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23/09/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0402.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 septembre 2020, P.20.0402.F


N° P.20.0402.F
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,

contre

D. D.
prévenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Devaux, avocat au barreau de Namur.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 février 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 11 septembre 2020, l'avocat général Michel Nolet de B

rauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 23 septembre 2020, le président de section Ben...

N° P.20.0402.F
LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,

contre

D. D.
prévenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Devaux, avocat au barreau de Namur.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 février 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 11 septembre 2020, l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 23 septembre 2020, le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur l'ensemble du troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lu en combinaison avec les articles 2, 5 à 9 et 81 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement.

Le demandeur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les poursuites exercées à charge du défendeur au motif que, sous peine de méconnaître le droit à un procès équitable, il ne peut être statué sur la culpabilité d'une personne que l'altération de ses facultés physiques ou psychiques met dans l'impossibilité de se défendre personnellement contre l'accusation dont elle fait l'objet, fût-elle assistée d'un avocat.

Il ne résulte pas de l'article 6 de la Convention que le juge soit tenu de conclure à l'irrecevabilité de la poursuite au seul motif qu'au jour du jugement, le prévenu, sain d'esprit au moment de l'infraction, ne dispose plus des capacités cognitives lui permettant de comprendre le procès qui lui est fait.

Ainsi, à supposer que la capacité mentale du prévenu soit réduite à néant, cette circonstance ne saurait porter en elle-même atteinte à l'essence du procès, qui peut constituer également un enjeu important pour les victimes et pour la société, pour autant que les règles de procédure garantissent la protection de la personne poursuivie.

A cet égard, l'article 9 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement prévoit notamment que l'internement, qui n'est pas une peine mais une mesure de sûreté, peut être prononcé, dans les conditions que cette disposition détermine, à l'égard d'une personne qui est atteinte, au moment de la décision, d'un trouble mental qui abolit sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes. Par ailleurs, l'article 81, § 1er, de cette loi dispose que les juridictions ne peuvent statuer sur les demandes d'internement qu'à l'égard des personnes concernées qui sont assistées ou représentées par un conseil.

Enfin, l'action civile exercée par la victime d'une infraction commise par une personne atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, est subordonnée aux conditions particulières que prévoit l'article 1386bis du Code civil, selon lequel le juge peut la condamner à tout ou partie de la réparation à laquelle elle serait astreinte si elle avait le contrôle de ses actes, mais en statuant selon l'équité, c'est-à-dire tenant compte des circonstances et de la situation des parties.

La loi détermine ainsi les conséquences attachées, tant du point de vue de l'action publique que de celui de l'action civile, au constat, par le juge, que le prévenu est atteint au moment de son procès d'un trouble mental qui abolit sa capacité de discernement.

Il résulte de ces dispositions que la conséquence de pareil constat n'est pas l'irrecevabilité de la poursuite, mais, lorsqu'il est établi que le prévenu a commis les faits, d'une part, l'interdiction, en règle, de le soumettre à une peine et, d'autre part, lorsque l'action civile est exercée, la subordination de sa condamnation à la réparation du préjudice causé par l'infraction au régime prévu par l'article 1386bis du Code civil.

En décidant que les poursuites sont irrecevables après avoir considéré que, atteint d'une maladie dégénérative de type Alzheimer, le défendeur, prévenu du chef de viols et d'attentats à la pudeur avec la circonstance qu'il est le grand-père de la victime, était dans l'incapacité de comprendre les faits qui lui étaient reprochés ainsi que de percevoir les tenants et les aboutissants du procès, fût-il assisté d'un avocat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Il n'y a pas lieu d'avoir égard au surplus du moyen ni aux deux autres moyens, qui ne sauraient entraîner une cassation dans des termes différents de ceux du dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0402.F
Date de la décision : 23/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-23;p.20.0402.f ?

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