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22/10/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0507.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 octobre 2020, C.19.0507.F


N° C.19.0507.F
S. L.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

E. M.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.


I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 j

uin 2019 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 6 octobre 2020, l'avocat général Philippe de Koster ...

N° C.19.0507.F
S. L.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

E. M.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 juin 2019 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 6 octobre 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Articles 2, tel qu'il résulte de la renumérotation de l'article 6 par la loi du 18 juin 2018, 1130, alinéa 2, avant son abrogation par la loi du 31 juillet 2017, 1134, 1338, 1387 et 1388, alinéa 2, ce dernier tant avant qu'après sa modification par la loi du 22 juillet 2018, du Code civil

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt dit l'appel incident du défendeur fondé, met à néant le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur la validité de l'article 4 du contrat de mariage des parties, reçu par le notaire G. le 24 septembre 2010, dit que cet article est nul et que la demanderesse est tenue de rembourser toutes les sommes perçues en exécution de celui-ci, aux motifs que :
« L'article 4 du contrat de mariage
Un pacte sur succession future est en règle prohibé, sauf dans les cas prévus par la loi ;
L'article 1388, alinéa 2, du Code civil déroge à cette prohibition en ce qu'il dispose, dans sa version applicable au litige, que ‘les époux peuvent, par contrat de mariage ou par acte modificatif, si l'un d'eux a à ce moment un ou plusieurs descendants issus d'une relation antérieure à leur mariage ou adoptés avant leur mariage ou des descendants de ceux-ci, conclure, même sans réciprocité, un accord complet ou partiel relatif aux droits que l'un peut exercer dans la succession de l'autre. Cet accord ne porte pas préjudice au droit de l'un de disposer, par testament ou par acte entre vifs, au profit de l'autre et ne peut en aucun cas priver le conjoint survivant du droit d'usufruit portant sur l'immeuble affecté au jour de l'ouverture de la succession du prémourant au logement principal de la famille et des meubles meublants qui le garnissent, aux conditions prévues à l'article 915bis, §§ 2 à 4';
L'article 4 du contrat de mariage stipule que les futurs époux renoncent à leur qualité de successible et prévoit en outre le paiement d'une somme au profit de [la demanderesse] ;
La question se pose dès lors si l'article 1388, alinéa 2, du Code civil autorise uniquement une réduction des droits du conjoint survivant, comme le prétend [le défendeur], ou s'il permet de stipuler une contrepartie à la renonciation aux droits successoraux du conjoint survivant, comme le soutient [la demanderesse] ;
La cour [d'appel] considère, contrairement à [la demanderesse], que l'exception au principe de la prohibition des pactes sur succession future, consacrée par la disposition légale susvisée, ne permet pas de prévoir une contrepartie à la renonciation ;
Comme l'expose à juste titre [le défendeur], l'intention du législateur, en instaurant le pacte ‘Valkeniers', était de protéger les enfants d'une relation antérieure et de ne pas faire obstacle au (re)mariage de leur(s) parent(s) ;
Dans cette optique, seule une restriction des droits successoraux du conjoint survivant doit être autorisée. Une possible extension de ces droits n'atteindrait pas le but poursuivi. Par ailleurs, la précision apportée par l'article 1388, alinéa 2, du Code civil que l'accord ne porte pas préjudice au droit de l'un de disposer, par testament ou par acte entre vifs, au profit de l'autre ne se justifie que parce qu'il n'est pas permis, par la voie d'un pacte ‘Valkeniers', d'accroître les droits de l'époux survivant ;
La cour [d'appel] renvoie pour le surplus expressément à l'analyse du professeur Delnoy [...] suivant laquelle une interprétation du texte de l'article 1388, alinéa 2, du Code civil, qui tire en premier lieu parti de ses origines et de sa genèse, conduit à décider que les époux ou futurs époux sont seulement autorisés à conclure un pacte d'exhérédation, totale ou partielle (sauf la réserve héréditaire ‘concrète'). Il conclut qu'un pacte ‘Valkeniers' est nécessairement un pacte de réduction des droits successoraux légaux du conjoint survivant [P. Delnoy, ‘Le « pacte Valkeniers » (Contrat de mariage et descendants issus d'une relation antérieure ou adoptés avant le mariage)', R.G.D.C., 2007, 330] ;
