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18/11/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0012.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 novembre 2020, P.20.0012.F


N° P.20.0012.F
I. COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Magda Vandebotermet, avocat au barreau de Bruxelles, et représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

II. ETABLISSEMENT NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (France Agri Mer), établissement public de droit français, dont le siège est établi à Montreuil-sous-Bois (France), rue Henry

Rol-Tanguy, 12,
partie civile,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Hu...

N° P.20.0012.F
I. COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Magda Vandebotermet, avocat au barreau de Bruxelles, et représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

II. ETABLISSEMENT NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (France Agri Mer), établissement public de droit français, dont le siège est établi à Montreuil-sous-Bois (France), rue Henry Rol-Tanguy, 12,
partie civile,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et ayant pour conseil Maître Anne-Julie Parquet, avocat au barreau de Mons,
les deux pourvois contre

1. UNION INVIVO, union de coopératives agricoles de droit français,
représentée par Maître Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Woluwe-Saint-Pierre, avenue des Lauriers, 1, où il est fait élection de domicile,
2. GLENCORE GRAIN ROTTERDAM B.V., société de droit néerlandais, dont le siège est établi à Rotterdam (Pays-Bas), Blaak, 31,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
prévenues,
défenderesses en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 novembre 2019 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle, statuant comme juridiction de renvoi ensuite d'un arrêt de la Cour du 28 mai 2014.
La demanderesse invoque deux moyens et le demandeur en invoque un, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 4 novembre 2020, L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 18 novembre 2020, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Par un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 6 mai 2013, les défenderesses ont été définitivement reconnues coupables de faits de corruption et de violation du secret professionnel. L'arrêt attaqué statue sur les actions civiles exercées par les demandeurs, tendant à les voir condamner au remboursement des restitutions aux exportations agricoles indûment obtenues à la suite de la commission des faits.

A. Sur le pourvoi de la Commission des Communautés européennes :

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la première défenderesse et déduite de la circonstance qu'il est dirigé contre des motifs surabondants de l'arrêt attaqué :

La demanderesse reproche notamment aux juges d'appel d'avoir méconnu la notion de lien causal en considérant que le dommage allégué ne résulte pas des infractions mais s'identifie intégralement à une obligation de remboursement découlant de la réglementation européenne.

L'examen de la fin de non-recevoir n'est pas dissociable de celui du moyen lui-même.

La fin de non-recevoir ne peut dès lors être accueillie.

Sur la demande de renvoi préjudiciel formulée par la seconde défenderesse dans la note en réponse aux conclusions du ministère public, déposée le 16 novembre 2020 en application de l'article 1107 du Code judiciaire :

La défenderesse entend soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question de savoir, en substance, si l'autorité qui a payé des subventions obtenues par la corruption et la violation du secret professionnel, peut réclamer la réparation du dommage causé par ces infractions, en agissant sur la base de l'article 1382 du Code civil, après avoir épuisé les voies de recours que lui offre la réglementation européenne.

La question n'est pas préjudicielle. Une fois acquis l'épuisement des possibilités propres de recouvrement résultant de la réglementation européenne, la question de savoir si le dommage peut encore, ou non, être postulé devant le juge répressif national en tant que préjudice causé par l'infraction, ne dépend plus, pour sa solution, que de l'interprétation de la règle de droit interne.

Il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à la demande de renvoi préjudiciel.

Le moyen est pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil et 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale dans sa version avant la modification par la loi du 8 juin 2017.

La demanderesse soutient qu'en considérant que les restitutions aux exportations agricoles indûment versées ne constituent pas un dommage dont elle pourrait solliciter le remboursement devant le juge pénal au motif qu'elle dispose d'une possibilité propre de réparation issue de la règlementation européenne, l'arrêt méconnaît la notion d'action civile susceptible d'être poursuivie devant le juge pénal.

Conformément à l'article 4, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, tel qu'applicable à la présente cause, l'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique.

