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10/12/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0227.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 décembre 2020, C.19.0227.F


N° C.19.0227.F
AGENCE DE GARDIENNAGE ET DE SÉCURITÉ PROTECTOR, société anonyme, dont le siège était établi à Bruxelles, Middelweg, 101, précédemment inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0437.027.065, représentée par son ancien liquidateur, Jean Thomas, domicilié à Lessines, rue de la Station, 36,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

VILLE DE B

RUXELLES, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont étab...

N° C.19.0227.F
AGENCE DE GARDIENNAGE ET DE SÉCURITÉ PROTECTOR, société anonyme, dont le siège était établi à Bruxelles, Middelweg, 101, précédemment inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0437.027.065, représentée par son ancien liquidateur, Jean Thomas, domicilié à Lessines, rue de la Station, 36,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

VILLE DE BRUXELLES, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, en l'hôtel de ville, Grand'Place, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0207.373.429,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Woluwé-Saint-Pierre, avenue des Lauriers, 1, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt considère, d'une part, qu'« au vu de la configuration des lieux, l'expert judiciaire qualifie lui-même la zone expropriée de zone de recul comprise entre la façade et la voirie », d'autre part, que cette zone « est manifestement conçue pour créer une zone de plantations entre la voirie et l'immeuble bâti ».
Il suit de ces considérations que, si l'arrêt fait siennes les constatations relatives à la configuration des lieux sur la base desquelles l'expert a exprimé son avis sur la qualification de la zone litigieuse, la cour d'appel n'a pas abandonné cette qualification à l'expert mais a par elle-même et par des motifs propres tranché la question que lui soumettaient les parties.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

Aux termes de l'article 2, 3°, 13° et 25°, du titre Ier du règlement régional d'urbanisme de la Région de Bruxelles-Capitale, approuvé par l'arrêté du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 21 novembre 2006 arrêtant les titres Ier à VIII du règlement régional d'urbanisme applicable à tout le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, on entend : par « alignement », la limite entre la voie publique et les propriétés riveraines ; par « front de bâtisse », le plan principal formé par l'ensemble des façades avant des constructions, qui peut être dressé en recul par rapport à l'alignement, et par « zone de recul », la partie du terrain comprise entre l'alignement et le front de bâtisse.

L'article 11, § 1er, du même titre dispose que la zone de recul est aménagée en jardinet et plantée en pleine terre, et qu'elle ne comporte pas de constructions, sauf celles qui sont accessoires à l'entrée de l'immeuble tels que, notamment, les boîtes aux lettres, clôtures ou murets, escaliers ou pentes d'accès.
Il ne résulte pas de ces définitions que l'existence d'une zone de recul suppose la présence de plusieurs constructions riveraines.
Les motifs dont l'arrêt déduit que la parcelle expropriée est située en zone de recul permettent dès lors à la Cour d'exercer son contrôle de légalité.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

L'examen de la contradiction dénoncée par le moyen, en cette branche, suppose l'interprétation des dispositions légales dont l'arrêt fait application.
Ce grief n'équivaut pas à une absence de motifs et est étranger à la règle de forme prescrite à l'article 149 de la Constitution.
Le moyen, en cette branche, est, comme le soutient la défenderesse, irrecevable.

Sur le deuxième moyen :

En vertu de l'article 16 de la Constitution, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.
Conformément aux articles 1315, alinéa 1er, du Code civil et 870 du Code judiciaire, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Il s'ensuit que la partie expropriée, qui réclame la juste réparation de son dommage, doit établir le caractère légitime de ce dommage.
Dans la mesure où il repose sur le soutènement contraire, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, l'arrêt constate que « l'expert judiciaire n'alloue aucune indemnité pour une grille coulissante à commande électrique placée sans autorisation » mais qu'il retient une indemnisation pour les clôtures. Il relève à cet égard que la demanderesse n'établit pas que « le treillis plastifié avec poteaux intermédiaires et portillon bénéficie de l'autorisation urbanistique requise » et qu'elle n'a pas davantage sollicité un permis de régularisation « en reprochant à tort à [la défenderesse] de l'avoir privée de [cette] possibilité [...] pour ne pas avoir dénoncé l'irrégularité de la situation » alors qu'« il [lui] appartenait de s'assurer que ces éléments étaient autorisés, soit qu'elle les ait placés elle-même, soit qu'elle en ait fait l'acquisition auprès du précédent propriétaire ». Il en déduit que « l'indemnité allouée par l'expert judiciaire est donc ramenée à [...] 13.490 euros ».
Par ces considérations, qui permettent à la Cour d'exercer son contrôle, l'arrêt donne à connaître que la demande d'indemnisation pour l'installation litigieuse vise le maintien d'une situation illicite dès lors que celle-ci ne bénéficie pas de l'autorisation requise et qu'aucune demande de régularisation n'a été introduite.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

La partie expropriée dispose librement de l'indemnité qui lui est due par application de l'article 16 de la Constitution et le montant de cette indemnité ne peut varier en fonction de l'usage que cette partie en fera.
L'arrêt attaqué, qui exclut de l'indemnité d'expropriation une indemnité de remploi « du fait de [la] liquidation [de la demanderesse] et en l'absence de tout élément de preuve concret permettant de considérer que, nonobstant cette liquidation, elle projette réellement de faire l'acquisition d'un autre bien pour y installer ses bureaux », viole l'article 16 de la Constitution.
Le moyen est fondé.

Quant à l'étendue de la cassation :

La cassation de la décision de refuser à la demanderesse une indemnité de remploi s'étend à la décision de refuser de lui allouer des intérêts d'attente, qui en est la suite.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il refuse à la demanderesse une indemnité de remploi et des intérêts d'attente, et qu'il statue sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne la demanderesse aux deux tiers des dépens et en réserve le surplus pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent huit euros quatre-vingt-huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal,
Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix septembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0227.F
Date de la décision : 10/12/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-10;c.19.0227.f ?

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