La cour [d'appel] ne suivra pas non plus le notaire et le premier juge en ce qu'ils ont retenu l'existence de deux dispositions distinctes dans l'article 4 du contrat de mariage, l'une contenant un pacte ‘Valkeniers', l'autre une clause indemnitaire pour la dissolution du mariage par divorce ou décès, toutes deux valables prises séparément ;
Il n'y a pas de doute possible quant au fait que l'engagement [du défendeur] de payer une somme d'argent à [la demanderesse] est indissolublement lié à la renonciation par celle-ci à ses droits successoraux de conjoint survivant. En effet, le texte de l'article 4 du contrat de mariage est clair à cet égard puisqu'il énonce au point 3 que l'engagement de payer est pris ‘en échange de la renonciation de la part de la future épouse, comme dit sub 2', et au point 4 que ‘la renonciation de la part de la future épouse comme précisée sub 2 et l'obligation du futur époux - qui en est la contrepartie - comme précisée sub 3, sont convenues sous la condition résolutoire [...]'. Le texte est clair et il n'est donc pas nécessaire de l'interpréter ;
[La demanderesse] prétend en vain, en ordre subsidiaire, que la nullité dont est atteint l'article 4 du contrat de mariage ne serait que relative ;
La question des pactes sur succession future touche à l'ordre public et la prohibition de ces pactes est dès lors sanctionnée par la nullité absolue ;
Les auteurs cités par [la demanderesse] déduisent a contrario de l'arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 2008 que la prohibition des pactes sur succession future n'intéresse plus l'ordre public depuis la loi du 22 avril 2003 ;
Une doctrine divergente considère au contraire que l'arrêt précité de la Cour de cassation confirme expressément la nullité absolue des pactes sur succession future prohibés (Th. Van Halteren, ‘Quel avenir pour le pacte sur succession future ?', in Actualités en droit patrimonial de la famille, Bruxelles, Bruylant, UB3, 2012, 148) ;
L'on observera que, dans l'espèce qui était soumise à la Cour, les demandeurs en cassation invoquaient la prescription de la demande en nullité, soumise selon eux à un délai de dix ans en vertu de l'article 1304 du Code civil et ce, à compter de l'ouverture de la succession ;
La Cour a jugé qu'en vertu de ‘l'article 1130, alinéa 2, du Code civil, avant sa modification par la loi du 22 avril 2003, on ne peut renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit. Selon le droit en vigueur à ce moment, l'interdiction était d'ordre public et un acte contraire ne pouvait être ratifié. Il s'ensuit que la prescription décennale prévue à l'article 1304 du Code civil pour les actions en nullité ne pouvait s'appliquer. Le moyen qui, en cette branche, fait valoir que, sous l'empire du droit applicable, l'interdiction des stipulations concernant des successions non encore ouvertes n'est que temporaire et est levée après l'ouverture de la succession, permettant la ratification de ces stipulations, manque en droit' ;
En statuant de la sorte, la Cour n'a fait que se prononcer sur le moyen qui était formulé devant elle. Elle n'a pu se prononcer sur la nature de la nullité frappant les pactes prohibés, même si elle a replacé sa décision dans le contexte législatif tel qu'il était libellé par les demandeurs en cassation (l'article 1130, alinéa 2, du Code civil ‘tel qu'il était applicable avant sa modification par l'article 4 de la loi du 22 avril 2003') ;
Le principe demeure que seuls les pactes successoraux expressément autorisés par la loi sont valables, la loi du 22 avril 2003 modifiant certaines dispositions du Code civil relatives aux droits successoraux du conjoint survivant n'ayant apporté qu'une exception supplémentaire au principe de la prohibition. Elle n'a apporté aucune modification de portée générale quant à la nature de la nullité qui frappe les pactes prohibés. En ce qu'ils touchent à l'ordre public, ils sont sanctionnés par la nullité absolue ;
L'on observera encore que l'article 1100/3, alinéa 1er, nouveau du Code civil - certes non applicable en la présente cause - dispose qu'est frappé de nullité absolue tout pacte successoral non autorisé en vertu de la loi. Le législateur a ainsi mis fin à la controverse née de l'arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 2008 quant au caractère absolu ou relatif de la nullité des pactes sur succession future ;
Dès lors que l'article 4 du contrat de mariage litigieux est frappé de nullité absolue, il n'est pas nécessaire d'examiner si [le défendeur] a ou non confirmé ou ratifié le pacte en effectuant des versements au profit de [la demanderesse] à la banque Degroof ».