L'action civile est exercée devant la juridiction répressive par toute personne qui peut se prétendre personnellement lésée par l'infraction, objet de l'action publique, soit par quiconque justifie avoir pu être victime de cette infraction.

L'arrêt considère que la règlementation européenne prévoit une possibilité propre de recouvrement, que l'objet de cette mesure administrative visée à l'article 4 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/1995 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne se confond avec l'objet de la demande de la partie civile et que, dans de telles conditions, le montant des restitutions indûment versées ne constitue pas, en tant que tel, un dommage dont la demanderesse pourrait solliciter le remboursement par la voie d'une action civile exercée devant le juge répressif dès lors qu'elle dispose d'une possibilité propre de réparation issue de la règlementation européenne. L'arrêt ajoute que la demanderesse n'établit pas que l'octroi des restitutions à l'exportation de produits céréaliers aux défenderesses, à la faveur d'infractions ayant faussé la concurrence, ait, en soi, entraîné un coût spécifique pour le budget communautaire, pour lequel elle ne bénéficie d'aucun mode de réparation propre.

Ces considérations n'excluent pas légalement l'existence d'un lien de causalité entre les décaissements effectués par la demanderesse au profit des défendeurs et les faits déclarés établis dans leur chef.

Le moyen est fondé.

B. Sur le pourvoi de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer :

Sur le moyen :

Quant aux première et troisième branches réunies :

Sur la fin de non-recevoir opposée à la première branche du moyen et déduite de la circonstance qu'elle est dirigée contre des motifs surabondants de l'arrêt attaqué :

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie dès lors que son examen n'est pas dissociable de celui du moyen.

Sur la demande de renvoi préjudiciel formulée par la seconde défenderesse :

Pour les motifs donnés ci-dessus, dans l'examen du pourvoi de la Commission des communautés européennes, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande de renvoi.

Le moyen est pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, et des articles 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale dans sa version avant la modification par la loi du 8 juin 2017.

Le demandeur soutient qu'en considérant que les restitutions aux exportations agricoles indûment versées ne constituent pas un dommage dont il pourrait solliciter le remboursement devant le juge pénal au motif qu'il dispose d'une possibilité propre de réparation issue de la règlementation européenne, l'arrêt méconnaît tant la notion d'action civile susceptible d'être poursuivie devant le juge pénal (première branche) que celle de dommage réparable (troisième branche).

Conformément à l'article 4, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, tel qu'applicable en l'espèce, l'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique.

L'action civile est exercée devant la juridiction répressive par toute personne qui peut se prétendre personnellement lésée par l'infraction, objet de l'action publique, soit par quiconque justifie avoir pu être victime de cette infraction.

Au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, le dommage consiste dans l'atteinte à tout intérêt ou en la perte de tout avantage légitime. Il suppose que la victime du fait illicite se trouve, après celui-ci, dans une situation moins favorable qu'avant.

L'arrêt considère que la règlementation européenne prévoit une possibilité propre de recouvrement, que l'objet de cette mesure administrative visée à l'article 4 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/1995 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne se confond avec l'objet de la demande de la partie civile et que, dans de telles conditions, le montant des restitutions indûment versées ne constitue pas, en tant que tel, un dommage dont le demandeur pourrait solliciter le remboursement par la voie d'une action civile exercée devant le juge répressif dès lors qu'il dispose d'une possibilité propre de réparation issue de la règlementation européenne. L'arrêt ajoute que la demanderesse n'établit pas que l'octroi des restitutions à l'exportation de produits céréaliers aux défenderesses, à la faveur d'infractions ayant faussé la concurrence, ait, en soi, entraîné un coût spécifique pour le budget communautaire, pour lequel elle ne bénéficie d'aucun mode de réparation propre.

Ces considérations n'excluent pas légalement l'existence d'un dommage en relation avec les aides payées aux défenderesses, ni celle d'un lien causal entre les décaissements et les faits déclarés établis.

Le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0012.F
Date de la décision : 18/11/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-11-18;p.20.0012.f ?

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