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17/09/2020 | BELGIQUE | N°F.20.0003.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 septembre 2020, F.20.0003.F


N° F.20.0003.F
M.-A. L. F.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,



en présence de

D. C.-G.,
partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure dev...

N° F.20.0003.F
M.-A. L. F.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,

en présence de

D. C.-G.,
partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 mai 2019 par la cour d'appel de Liège.
Le 17 août 2020, le procureur général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et le procureur général André Henkes a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Le demandeur présente deux moyens, dont le second est libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 1122, 1124, 1125, 1385decies et 1385undecies du Code judiciaire ;
- article 366 du Code des impôts sur les revenus 1992.
Décisions et motifs critiqués

L'arrêt dit la tierce opposition du demandeur contre le jugement du 16 décembre 2014 irrecevable par tous les motifs relatés dans l'exposé du premier moyen, [savoir que
« En vertu de l'article 1385undecies du Code judiciaire, ‘contre l'administration fiscale, et dans les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er, 32°, l'action n'est admise que si le demandeur a introduit préalablement le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi. L'action est introduite au plus tôt six mois après la date de la réception du recours administratif au cas où ce recours n'a pas fait l'objet d'une décision et, à peine de déchéance, au plus tard dans un délai de trois mois à partir de la notification de la décision relative au recours administratif' ;
En matière d'impôts sur les revenus, celui qui peut introduire le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi, soit en l'occurrence la réclamation, et doit l'avoir introduit au préalable pour disposer du droit d'action, est le redevable de l'impôt ainsi que son conjoint sur les biens duquel l'imposition est mise en recouvrement (cfr article 366 du Code des impôts sur les revenus 1992) ;
En l'espèce, la cotisation litigieuse est une cotisation commune de deux conjoints établie en application de l'article 126 du Code des impôts sur les revenus 1992 et [le demandeur et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] sont les redevables de l'impôt, le premier juge relevant à juste titre à cet égard ‘la qualité de coredevable bicéphale des deux époux, enrôlés conjointement' ;
L'article 1385undecies du Code judiciaire crée une condition de recevabilité spécifique à l'action du redevable de l'impôt ;
Il est judicieusement relevé qu'il s'agit ‘d'une condition liée au droit d'agir lui-même, dont le [non-]respect entraîne une fin de non-recevoir. Il y a irrecevabilité de l'action introduite devant le tribunal de première instance sans l'introduction préalable d'un recours administratif' [...] ;
[Le demandeur], en sa qualité de redevable, n'a pas introduit de recours administratif préalable contre la cotisation litigieuse et n'a du reste introduit aucune action judiciaire dans le délai de trois mois à la suite de la décision directoriale qui lui a été notifiée ;
Il ne dispose par conséquent plus du droit d'action contre la cotisation litigieuse, que ce soit directement ou via une tierce opposition à la suite du jugement rendu par le tribunal de première instance sur l'action de son ex-conjoint également redevable de l'impôt ;
Cette absence du droit d'action [du demandeur] contre la cotisation est indépendante de son régime matrimonial et des pouvoirs des conjoints découlant de celui-ci, l'action judiciaire ayant été en l'espèce introduite par [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] seule, [le demandeur] n'étant pas à la cause dans le jugement qui fait l'objet de la tierce opposition ;
Du reste et surabondamment, si, comme [le demandeur] le pose, ‘en exerçant les recours utiles à l'égard de la dette d'impôt, l'épouse a agi au nom de la communauté et donc au nom des deux époux', ce qui n'est pas le cas dès lors que [le demandeur] n'était pas à la cause, il n'y aurait pas matière à tierce opposition ;
Il s'ensuit que l'action en tierce opposition introduite par [le demandeur] est irrecevable, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge »].