Griefs

Ainsi que le constate l'arrêt, l'article 4 du contrat de mariage des parties, intitulé « convention concernant les droits successoraux des conjoints (article 1388, alinéa 2, du Code civil) », est libellé comme suit :
« 1. Les futurs époux déclarent tous deux avoir des descendants d'une autre relation antérieure à leur mariage.
2. Les futurs époux conviennent, par application de l'article 1388, alinéa 2, du Code civil, de renoncer à leur qualité de successible et, dès lors, à tous les droits qu'ils pourraient exercer dans la succession de l'autre époux, quels qu'ils soient, à l'exception cependant, le cas échéant, du droit d'usufruit portant sur le bien immeuble affecté, au jour de l'ouverture de la succession de l'autre époux, au logement principal de la famille et des meubles meublants qui le garnissent, selon les conditions prévues à l'article 915bis, §§ 2 à 4, du Code civil, sans préjudice toutefois du droit pour chacun d'eux d'invoquer, le cas échéant, toute disposition légale qui lui permettrait de mettre à néant ledit droit d'usufruit.
3. Les futurs époux conviennent qu'en échange de la renonciation de la part de la future épouse, comme dit sub 2, le futur époux s'oblige à payer à la future épouse une somme en espèces dont le montant et les modalités sont reprises ci-dessous :
a) Le montant de la somme en espèces sera égal au montant de cent vingt mille euros (120.000 euros), augmenté de soixante mille euros (60.000 euros) pour chaque année de mariage écoulée, une année de mariage commencée étant comptée pour une année écoulée.
La formule est donc : x = 120.000 + (60.000 x y), x étant le montant en espèces redevable et y le nombre d'années de mariage des futurs époux.
b) Les montants de soixante mille euros (60.000 euros) seront, sauf autres accords à intervenir entre les futurs époux, indexés annuellement et de plein droit sur la base de l'indice des prix à la consommation (index-santé) - ou de tout autre équivalent si ledit indice venait à être modifié ou supprimé - et ce, à chaque date d'anniversaire de mariage et pour la première fois à la première date d'anniversaire de mariage, selon la formule suivante : montant annuel de 60.000 euros x nouvel indice (le nouvel indice sera celui du mois d'août de l'année de la date d'anniversaire de mariage qui rend ladite somme de soixante-six mille euros redevable)/indice de départ (l'indice de départ est celui d'août 2010).
c) La somme en espèces dont le montant est calculé et indexé comme dit sub 3, a) et b), ne sera exigible qu'après l'écoulement de cent cinquante jours de calendrier à compter du jour de la dissolution du régime matrimonial des futurs époux, ce jour-là non compris, sauf déchéance de terme prévue par la loi.
d) La future épouse ne pourra disposer ni par acte à titre onéreux ni par acte à titre gratuit de la créance lui appartenant en vertu de ce qui précède, et cela jusqu'au jour de l'exigibilité de sa créance comme dit sub 3, c).
e) Le futur époux sera tenu de fournir, à la première demande de la future épouse, une sûreté pour garantir ledit payement ; les débiteurs de la somme en espèces redevables seront le futur époux et, en cas de dissolution du régime matrimonial à la suite du décès du futur époux, ses ayants droit, tenus de façon solidaire et indivisible.
4. La renonciation de la part de la future épouse, comme précisée sub 2, et l'obligation du futur époux - qui en est la contrepartie -, comme précisée sub 3, sont convenues sous la condition résolutoire du prédécès de la future épouse ou du décès concomitant des deux futurs époux.
5. Lesdites renonciations des futurs époux comme dit sub 2 ne font cependant pas obstacle à leur droit de disposer en faveur l'un de l'autre par voie testamentaire ou par acte entre vifs ».
En vertu de l'article 1387 du Code civil, les époux règlent leurs conventions matrimoniales comme ils le jugent à propos, pourvu qu'elles ne contiennent aucune disposition contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs.
En vertu de l'article 1388, alinéa 2, de ce code, issu de la loi du 22 avril 2003 modifiant certaines dispositions du Code civil relatives aux droits successoraux du conjoint survivant, les époux peuvent, par contrat de mariage ou par acte modificatif, si l'un d'eux a à ce moment un ou plusieurs descendants issus d'une relation antérieure à leur mariage ou adoptés avant leur mariage ou des descendants de ceux-ci, conclure, même sans réciprocité, un accord complet ou partiel relatif aux droits que l'un peut exercer dans la succession de l'autre.
Cette disposition constitue une exception expresse à l'interdiction des pactes sur succession future, autrefois inscrite à l'article 1130, alinéa 2, du même code (avant son abrogation par la loi du 31 juillet 2017 modifiant le Code civil en ce qui concerne les successions et les libéralités et modifiant diverses autres dispositions en cette matière, la question étant depuis lors régie par les articles 1100/1 à 1100/7 dudit code), aux termes duquel on ne peut renoncer à une succession non ouverte ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit, sauf dans les cas prévus par la loi - notamment par l'article 1388, alinéa 2, précité.
Au sens de l'article 1130, alinéa 2, du Code civil, un pacte sur succession future s'entend d'une convention par laquelle des droits purement éventuels sont attribués, modifiés ou cédés sur une succession non ouverte ou sur une partie de cette succession. Ne constitue pas un tel pacte, la convention qui confère à une partie un droit dont seule l'exigibilité est différée jusqu'au jour du décès de l'autre partie.

