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17/11/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0758.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 novembre 2020, P.20.0758.N


N° P.20.0758.N
I. 1. S. V.T.,
2. P. V.T.,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand,
II. LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE GAND,
demandeur en cassation,
les pourvois contre
E. M.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 19 juin 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
Les demandeurs I invoquent deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée confo

rme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme...

N° P.20.0758.N
I. 1. S. V.T.,
2. P. V.T.,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand,
II. LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE GAND,
demandeur en cassation,
les pourvois contre
E. M.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 19 juin 2020 par la cour d’appel de Gand, chambre correctionnelle.
Les demandeurs I invoquent deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen du demandeur II :
1. Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution : le demandeur soutient que les motifs que l’arrêt comporte ne permettent pas à la Cour d’exercer son contrôle de légalité concernant l’abandon des poursuites du chef des faits qualifiés sous la prévention G ; le juge a le devoir de donner aux faits dont il est saisi leur qualification exacte ; les faits décrits sous la prévention G peuvent être qualifiés d’attentat à la pudeur commis sans violences ni menaces sur la personne d’un mineur âgé de plus de 16 ans, soit une infraction à l’article 372, alinéa 2, du Code pénal ; l’arrêt constate que le défendeur est le beau-père de la demanderesse I.1 ; il existe une présomption irréfragable d’absence de consentement pour une telle prévention ; les motifs de l’arrêt ne permettent pas de savoir avec certitude si l’abandon des poursuites du chef des faits éventuellement requalifiés sous la prévention G se fonde sur un doute quant à savoir si les actes sexuels ont commencé avant ou après le dix-huitième anniversaire de la demanderesse I.1 ou sur un doute quant à l’absence de consentement de la demanderesse I.1 pour les faits qui auraient été commis pendant la période située entre son seizième et son dix-huitième anniversaire.
2. En matière correctionnelle et de police, l’ordonnance de renvoi rendue par la juridiction d’instruction ou la citation à comparaître devant la juridiction de jugement ne saisissent pas cette juridiction de la qualification qui y figure, mais des faits tels qu’ils ressortent des pièces de l’instruction et qui ont justifié l’acte de saisine. Cette qualification est provisoire et la juridiction de jugement doit, moyennant le respect des droits de défense des parties, donner à ces faits leur qualification exacte. Cette obligation vaut également devant la juridiction d’appel.
3. L’article 372, alinéa 2, du Code pénal punit l’attentat à la pudeur, sans violences ni menaces, si le coupable cohabite habituellement ou occasionnellement avec la victime et a autorité sur elle. Un beau-père peut être cette personne au sens de ces dispositions.
4. Il existe pour cette prévention une présomption irréfragable d’absence de consentement.
5. Le défendeur est poursuivi du chef de la prévention G pour l’attentat à la pudeur commis avec violences ou menaces sur la demanderesse I.1, à savoir une personne mineure de plus de 16 ans accomplis, soit une infraction à l’article 373, alinéa 2, du Code pénal.
6. L’arrêt constate que le défendeur est le beau-père de la demanderesse I.1.
7. L’arrêt considère que les éléments du dossier ne permettent pas humainement de conclure avec certitude à l’absence de consentement dans le chef de la demanderesse I.A aux actes sexuels posés par le défendeur, que la déclaration du défendeur selon laquelle il entretenait avec la demanderesse I.1 une relation secrète depuis ses 17 ou 18 ans n’est pas dénuée de toute crédibilité et qu’il n’existe aucune certitude quant au fait de savoir si les premières relations sexuelles avec la demanderesse I.1 se situent avant ou après son dix-huitième anniversaire. Par ces motifs, il prononce le non-lieu à l’égard du défendeur pour les faits qualifiés sous la prévention G.
8. L’arrêt qui constate que le défendeur est le beau-père de la demanderesse I.1, mais qui n’examine pas s’il doit être considéré comme une personne qui, au moment des faits qualifiés sous la prévention G, cohabitait habituellement ou occasionnellement avec la victime et avait autorité sur elle, et s’il n’y avait également pas lieu, par conséquent, d’apprécier le caractère répréhensible de ces faits à l’aune de l’article 372, alinéa 2, du Code pénal, ne permet pas à la Cour d’exercer son contrôle de légalité.
Le moyen est fondé.
Sur l’étendue de la cassation :
9. La cassation du non-lieu prononcé à l’égard du défendeur pour les faits qualifiés sous la prévention G entraîne la cassation de la décision par laquelle les actions civiles des demandeurs I sont déclarées non fondées en tant qu’elles reposent sur ces faits, qui en découle effectivement.
Sur le second moyen des demandeurs I :
10. Le moyen est pris de la violation des article 149 de la Constitution, 372, alinéa 2, et 373, alinéa 2, du Code pénal : les demandeurs reprochent à l’arrêt de prononcer l’acquittement du défendeur du chef de la prévention G et déclare les actions civiles non fondées parce qu’il existe un doute quant à la question de savoir si la demanderesse I.1 aurait ou non consenti aux actes sexuels, alors que, pour les faits de la prévention G, il existe une présomption irréfragable d’absence de consentement ; l’arrêt omet de requalifier ces faits en infraction à l’article 372, alinéa 2, du Code pénal ; il n’est pas motivé à suffisance parce que les motifs qu’il énonce ne permettent pas à la Cour d’exercer le contrôle de légalité requis, notamment sur la question de savoir si l’acquittement prononcé du chef de la prévention G est fondé sur le doute quant à l’existence de consentement ou sur le doute quant au moment des premières relations sexuelles, à savoir avant ou après la majorité ; l’arrêt ne répond pas à la défense des demandeurs I qui invoque que la déclaration du défendeur selon laquelle il n’a été question de rapports sexuels qu’à partir de la majorité de la demanderesse I.1 est simplement dictée par le fait qu’il était conscient des dispositions pénales.
11. Compte tenu de la cassation à prononcer ci-après de la décision par laquelle les actions civiles des demandeurs I sont déclarées non fondées, en ce qu’elles reposent sur les faits décrits sous la prévention G, il n’y a pas lieu de répondre au moyen.
Sur le premier moyen des demandeurs I :
12. Le moyen est pris de la violation des articles 373 et 375 du Code pénal : l’arrêt considère qu’il n’est pas question d’attentat à la pudeur ou de viol de la demanderesse I.1, acquitte le défendeur du chef des préventions D, E, G et H et déclare les actions civiles non fondées, sans vérifier si la demanderesse I.1 avait in concreto les ressources physiques et mentales suffisantes pour ne pas consentir à une liaison sexuelle avec le défendeur, dont l’existence est admise par l’arrêt à partir de son dix-septième ou dix-huitième anniversaire ; entretenir une relation n’exclut pas une absence de consentement au sens de l’article 375 du Code pénal et une absence de violences ou de menaces au sens de l’article 373 du même code.
13. Compte tenu de la cassation à prononcer ci-après de la décision par laquelle les actions civiles des demandeurs I sont déclarées non fondées, en ce qu’elles reposent sur les faits décrits sous la prévention G, il n’y a pas lieu de répondre au moyen.
14. À défaut de conclusions en ce sens, le juge, lorsqu’il apprécie la question de savoir si un prévenu s’est rendu coupable de faits qualifiés d’attentat à la pudeur commis avec violences ou menaces ou de viol sur la personne d’un mineur âgé de plus de 16 ans, ne doit pas expressément indiquer avoir accompli le contrôle visé par le moyen.
Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office pour le surplus :
15. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué, en tant qu’il prononce le non-lieu à l’égard du défendeur du chef des faits de la prévention G et qu’il déclare non fondées les actions civiles des demandeurs I en ce qu’elles reposent sur les faits de la prévention G ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Laisse deux tiers des frais du pourvoi II à charge de l’État ;
Condamne les demandeurs I aux deux tiers des frais du pourvoi I ;
Réserve le surplus des frais afin qu’il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Sidney Berneman, Eric Van Dooren et Steven Van Overbeke, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier délégué Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0758.N
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

