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15/12/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0570.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 décembre 2020, P.20.0570.N


N° P.20.0570.N
1. F. A.,
2. P. B.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Koenraad Van De Sijpe, avocat au barreau de Termonde.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 24 avril 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la premiÃ

¨re branche :
1. Le moyen invoque la violation de l’article 159 de la Constitution : l’arrêt refuse, à ...

N° P.20.0570.N
1. F. A.,
2. P. B.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Koenraad Van De Sijpe, avocat au barreau de Termonde.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 24 avril 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. Le moyen invoque la violation de l’article 159 de la Constitution : l’arrêt refuse, à tort, de déclarer illégal et inapplicable l’arrêté de classement portant modification en site rural ; il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que l’article 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs est violé et que le principe de précaution est méconnu en tant que principe d’une bonne administration ; le site rural « grange et son environnement » a été établi par arrêté royal du 3 septembre 1981 ; cette protection a été modifiée par arrêté ministériel du 8 septembre 2011 portant abrogation partielle et modification de l’arrêté royal du 3 septembre 1981 de protection de cinq monuments et quatre sites ruraux à Saint-Gilles-Waes (traduction libre de ‘ministerieel besluit van 8 september 2011 houdende gedeeltelijke opheffing en wijziging van heet koninklijk besluit van 3 septembre 1981 houdende bescherming van 5 monumenten en 4 dorpsgezichten te Sint-Gillis-Waas) (Sint-Pauwels)’ parce que la grange a été démolie ; l’arrêté ministériel du 8 septembre 2011 portant modification admet que l’environnement de l’ancienne grange, protégé en tant que site rural, a bel et bien une valeur historique, à savoir un site fortifié qui remonte au quatorzième siècle ; aujourd’hui, la protection porte sur « l’environnement immédiat de la grange disparue qui était située Grouwensteenstraat 25 à Saint-Gilles-Waes (Saint Paul), à savoir de facto le site de la dénommée Hof te Grouwensteen tel que délimité sur le plan en annexe » ; lorsqu’au sein d’un site rural protégé, la construction emblématique disparait de l’ensemble, l’arrêté portant modification doit comporter des motifs suffisants justifiant qu’il soit toujours question, malgré l’absence de cet édifice, d’un site rural qu’il y a lieu de protéger ; une simple phrase en guise de justification ne suffit pas ; le premier juge et la juridiction d’appel ont omis d’examiner in concreto s’il subsiste encore sur les lieux quelque chose du site historique fortifié ou d’en faire une description concrète ; selon le dossier répressif, plus rien de tangible ne subsiste de cette fortification ; il n’apparaît pas que cette fortification existerait encore en 2011 ; compte tenu de l’illégalité de l’arrêté de classement portant modification, les demandeurs pouvaient bel et bien invoquer une régime d’exemption, de sorte qu’il ne saurait être question d’une infraction.
2. Dans la mesure où il est dirigé contre la décision rendue par le premier juge et non contre l’arrêt, le moyen est irrecevable.
3. Dans la mesure où il impose un examen des faits pour lequel la Cour est sans compétence, le moyen est irrecevable.
4. Le législateur a conféré à l’administration en charge de la protection des sites ruraux un très large pouvoir discrétionnaire. Il relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration de considérer s’il est encore question d’un site rural à protéger après la disparition d’une construction au sein du site rural protégé.
5. Il n’appartient pas au juge qui, conformément à l’article 159 de la Constitution, est appelé à examiner la légalité d’un arrêté de protection portant modification, de se substituer à l’administration. Le juge doit examiner si l’administration a fait preuve de suffisamment de précaution dans sa décision et également si l’examen auquel il a été procédé à titre marginal sur le maintien du caractère nécessitant la protection du site rural est raisonnable et s’il ressort également des motifs pris en considération.
6. La Cour se borne à vérifier si le juge ne tire pas des constatations qu’il a faites des conséquences qu’elles ne sauraient justifier.
7. Les demandeurs sont poursuivis pour avoir érigé sans autorisation des constructions sur le site rural protégé de la « grange, sise Grouwensteenstraat 25, et son environnement immédiat » et avoir causé un dommage en maintenant ces constructions en état.
8. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que les actes imputés aux demandeurs ont été posés dans les limites du site rural protégé, tel qu’établies par l’arrêté royal du 3 septembre 1981 et adaptées par l’arrêté ministériel du 8 septembre 2011.
9. Adoptant les motifs du jugement dont appel et par propres motifs, l’arrêt se prononce sur l’illégalité de l’arrêté ministériel du 8 septembre 2011, invoquée par les demandeurs ainsi qu’il suit :
- un site urbain ou rural est décrit comme un groupement d’un ou plusieurs monuments ou biens immobiliers, avec leurs éléments environnants, tels que plantations, enceintes, cours d’eau, ponts, chaussées, rues et places publiques, qui sont d’intérêt général en raison de leur valeur patrimoniale ;
- par conséquent, un site urbain ou rural ne doit pas nécessairement regrouper un ou plusieurs monuments protégés individuellement ;
- un site rural peut ainsi inclure des parcelles et autres biens immobiliers qui ne sont pas dotés en tant que tels d’une valeur particulière mais qui, parce qu’ils font partie d’un groupement qui a une valeur d’intérêt général, sont repris dans un arrêté de protection comme site rural ;
- c’est la raison pour laquelle des motifs autres que celui de la protection d’un monument jouent un rôle dans la protection d’un site urbain ou rural ;
- il s’agit en l’espèce de groupements plus larges qui ont une valeur importante, pour lesquels prime précisément l’intérêt de l’ensemble bâti au sens large et non chaque façade individuelle ;
- l’arrêté de protection ne doit pas indiquer distinctement pour toute parcelle et tout bien immobilier qui relève d’un site rural protégé pour quels motifs d’intérêt général ladite parcelle ou ledit bien est protégé ;
- il suffit que les parcelles et biens concernés fassent partie d’un groupement pour lequel la valeur d’intérêt général est motivée, quelles que soient les valeurs ;
- l’arrêté ministériel du 8 septembre 2011 comporte les considérations suivantes : la grange située Grouwesteenweg 25 à Saint-Gilles-Waes protégée en tant que monument a été démolie en 1986 avec un permis indûment octroyé ; l’environnement protégé de l’ancienne grange conserve toutefois sa valeur historique, à savoir en tant que site fortifié qui remonte au quatorzième siècle ;
- dans un arrêté de protection portant modification, il est expressément tenu compte de la démolition (à laquelle il a été indûment procédé) de la grange protégée en tant que monument et de la circonstance que la reconstruction de cette grange n’est plus possible ;
- il est néanmoins considéré expressément que l’environnement de l’ancienne grange, qui bénéficie d’une protection en tant que site rural, a conservé sa valeur historique ;
- compte tenu de la référence faite au site fortifié qui remonte au quatorzième siècle, cette motivation est concrète ;
- cette motivation soutient à suffisance la décision et le fait que la motivation ne comporte qu’une seule phrase n’y fait pas obstacle.
Par ces motifs, l’arrêt peut légalement rejeter l’exception d’illégalité de l’arrêté ministériel du 8 septembre 2011 invoquée conformément à l’article 159 de la Constitution.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
10. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du quinze décembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier délégué Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Frédéric Lugentz et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0570.N
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Droit administratif - Droit constitutionnel