Première branche

L'article 1388, alinéa 2, du Code civil permet aux époux ayant déjà retenu des enfants d'une précédente union de conclure un accord complet ou partiel relatif aux droits que l'un peut exercer dans la succession de l'autre. Ainsi libellée, cette disposition ne vise pas exclusivement une réduction des droits successoraux du conjoint survivant et n'exige pas que l'accord en question consiste en une renonciation pure et simple de ce dernier à ses droits successoraux. Elle n'interdit pas qu'une telle renonciation soit modalisée et notamment, comme en l'espèce, accordée moyennant une contrepartie, telle l'attribution d'une rente dont l'exigibilité est différée jusqu'au jour du décès du prémourant.
Autorisée par les articles 1387 et 1388, alinéa 2, du Code civil, une clause telle que l'article 4 du contrat de mariage des parties ne constitue pas un pacte sur succession future qu'interdisait l'ancien article 1130, alinéa 2, du même code.
Il en résulte qu'en considérant « que l'exception au principe de la prohibition des pactes sur succession future, consacrée par [l'article 1388, alinéa 2, du Code civil], ne permet pas de prévoir une contrepartie à la renonciation » et que « seule une restriction des droits successoraux du conjoint survivant doit être autorisée », et en décidant que l'article 4 du contrat de mariage des parties est nul et ne peut recevoir effet, l'arrêt ajoute à ladite disposition légale une exigence que celle-ci ne contient pas.
Il n'est, partant, pas légalement justifié (violation des articles 1130, alinéa 2, 1134, 1387 et 1388, alinéa 2, du Code civil, le premier avant son abrogation par la loi du 31 juillet 2017).

Seconde branche (subsidiaire)