L'article 372, alinéa 2, du Code pénal punit l'attentat à la pudeur sans violences ou menaces si le coupable cohabite habituellement ou occasionnellement avec la victime et a autorité sur elle; un beau-père peut être cette personne au sens de ces dispositions; il existe pour cette prévention une présomption irréfragable d'absence de consentement (1). (1) Cass. 30 janvier 2018, RG P.17.0501.N, Pas. 2018, n° 65.

ATTENTAT A LA PUDEUR ET VIOL - Attentat à la pudeur sans violences ou menaces - Personne cohabitant habituellement ou occasionnellement avec la victime et ayant autorité sur elle - Beau-père - Notion - Attentat à la pudeur sans violences ou menaces - Personne cohabitant habituellement ou occasionnellement avec la victime et ayant autorité sur elle - Consentement de la victime - Présomption irréfragable d'absence de consentement - Portée [notice1]

À défaut de conclusions en ce sens, le juge, lorsqu'il apprécie la question de savoir si un prévenu s'est rendu coupable de faits qualifiés d'attentat à la pudeur commis avec violences ou menaces ou de viol sur la personne d'un mineur âgé de plus de 16 ans, ne doit pas expressément indiquer avoir vérifié si la victime avait in concreto les ressources physiques et mentales suffisantes pour ne pas consentir à une relation sexuelle (1). (1) Voir Cass. 9 octobre 2012, RG P.11.2120.N, Pas. 2012, n° 521.

ATTENTAT A LA PUDEUR ET VIOL - Attentat à la peudeur avec violences ou menaces - Mineur âgé de plus de 16 ans - Consentement de la victime - Ressources physiques et mentales - Appréciation - Portée - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises)


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 372, al. 2 - 01 / No pub 1867060850


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-11-17;p.20.0758.n ?

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