Analyses

Le législateur a conféré à l'administration en charge de la protection des sites ruraux un très large pouvoir discrétionnaire et il relève du pouvoir discrétionnaire de l'administration de considérer s'il est encore question d'un site rural à protéger après la disparition d'une construction au sein d'un site rural protégé; il n'appartient pas au juge qui, conformément à l'article 159 de la Constitution, est appelé à examiner la légalité d'un arrêté de protection portant modification, de se substituer à l'administration, mais il doit examiner si l'administration a fait preuve de suffisamment de précaution dans sa décision et également si l'examen auquel il a été procédé à titre marginal sur le maintien du caractère nécessitant la protection du site rural est raisonnable et s'il ressort également des motifs pris en considération (1). (1) Cass. 12 janvier 2016, RG P.15.1044.N, Pas. 2016, n° 23.

MONUMENTS ET SITES (CONSERVATION DES) - Décret du Conseil flamand du 3 mars 1976 règlant la protection des monuments et des sites urbains et ruraux - Protection des sites ruraux - Disparition d'une construction - Compétence de l'administration - Portée - POUVOIRS - POUVOIR JUDICIAIRE - Monuments et sites - Décret du Conseil flamand du 3 mars 1976 règlant la protection des monuments et des sites urbains et ruraux - Protection des sites ruraux - Classement - Arrêté de protection portant modification - Légalité - Appréciation par le juge - Portée


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-15;p.20.0570.n ?

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