La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0294.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 septembre 2020, C.18.0294.F


N° C.18.0294.F
1. ESQUISSE - BUREAU D'ARCHITECTURE, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Huy, rue Saint-Rémy, 10,
2. SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE POUR L'ASSURANCE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE ARCHITECTES - COOPÉRATIVE, société coopérative, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue Tasson-Snel, 22,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177, où il est fait élection de domicile,<

br>
contre

ALLIANZ BENELUX, anciennement dénommée Allianz Belgium, société anonyme, dont l...

N° C.18.0294.F
1. ESQUISSE - BUREAU D'ARCHITECTURE, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Huy, rue Saint-Rémy, 10,
2. SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE POUR L'ASSURANCE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE ARCHITECTES - COOPÉRATIVE, société coopérative, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue Tasson-Snel, 22,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177, où il est fait élection de domicile,

contre

ALLIANZ BENELUX, anciennement dénommée Allianz Belgium, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, rue de Laeken, 35,
défenderesse en cassation.

N° C.18.0611.F
1. J.-F. G. et
2. E. L.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

1. ESQUISSE - BUREAU D'ARCHITECTURE, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Huy, rue Saint-Rémy, 10,
2. SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE POUR L'ASSURANCE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE ARCHITECTES - COOPÉRATIVE, société coopérative, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue Tasson-Snel, 22,
représentées par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177, où il est fait élection de domicile,
3. P. M., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société à responsabilité limitée CGB Construction, dont le siège est établi à Juprelle, chaussée de Tongres, 414,
4. COMMUNE D'ANTHISNES, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Anthisnes, rue de l'Hôtel de ville, 1,
5. ALLIANZ BENELUX, anciennement dénommée Allianz Belgium, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, rue de Laeken, 35,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2017 par la cour d'appel de Liège.
Le 4 mars 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0294.F, les demanderesses présentent un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances ;
- article 62, alinéa 2, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances ;
- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués

L'arrêt condamne les demanderesses à payer, in solidum avec la société privée à responsabilité limitée CGB Construction, 180.170,61 euros, à majorer des intérêts, aux époux G.-L. et, in solidum avec la société CGB Construction et les époux G.-L., 9.680 euros à titre provisionnel à la commune d'Anthisnes ; condamne les époux G.-L. et la société CGB Construction in solidum à payer 3.745,19 euros, soit quatre-vingts pour cent du montant demandé, à majorer des intérêts, à la seconde demanderesse ; condamne la société CGB Construction à garantir les demanderesses des montants qu'elles seraient amenées à devoir payer en principal, intérêts et dépens aux époux G.-L. et à la commune d'Anthisnes au-delà de la part de responsabilité imputée à la première demanderesse et dans les limites de la part de responsabilité attribuée à la société CGB Construction, le tout à majorer des intérêts de retard à dater des décaissements jusqu'au complet paiement.
L'arrêt dit non fondées les demandes des demanderesses contre la défenderesse, c'est-à-dire les demandes tendant à entendre condamner celle-ci à leur rembourser toutes sommes qu'elles seraient amenées à devoir payer en principal, intérêts et dépens aux parties préjudiciées au-delà de la part propre de responsabilité qui sera imputée à la première demanderesse, le tout à majorer des intérêts à dater des décaissements jusqu'au complet remboursement, et à payer à la seconde demanderesse 4.681,49 euros, à majorer des intérêts de retard au taux légal à partir du 7 novembre 2011 jusqu'au complet remboursement et, subsidiairement, 4.681,49 euros dont à déduire la part éventuelle de responsabilité qui serait retenue à la charge de la première demanderesse, sans préjudice des intérêts à partir du 7 novembre 2011 jusqu'au complet remboursement.
L'arrêt décide, quant à l'objet de l'appel des demanderesses, que, « en substance, [celles-ci] concluent au non-fondement des appels interjetés par la commune d'Anthisnes et les époux G.-L. ; [qu']elle[s] [demandent] la réformation du jugement entrepris en tant qu'il retient [leur] responsabilité in solidum [...] avec la société CGB Construction pour l'intégralité des dommages revendiqués par les maîtres de l'ouvrage ; [qu']elles demandent de dire pour droit que [leur] responsabilité [...] n'est aucunement établie à défaut de preuve d'un lien causal certain entre les manquements reprochés à [la première demanderesse] et la survenance du sinistre et, par voie de conséquence, avec les dommages consécutifs revendiqués par les maîtres de l'ouvrage et la commune d'Anthisnes ; [qu']elles demande[nt] aussi que les époux G.-L. soient déboutés de leur demande originaire et de leur appel ; [que la seconde demanderesse] sollicite la condamnation in solidum [de la défenderesse] avec les époux G.-L. et la société CGB Construction à lui payer 4.681,49 euros, à majorer des intérêts de retard au taux légal depuis le 7 novembre 2011 ».
La décision à l'égard de la défenderesse est fondée sur les motifs suivants :
« Garantie de [la défenderesse]
[La défenderesse] estime ne pas devoir couvrir le sinistre et invoque l'article 10.1 des conditions générales de la police d'assurance, qui énonce, sous le titre ‘Exclusions', que, ‘outre les exclusions mentionnées à l'article 20, est exclue votre responsabilité pour les dommages résultant directement et exclusivement du choix des modalités d'exécution des travaux ou de l'insuffisance des mesures élémentaires de prévention' ;
Cette clause n'est pas applicable [...] ;
[La défenderesse] oppose également les articles 20.2, tirets 2 et 3, et 10.6 des conditions générales de la police pour refuser son intervention ;
Selon l'article 20.2, ne sont pas couverts, les dommages causés par votre faute lourde, c'est-à-dire : [...] [tiret 2] : l'acceptation et l'exécution de travaux alors que vous auriez dû être conscient que vous ne disposiez pas de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les engagements pris ; [tiret 3] : les infractions graves aux réglementations sur la sécurité ou aux lois, règlements ou usages propres à vos activités, alors que vous auriez dû savoir qu'il en résulterait presque inévitablement un dommage ;

