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24/11/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0761.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 novembre 2020, P.20.0761.N


N° P.20.0761.N
C. M.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Joachim Douwen, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 14 février 2020 par le tribunal correctionnel d’Anvers, division Malines, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :

1. Le moyen invoque la violation des droits de la défense : les juges d’appel ont fondé leur décision s...

N° P.20.0761.N
C. M.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Me Joachim Douwen, avocat au barreau d’Anvers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 14 février 2020 par le tribunal correctionnel d’Anvers, division Malines, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.
L’avocat général Alain Winants a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen invoque la violation des droits de la défense : les juges d’appel ont fondé leur décision sur des éléments de fait ou des informations que la demanderesse n’a pu contredire ; il n’est pas évident de savoir sur quels éléments ils se sont fondés pour établir que la demanderesse aurait eu une baisse de sa capacité sensorielle et une perception troublée au moment de l’accident.
2. Le juge peut fonder sa conviction sur des éléments de fait généralement connus qui reposent sur l’expérience générale et qu’il n’a donc pas dû apprendre en dehors des débats. Ces éléments de fait généralement connus relèvent toujours des débats justement parce qu’ils sont notoirement connus.
3. Il est de notoriété publique qu’un état d’intoxication peut conduire à une baisse de la capacité sensorielle et à une perception troublée.
4. En considérant que la diminution des sens et la perception troublée ensuite d’une intoxication alcoolique constatée par un test sanguin peuvent également expliquer pourquoi la demanderesse n’a pas remarqué l’autre conducteur, les juges d’appel ne se sont pas basés sur des connaissances personnelles ou sur des éléments de fait qu’ils ont obtenus en dehors des débats et que la demanderesse n’a pu contredire.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
5. Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution, 195, alinéa 2, et 211 du Code d’instruction criminelle : les juges d’appel se sont bornés à une vague description générale de la motivation ; la peine doit être individuelle et motivée, en tenant compte des éléments concrets de la cause.
6. Il résulte de l’article 195, alinéa 7, du Code d’instruction criminelle que, devant le tribunal correctionnel qui statue en degré d’appel, l’obligation de motivation particulière prescrite par le deuxième alinéa de ladite disposition s’applique uniquement à la déchéance du droit de conduire et à la mesure de sûreté qui y est associée consistant à subordonner la réintégration dans ce droit de conduire à la réussite d’examens. Par conséquent, cette obligation de motivation particulière ne s’applique pas aux autres peines telles que la peine d’emprisonnement et l’amende.
7. L’obligation de motivation particulière incombant au tribunal correctionnel en tant que juridiction d’appel s’applique uniquement si la loi laisse à la libre appréciation du juge la décision portant sur le droit de conduire et la mesure de sûreté qui y est associée consistant à subordonner la réintégration dans ce droit à la réussite d’examens. Par conséquent, l’obligation de motivation particulière n’existe pas pour une peine ou une mesure obligatoire.
8. Dans la mesure où il est déduit d’autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.
9. Le jugement attaqué condamne la demanderesse du chef de coups et blessures involontaires causés lors d’un accident de la circulation (articles 418 et 420 du Code pénal) et de conduite en état d’imprégnation alcoolique (article 34, § 2, 1°, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière) et en situation de nouvelle récidive (article 36 de la loi du 16 mars 1968). Du chef de ces faits, il déclare la demanderesse déchue du droit de conduire tous les véhicules à moteur pour une période de six mois, la réintégration dans le droit de conduire étant subordonnée à la réussite des quatre examens.
10. Selon l’article 38, § 2, alinéas 5 et 6, de la loi du 16 mars 1968, s'il condamne simultanément du chef d'une infraction à l'article 420 du Code pénal et d'une infraction à l’articles 36 de la loi du 16 mars 1968, le juge est tenu de prononcer la déchéance du droit de conduire pour une période de six mois au moins et de subordonner la réintégration dans le droit de conduire à la réussite des quatre examens.
11. La décision des juges d’appel de prononcer une déchéance du droit de conduire et de subordonner la réintégration dans ce droit à la réussite d’examens n’était pas laissée à leur libre appréciation par le législateur. Ils n’étaient pas davantage tenus de motiver cette décision comme le requiert l’article 195, alinéas 2 et 7, de la loi du 16 mars 1968.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
(…)
Le contrôle d’office
17. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision ne comporte aucune illégalité qui puisse porter préjudice à la demanderesse.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué, en tant qu’il impose à la demanderesse une indemnité de 53,58 euros telle que visée à l’article 91, alinéa 2, de l’arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive et qu’il tient compte, pour sa condamnation aux frais de la procédure pénale en degré d’appel s’élevant à 77,47 euros, de la majoration de 10 pour cent, visée à l’article 91, alinéa 1er, dudit arrêté royal du 28 décembre 1950, à savoir 7,04 euros ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne la demanderesse à neuf dixièmes des frais ;
Laisse le surplus des frais à charge de l’État ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Alain Winants, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Ignacio de la Serna et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0761.N
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Autres - Droit pénal