Griefs

Aux termes de l'article 1122, alinéa 1er, du Code judiciaire, toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la cause en la même qualité peut former tierce opposition à la décision, même provisoire, qui préjudicie à ses droits et qui a été rendue par une juridiction civile ou par une juridiction répressive en tant que celle-ci statue sur les intérêts civils.
L'article 1124 du même code dispose que « le défaut d'exercice de la tierce opposition ne prive pas le tiers des droits, actions et exceptions qui lui appartiennent ».
Enfin, suivant l'article 1125,
« La tierce opposition est portée par citation, donnée à toutes les parties, devant le juge qui a rendu la décision attaquée.
Elle peut être formée à titre incident, par conclusions écrites, devant le juge saisi de la contestation, s'il est égal ou supérieur à celui qui a rendu la décision attaquée, pour autant que toutes les parties en présence lors de celle-ci soient en cause.
En cas d'inobservation des règles énoncées au présent article, la tierce opposition ne sera pas admise ».
Ces dispositions sont applicables à la procédure fiscale depuis l'entrée en vigueur des lois des 15 et 23 mars 1999, qui ont notamment instauré les articles 1385decies et 1385undecies du Code judiciaire.
Même si un redevable n'a pas introduit les recours administratif et judiciaire visés par ces deux dernières dispositions, il demeure en mesure d'introduire une tierce opposition contre un jugement qui lui cause un préjudice, à condition de respecter les dispositions légales encadrant cette voie de recours.
Or, l'article 1125 du Code judiciaire ne mentionne aucune exigence relative à l'introduction de recours préalables à laquelle serait subordonnée la recevabilité de la tierce opposition.
L'arrêt, qui décide qu'à défaut d'avoir exercé les recours préalables visés aux articles 1385decies et 1385undecies du Code judiciaire, la tierce opposition du demandeur est irrecevable, viole, partant, toutes les dispositions visées au moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le second moyen :

Aux termes de l'article 1122 du Code judiciaire, toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la cause en la même qualité peut former tierce opposition à la décision, même provisoire, qui préjudicie à ses droits et qui a été rendue par une juridiction civile ou par une juridiction répressive en tant que celle-ci statue sur les intérêts civils.
En vertu de l'article 1125, alinéas 1er et 3, de ce code, la tierce opposition formée à titre principal est portée par citation, donnée à toutes les parties, devant le juge qui a rendu la décision attaquée et, en cas d'inobservation de cette règle, elle ne sera pas admise.
L'article 1385undecies, alinéa 1er, du même code dispose que, contre l'administration fiscale, et dans les contestations visées à l'article 569, alinéa 1er, 32°, soit les contestations relatives à l'application d'une loi d'impôt, l'action n'est admise que si le demandeur a introduit préalablement le recours administratif organisé par ou en vertu de la loi.
Cette disposition, dérogatoire au droit commun et, dès lors, de stricte interprétation, ne s'applique qu'à la contestation portée devant le tribunal de première instance par le redevable de l'impôt mais non à la tierce opposition formée par une personne qui, fût-elle redevable de l'impôt, n'a pas été dûment appelée et n'est pas intervenue à cette contestation.
L'arrêt, qui, pour dire irrecevable la tierce opposition formée à titre principal par le demandeur contre le jugement du tribunal de première instance rejetant la contestation par la partie appelée en déclaration d'arrêt commun de la cotisation à l'impôt des personnes physiques établie au nom de ces deux parties, considère que « [le demandeur], en qualité de redevable, n'a pas introduit de recours contre la cotisation litigieuse » et « ne dispose par conséquent plus du droit d'action contre [celle-ci] via une tierce opposition à la suite du jugement rendu par le tribunal de première instance sur l'action de son ex-conjoint également redevable de l'impôt », viole les dispositions légales précitées.
Le moyen est fondé.
Il n'y a pas lieu d'examiner le premier moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Et le demandeur a intérêt à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la partie appelée à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;
Déclare le présent arrêt commun à D. C.-G. ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence du procureur général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.20.0003.F
Date de la décision : 17/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-17;f.20.0003.f ?

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