À supposer que l'article 1388, alinéa 2, du Code civil n'autorise pas les époux à assortir la renonciation de l'un d'eux à ses droits successoraux du versement d'une rente dont l'exigibilité est différée jusqu'au jour du décès du prémourant, la nullité d'une clause telle que l'article 4 du contrat de mariage des parties n'est, sous l'empire du droit résultant de la loi du 22 avril 2003, et à tout le moins avant la réforme issue de la loi du 31 juillet 2017, que relative et non absolue.
En vertu de l'article 1130, alinéa 2, du Code civil, tel qu'il était applicable avant sa modification par la loi du 22 avril 2003, il ne pouvait être renoncé à une succession non ouverte ni fait de stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit, et ce, sans exception. Il en résulte que, selon le droit alors en vigueur, l'interdiction était d'ordre public et un acte contraire ne pouvait être confirmé.
Ladite loi du 22 avril 2003 a modifié l'article 1130, alinéa 2, du Code civil en ce sens qu'on ne peut renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit, sauf dans les cas prévus par la loi. Est ainsi notamment visé l'article 1388, alinéa 2, du même code, issu de cette loi du 22 avril 2003, qui prévoit que les époux peuvent, par contrat de mariage ou par acte modificatif, si l'un d'eux a à ce moment un ou plusieurs descendants issus d'une relation antérieure à leur mariage ou adoptés avant leur mariage, ou des descendants de ceux-ci, conclure, même sans réciprocité, un accord complet ou partiel relatif aux droits que l'un peut exercer dans la succession de l'autre.
Il en résulte qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2003 - et à tout le moins jusqu'à la réforme issue de la loi du 31 juillet 2017, non applicable en l'espèce -, le législateur a expressément permis aux époux de déroger, par contrat de mariage ou acte modificatif, à l'interdiction des pactes sur succession future, et n'a dès lors plus estimé qu'une telle clause serait contraire à l'ordre public, au sens de l'article 2 du Code civil (tel qu'il résulte de la renumérotation de diverses dispositions de ce code issue de la loi du 18 juin 2018 portant des dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges - ancien article 6 dudit code).
De ce que la nullité de la clause d'un contrat de mariage excédant ce que permet l'article 1388, alinéa 2, du Code civil n'est que relative et non absolue, il résulte qu'une telle clause peut faire l'objet d'une confirmation, déduite notamment, au sens de l'article 1338 dudit code, d'une exécution volontaire par le débiteur de l'engagement qu'elle contient, laquelle manifeste son intention de réparer le vice sur lequel une action en nullité serait fondée et emporte dans son chef la renonciation aux moyens et exceptions qu'il pouvait opposer à cet acte.
Partant, en considérant que « la question des pactes sur succession future touche à l'ordre public et que la prohibition de ces pactes est dès lors sanctionnée par la nullité absolue », et que la loi du 22 avril 2003 « n'a apporté aucune modification de portée générale quant à la nature de la nullité qui frappe les pactes prohibés, [qui], en ce qu'ils touchent à l'ordre public, [...] sont sanctionnés par la nullité absolue », en en déduisant que, « dès lors que l'article 4 du contrat de mariage litigieux est frappé de nullité absolue, il n'est pas nécessaire d'examiner si [le défendeur] a ou non confirmé ou ratifié le pacte en effectuant des versements au profit de [la demanderesse] à la banque Degroof » et en décidant que l'article 4 du contrat de mariage est nul et ne peut recevoir effet, l'arrêt n'est pas légalement justifié (violation de toutes les dispositions visées au moyen).

III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

L'article 1388, alinéa 2, du Code civil dispose que les époux peuvent, par contrat de mariage ou par acte modificatif, si l'un d'eux a à ce moment un ou plusieurs descendants issus d'une relation antérieure à leur mariage ou adoptés avant le mariage ou des descendants de ceux-ci, conclure, même sans réciprocité, un accord complet ou partiel relatif aux droits que l'un peut exercer dans la succession de l'autre.
Cette disposition, qui déroge à la prohibition des pactes sur succession future édictée à l'article 1130, alinéa 2, du même code, tel qu'il s'applique au litige, est de stricte interprétation.
L'accord qu'elle autorise ne peut porter que sur les droits que l'un des époux peut exercer dans la succession de l'autre.
Elle exclut, dès lors, que la renonciation de l'un des époux à des droits successoraux soit concédée moyennant une contrepartie étrangère à de tels droits.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 1130, alinéa 2, du Code civil, tel qu'il s'applique au litige, on ne peut faire aucune stipulation sur une succession non ouverte, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit, sauf dans les cas prévus par la loi.
La circonstance que le législateur ait admis des exceptions à la prohibition portée par cette disposition n'affecte pas son caractère d'ordre public.
Une stipulation qui excède les limites de ces exceptions est, dès lors, frappée de nullité absolue et ne peut être couverte.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent seize euros cinquante-deux centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0507.F
Date de la décision : 22/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-10-22;c.19.0507.f ?

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