Analyses

Il est notoriété publique qu'un état d'intoxication peut conduire à une baisse de la capacité sensorielle et à une perception troublée (1). (1) Cass. 23 juin 2020, RG P.20.0346.N, Pas. 2020, n° 439 (concernant les campagnes de sensibilisation sur les excès de vitesse) ; Cass. 24 mars 2020, RG P.20.0320.N, Pas. 2020, n° 212 (concernant la pandémie du coronavirus) ; Cass. 13 septembre 2016, RG P.16.0396.N, Pas. 2016, n° 484 (concernant le terrorisme), N.C. 2018 (4), 384 et la note A. WINANTS, « De strijd tegen het terrorisme en de eerbiediging van de algemene rechtsbeginselen ».

MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - GENERALITES - Motivation - Eléments sur lesquels le juge fonde sa décision - Droits de la défense - Contradiction - Eléments de notoriété publique - Roulage - État d'intoxication - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Motivation des jugements et arrêts - Eléments sur lesquels le juge fonde sa décision - Contradiction - Eléments de notoriété publique - Roulage - État d'intoxication

L'obligation de motivation particulière incombant au tribunal correctionnel en tant que juridiction d'appel s'applique uniquement si la loi laisse à la libre appréciation du juge la décision portant sur le droit de conduire et la mesure de sûreté qui y est associée consistant à subordonner la réintégration dans ce droit à la réussite d'examens et, par conséquent, l'obligation de motivation particulière n'existe pas pour une peine ou une mesure imposée, ce qui est le cas, conformément à l'article 38, § 2, alinéas 5 et 6, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, si le juge condamne simultanément du chef d'une infraction à l'article 420 du Code pénal et du chef d'une infraction à l'articles 36 de la loi du 16 mars 1968 (1). (1) Comp. Cass. 5 septembre 2017, RG P.16.1312.N, AC 2017, n° 444, lorsque la peine ou la mesure est laissée à la libre appréciation du juge.

MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - Appel - Peine - Déchéance du droit de conduire, durée et mesures qui y sont liées - Obligation de motivation - Etendue - APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Procédure en degré d'appel - Peine - Déchéance du droit de conduire, durée et mesures qui y sont liées - Obligation de motivation - Etendue - PEINE - AUTRES PEINES - Divers - Déchéance du droit de conduire, durée et mesures qui y sont liées - Appel - Obligation de motivation - Etendue - ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 38 - Article 38, § 2, alinéas 5 et 6 - Déchéance du droit de conduire - Obligation de motivation de la juridiction d'appel - Portée - Conséquence [notice3]


Références :

[notice3]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 195, al. 2 et 3 - 30 / No pub 1808111701


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-11-24;p.20.0761.n ?

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