cet arrêt.

POURVOI EN CASSATION - MATIERE CIVILE - Décisions contre lesquelles on peut se pourvoir - Généralités

La dérogation à l’effet dévolutif de l’appel que l’article 1224/2 du Code judiciaire prévoit, s’applique à l’appel de tout jugement rendu avant l’ouverture de la phase notariale de la procédure (1). (1) Cass. 16 novembre 2018, RG C.18.0112.N, Pas. 2018, n° 643.

PARTAGE - APPEL - MATIERE CIVILE (Y COMPRIS LES MATIERES COMMERCIALE ET SOCIALE) - Effets. Compétence du juge [notice4]

La cassation du premier arrêt de la cour d’appel de Bruxelles entraîne l’annulation d’un arrêt de la cour d’appel de Liège qui avait renvoyé à celle-là l’examen d’autres demandes en raison de leur connexité et du second arrêt de cette cour, qui sont la suite de l’arrêt cassé; dès lors que la cassation n’est pas limitée à la cause dont doit connaître le tribunal de première instance, le renvoi a lieu devant une autre cour d’appel.

RENVOI APRES CASSATION - MATIERE CIVILE [notice6]


Références :

[notice4]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1224/2 - 01 / No pub 1967101052

[notice6]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1110, al. 1er - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : STORCK CHRISTIAN
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : WERQUIN THIERRY
Assesseurs : DELANGE MIREILLE, GEUBEL SABINE, MORIS MARIELLE, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-01-28;c.20.0116.f ?

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