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24/11/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0881.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 novembre 2020, P.20.0881.N


N° P.20.0881.N
E. D.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Dante Mignolet, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 juillet 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen invoque la violation

de l’article 5, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales...

N° P.20.0881.N
E. D.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
Me Dante Mignolet, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 juillet 2020 par la cour d’appel d’Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen invoque la violation de l’article 5, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : le demandeur soutient que l’arrêt ordonne, à tort, son internement au lieu de le renvoyer devant le tribunal correctionnel ; ce tribunal peut décider de l’opportunité d’un internement mais aussi d’autres mesures alternatives telles qu’une peine avec sursis probatoire ou une peine de probation autonome ; la chambre des mises en accusation peut en revanche uniquement décider de l’internement ; l’article 5, § 1er, de la Convention requiert pourtant, avant d’ordonner une mesure privative de liberté, qu’il soit établi que d’autres mesures moins contraignantes ne peuvent assurer à suffisance la protection de l’intégrité physique ou psychique de tiers.
2. L’article 2, alinéa 1er, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement décrit l’'internement de personnes atteintes d'un trouble mental comme étant une mesure de sûreté destinée à la fois à protéger la société et à faire en sorte que soient dispensés à la personne internée les soins requis par son état en vue de sa réinsertion dans la société. Selon l’article 2, alinéa 2, de la loi du 5 mai 2014, compte tenu du risque pour la sécurité et de l'état de santé de la personne internée, celle-ci se verra proposer les soins dont elle a besoin pour mener une vie conforme à la dignité humaine, ces soins devant lui permettre de se réinsérer le mieux possible dans la société et étant dispensés, lorsque cela est indiqué et réalisable, par le biais d'un trajet de soins de manière à être adaptés à la personne internée.
3. Selon l’article 9 de la loi du 5 mai 2014, les juges d’instruction, tout comme les juridictions de jugement, peuvent, après qu'a été effectuée une expertise psychiatrique médicolégale ou après l'actualisation d'une telle expertise, ordonner l’internement d’une personne 1° qui a commis un crime ou un délit portant atteinte à ou menaçant l'intégrité physique ou psychique de tiers, et 2° qui, au moment de la décision, est atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, et 3° pour laquelle le danger existe qu'elle commette de nouveaux faits tels que visés au 1° en raison de son trouble mental, éventuellement combiné avec d'autres facteurs de risque.
4. Les juridictions d’instruction et de jugement ne peuvent décider de l’internement que lorsque ces conditions cumulées sont remplies. Les conditions pour ordonner l’internement ne diffèrent pas selon que la décision est rendue par la juridiction d’instruction ou de jugement.
5. Selon l’article 10 de la loi du 5 mai 2014, lorsque la juridiction d’instruction ou de jugement interne l’intéressé, alors qu’il n’est pas ou plus en détention, elle peut ordonner son incarcération immédiate s’il est à craindre qu’il tente de se soustraire à l’exécution de la mesure de sûreté ou s’il est à craindre qu’il représente un danger sérieux et immédiat pour l’intégrité physique ou psychique de tiers ou pour lui-même. Cette décision doit préciser les circonstances qui justifient cette crainte.
6. Dès que la décision d’internement prise par la juridiction d’instruction ou de jugement est définitive, la chambre de protection sociale, en tant que juridiction spécialisée et multidisciplinaire, se prononce à bref délai et ensuite périodiquement sur le mode d’exécution de la décision d’internement, selon les procédures prévues par la loi du 5 mai 2014. Cette chambre peut décider soit du placement de l’interné, le cas échéant assorti de l’octroi de permissions de sortie, d’un congé ou d’une détention limitée, soit de l’octroi d’une surveillance électronique, soit de l’octroi d’une libération à l’essai, soit de l’octroi d’une libération anticipée en vue de l’éloignement du territoire ou en vue de la remise, et soit d’une libération définitive, sous réserve qu’il soit satisfait aux conditions légalement prévues.
7. Il résulte de ce qui précède qu’une décision d’internement n’implique pas nécessairement la privation de liberté d’un interné.
8. Selon l’article 5, § 1er, e), de la Convention, nul ne peut être privé de sa liberté, sauf s’il s’agit de la détention régulière d’aliénés et selon les voies légales. Il résulte de cette disposition que la privation de liberté d’un aliéné n’est justifiée que s’il appert que d’autres mesures moins contraignantes ont été prises en considération et n’ont pas été estimées suffisantes pour protéger l’intérêt individuel ou public.
9. La disposition conventionnelle ainsi interprétée n’empêche pas la juridiction d’instruction de décider de l’internement si les conditions légalement prévues sont observées et il appartient ensuite à la chambre de protection sociale de déterminer de quelle manière la mesure de sûreté sera exécutée concrètement et, en particulier, si la privation de liberté est nécessaire. Il ne résulte nullement de la disposition conventionnelle visée au moyen que la décision d’internement serait réservée à une juridiction qui peut également prononcer des peines avec sursis probatoire ou une peine de probation autonome.
10. Le moyen qui est déduit d’autres prémisses juridiques, manque en droit.
Le contrôle d’office
11. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0881.N
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public

Analyses

Les juridictions d'instruction et de jugement ne peuvent décider de l'internement que lorsque les conditions cumulées prévues à l'article 9 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement sont remplies et ces conditions pour ordonner l'internement ne diffèrent pas selon que la décision est rendue par la juridiction d'instruction ou de jugement (1). (1) H. HEIMANS, T. VANDER BEKEN et E. SCHIPAANBOORD, « Eindelijk een echte nieuwe en goede wet op de internering? » Deel I: De gerechtelijke fase, RW 2014-2015, 1043-1064, Deel II: De uitvoeringsfase, RW 2015-2016, 42-62, Deel III: De reparatie, RW 2016-2017, 603-619 ; T. VANDER BEKEN, « De nieuwe interneringswetgeving », dans P. TRAEST, A. VERHAGE et G VERMEULEN (éd.), Strafrecht en strafproces- recht: doel of middel in een veranderende samenleving, Malines, Wolters Kluwer, 2017.

DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Juridiction de jugement - Conditions - Portée - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - Internement - Conditions - Portée [notice1]

Selon l'article 10 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, lorsque la juridiction d'instruction ou de jugement interne l'intéressé, alors qu'il n'est pas ou plus en détention, elle peut ordonner son incarcération immédiate s'il est à craindre qu'il tente de se soustraire à l'exécution de la mesure de sûreté ou s'il est à craindre qu'il représente un danger sérieux et immédiat pour l'intégrité physique ou psychique de tiers ou pour lui-même et cette décision doit préciser les circonstances qui justifient cette crainte ; dès que la décision d'internement prise par la juridiction d'instruction ou de jugement est définitive, la chambre de protection sociale, en tant que juridiction spécialisée et multidisciplinaire, se prononce à bref délai et ensuite périodiquement sur le mode d'exécution de la décision d'internement, selon les procédures prévues par la loi du 5 mai 2014, et elle chambre peut décider soit du placement de l'interné, le cas échéant assorti de l'octroi de permissions de sortie, d'un congé ou d'une détention limitée, soit de l'octroi d'une surveillance électronique, soit de l'octroi d'une libération à l'essai, soit de l'octroi d'une libération anticipée en vue de l'éloignement du territoire ou en vue de la remise et soit d'une libération définitive, sous réserve qu'il soit satisfait aux conditions légalement prévues, de sorte qu'une décision d'internement n'implique pas nécessairement en soi une privation de liberté d'un interné (1). (1) H. HEIMANS, T. VANDER BEKEN et E. SCHIPAANBOORD, « Eindelijk een echte nieuwe en goede wet op de internering ? » Deel I: De gerechtelijke fase, RW 2014-2015, 1043-1064, Deel II: De uitvoeringsfase, RW 2015-2016, 42-62, Deel III: De reparatie, RW 2016-2017, 603-619 ; T. VANDER BEKEN, « De nieuwe interneringswetgeving », dans P. TRAEST, A. VERHAGE et G VERMEULEN (éd.), Strafrecht en strafproces- recht: doel of middel in een veranderende samenleving, Malines, Wolters Kluwer, 2017.

DEFENSE SOCIALE - INTERNEMENT - Privation de liberté de l'interné - Conditions - Portée - Conséquence - DEFENSE SOCIALE - CHAMBRE DE PROTECTION SOCIALE - Internement - Exécution - Modalités - Portée - Conséquence [notice3]

Il résulte de l'article 5, § 1er, e, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la privation de liberté d'un aliéné n'est justifiée que s'il appert que d'autres mesures moins contraignantes ont été prises en considération et n'ont pas été estimées suffisantes pour protéger l'intérêt individuel ou public, mais cette disposition conventionnelle n'empêche pas la juridiction d'instruction de décider de l'internement si les conditions légalement prévues sont observées et il appartient ensuite à la chambre de protection sociale de déterminer de quelle manière la mesure de sûreté sera exécutée concrètement et, en particulier, si la privation de liberté est en outre nécessaire ; il ne résulte nullement de la disposition conventionnelle que la décision d'internement serait réservée à une juridiction qui peut également prononcer des peines avec sursis probatoire ou une peine de probation autonome (1). (1) H. HEIMANS, T. VANDER BEKEN et E. SCHIPAANBOORD, « Eindelijk een echte nieuwe en goede wet op de internering? » Deel I: De gerechtelijke fase, RW 2014-2015, 1043-1064, Deel II: De uitvoeringsfase, RW 2015-2016, 42-62, Deel III: De reparatie, RW 2016-2017, 603-619 ; T. VANDER BEKEN, « De nieuwe interneringswetgeving », dans P. TRAEST, A. VERHAGE et G VERMEULEN (éd.), Strafrecht en strafproces- recht: doel of middel in een veranderende samenleving, Malines, Wolters Kluwer, 2017.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 5 - Article 5, § 1er - Article 5, § 1er, e - Privation de liberté d'un aliéné - Conditions - Portée - Conséquence - DEFENSE SOCIALE - MODALITES D'EXECUTION DE L'INTERNEMENT - Privation de liberté - Portée - Conséquence - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - Internement - Privation de liberté - Conditions - Portée - Conséquence [notice5]


Références :

[notice1]

L. du 5 mai 2014 relative à l'internement - 05-05-2014 - Art. 9 - 11 / No pub 2014009316

[notice3]

L. du 5 mai 2014 relative à l'internement - 05-05-2014 - Art. 10 - 11 / No pub 2014009316

[notice5]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 5, § 1er, e - 30 / Lien DB Justel 19501104-30


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-11-24;p.20.0881.n ?

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