En l'espèce, la société CGB Construction ne disposait pas de plans précis d'exécution mais simplement des plans destinés à l'obtention du permis d'urbanisme, qui mentionnaient des vides ventilés. La société CGB Construction a accepté d'effectuer des terrassements plus importants pour permettre la réalisation de caves et ce, sans en référer à l'architecte. Elle devait savoir qu'elle ne disposait pas des connaissances techniques suffisantes en matière de stabilité pour apprécier la faisabilité de tels terrassements. La société CGB Construction n'est ni architecte ni ingénieur en stabilité, et elle ne disposait pas des connaissances techniques requises pour s'écarter du plan de l'architecte ;
[Elle] a dès lors commis une faute lourde au sens de l'article 20.2 des conditions générales de la police d'assurance. Cet article n'est pas rédigé en des termes vagues ou généraux. Il fait référence à la nécessité d'être conscient de ne pas disposer de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les travaux. Cet article permet à un entrepreneur de cerner aisément les comportements qui sont constitutifs de faute lourde ;
Dès ses premières conclusions de première instance dans le cadre de la procédure au fond, [la défenderesse] a opposé l'article 20 des conditions générales de la police d'assurance. Il ne peut lui être fait grief d'avoir invoqué tardivement cette disposition ;
Il s'ensuit [qu'elle] est fondée à ne pas couvrir le sinistre. Il n'est pas nécessaire d'examiner l'article 10.6 des conditions générales ;
[...] Dommage de [la seconde demanderesse]
[La seconde demanderesse demande] le paiement de 4.681,49 euros, à majorer des intérêts à partir du 7 novembre 2011, représentant les frais de sauvegarde qu'elle a exposés ;
Ce montant est justifié par la facture du 30 septembre 2011 figurant en pièce 41 de son dossier ;
[La seconde demanderesse] est fondée à obtenir la condamnation in solidum des époux G.-L. et de la société CGB Construction à quatre-vingts pour cent de ce montant. [La défenderesse] ne peut y être condamnée étant donné que, comme il a été exposé, elle ne couvre pas le sinistre ;
[...] Demande en garantie [des demanderesses] contre la société CGB Construction et [la défenderesse]
[Les demanderesses] introduisent ‘un recours contributoire contre, in solidum, la société CGB Construction et [la défenderesse] et ce, jusqu'à concurrence de toutes sommes qu'elles seraient amenées à devoir décaisser au profit des préjudiciés au-delà de la part propre de responsabilité qui serait le cas échéant retenue à la charge de [la première demanderesse] et ce, maximum, jusqu'à la hauteur de la responsabilité propre de l'entrepreneur' ;
Comme il a été exposé, [la défenderesse] ne couvre pas le sinistre ;
Par conséquent, les demandes [des demanderesses contre la défenderesse] ne sont pas fondées ;
[...] Demande incidente de [la seconde demanderesse] contre les époux G.-L., la société CGB Construction et [la défenderesse]
[La seconde demanderesse demande] la condamnation in solidum des époux G.-L., de la société CGB Construction et de [la défenderesse] au paiement de 4.681,49 euros correspondant aux frais de sauvegarde dont elle a fait l'avance ;
Cette demande n'est pas fondée à l'égard de [la défenderesse] étant donné qu'elle ne couvre pas le sinistre ».

Griefs

Première branche

1. Les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil interdisent au juge de méconnaître la foi due aux actes sur lesquels il fonde sa décision.
Le juge méconnaît la foi due à un acte (tel que des conclusions des parties) s'il donne de cet acte une interprétation qui est totalement inconciliable avec ses termes et sa portée. Tel est le cas si le juge décide que l'acte contient une affirmation qui ne s'y trouve pas ou s'il refuse de lui attribuer une affirmation qui s'y trouve.
2. Dans leurs conclusions de synthèse d'appel, les demanderesses critiquaient le jugement entrepris :
« - en tant qu'il déclare non fondée l'action subsidiaire contributoire en garantie diligentée par elles contre la [défenderesse] en vue de récupérer à sa charge, in solidum avec son assurée, la société CGB Construction, toutes sommes que les [demanderesses] seraient amenées à devoir payer in solidum aux parties préjudiciées au-delà de la propre part de responsabilité éventuelle retenue à la charge de [la première demanderesse] et à hauteur, au maximum, de la part de responsabilité retenue à la charge de l'entrepreneur et ce, au motif, erroné suivant les [demanderesses], retenu par le premier juge selon lequel le sinistre rentrerait dans le cadre de l'article 10.1 des conditions générales stipulant expressément une exclusion ‘pour les dommages résultant directement et exclusivement du choix des modalités d'exécution', alors que telle n'est pas la thèse retenue par le premier juge lui-même quant aux éléments générateurs fautifs retenus qui auraient contribué à la survenance du sinistre pour lequel il retient en effet une responsabilité in solidum de l'architecte, des maîtres de l'ouvrage et de l'entrepreneur qui, selon sa propre thèse, n'est donc pas le responsable ‘exclusif' de la situation dommageable non exclusivement due au choix des modalités d'exécution ou à une insuffisance des mesures de protection imputable à la société CGB Construction ;
Les [demanderesses] estiment également, à l'instar des parties G.-L. et de la société CGB Construction, que les autres moyens soulevés par la [défenderesse] pour tenter de justifier son refus d'intervention ne sont pas davantage fondés ;
- en tant qu'il déclare non fondée l'action incidente diligentée par la [seconde demanderesse] contre la [défenderesse], in solidum avec les parties CGB Construction et G.-L., en récupération des frais de sauvegarde avancés par elle, soit 4.681,49 euros, à majorer des intérêts au taux légal à partir du 7 novembre 2011 et des dépens de cette action incidente, pour les mêmes motifs - exposés ci-avant - que ceux qui ont été retenus du chef du rejet - estimé non fondé - de l'action subsidiaire contributoire en garantie diligentée contre la [défenderesse] ».

Les demanderesses demandaient à la cour d'appel de réformer le jugement entrepris en ce qu'il avait dit non fondé leur recours contributoire contre la défenderesse et rejeté la demande incidente de la seconde demanderesse contre la défenderesse, et, partant, de condamner la défenderesse à rembourser aux demanderesses toutes sommes qu'elles seraient amenées à devoir payer en principal, intérêts et dépens aux parties préjudiciées au-delà de la part propre de responsabilité qui sera imputée à la première demanderesse, le tout à majorer des intérêts à dater des décaissements jusqu'au complet remboursement, à payer à la seconde demanderesse 4.681,49 euros, à majorer des intérêts de retard au taux légal à partir du 7 novembre 2011 jusqu'au complet remboursement et, subsidiairement, 4.681,49 euros dont à déduire la part éventuelle de responsabilité qui serait retenue à la charge de la première demanderesse, sans préjudice des intérêts à partir du 7 novembre 2011 jusqu'au complet remboursement.
3. Dans la mesure où, en constatant que les demanderesses concluent au non-fondement des appels interjetés par la commune d'Anthisnes et les époux G.-L., demandent la réformation du jugement entrepris en tant qu'il retient la responsabilité in solidum des demanderesses avec la société CGB Construction pour l'intégralité des dommages revendiqués par les maîtres de l'ouvrage et demandent de dire pour droit que la responsabilité des demanderesses n'est pas établie, de sorte que les époux G.-L. soient déboutés de leur demande originaire et de leur appel, et sollicitent la condamnation in solidum [de la défenderesse] avec les époux G.- L. et la société CGB Construction à payer un montant de 4.681,49 euros à la seconde demanderesse, il décide que les demanderesses n'ont pas formé appel contre la décision qui déclare non fondé leur recours contributoire contre la défenderesse, l'arrêt considère que les conclusions de synthèse d'appel des demanderesses ne contiennent pas une affirmation qui s'y trouve et méconnaît partant la foi due à ces conclusions.
Il viole ainsi les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Seconde branche

4. En vertu de l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, et de l'article 62, alinéa 2, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, l'assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire ; toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat.
Ces dispositions excluent l'exonération de l'assureur pour des cas de faute lourde déterminés en termes généraux.
5. L'arrêt constate que, selon l'article 20.2 des conditions générales de la police d'assurance de la responsabilité civile exploitation conclue par l'entrepreneur CGB Construction avec la défenderesse, « ne sont pas couverts, les dommages causés par votre faute lourde, c'est-à-dire : [tiret 2] : l'acceptation et l'exécution de travaux alors que vous auriez dû être conscient que vous ne disposiez pas de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les engagements pris ; [tiret 3] : les infractions graves aux réglementations sur la sécurité ou aux lois, règlements ou usages propres à vos activités, alors que vous auriez dû savoir qu'il en résulterait presque inévitablement un dommage ».
Ces deux clauses (article 20.2, tiret 2, et article 20.2, tiret 3) exonèrent l'assureur pour des cas de faute lourde déterminés en termes généraux et ne répondent partant pas à la prescription de l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, et de l'article 62, alinéa 2, de la loi du 4 avril 2014.

6. L'arrêt décide que la société CGB Construction, assurée de la défenderesse, a commis une faute lourde au sens de l'article 20.2 des conditions générales de la police d'assurance parce qu'elle ne disposait pas de plans précis d'exécution mais simplement des plans destinés à l'obtention du permis d'urbanisme, qui mentionnaient des vides ventilés, qu'elle a accepté d'effectuer des terrassements plus importants pour permettre la réalisation de caves et ce, sans en référer à l'architecte, qu'elle devait savoir qu'elle ne disposait pas des connaissances techniques suffisantes en matière de stabilité pour apprécier la faisabilité de tels terrassements, et qu'elle n'est ni architecte ni ingénieur en stabilité et ne disposait pas des connaissances techniques requises pour s'écarter du plan de l'architecte.
Contrairement à ce que décide l'arrêt, la circonstance que l'article 20.2 des conditions générales fait référence à la nécessité d'être conscient de ne pas disposer de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les travaux ne permet pas de décider que cette disposition permet à un entrepreneur de cerner aisément les comportements qui sont constitutifs de faute lourde et ne permet partant pas de conclure que cette disposition n'est pas rédigée en des termes vagues ou généraux.
7. En décidant que la défenderesse est fondée, en vertu de l'article 20.2, tiret 2, des conditions générales de la police d'assurance, à ne pas couvrir le sinistre, cet article n'étant pas rédigé en termes vagues ou généraux, l'arrêt viole l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, et l'article 62, alinéa 2, de la loi du 4 avril 2014.
Il viole également les articles 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, et 62, alinéa 2, de la loi du 4 avril 2014 dans la mesure où la décision que la défenderesse ne couvre pas le sinistre est fondée sur l'article 20.2, tiret 3, des conditions générales de la police d'assurance, cette stipulation contractuelle ne répondant pas davantage aux prescriptions de ces dispositions légales.

À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0611.F, les demandeurs présentent trois moyens, dont les deux premiers sont libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

- article 8 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances ;
- en tant que de besoin, article 62 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt « ordonne la jonction des causes [...] ; reçoit les appels et les demandes incidentes ; réforme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il reçoit les demandes ; dit les demandes de J.-F. G., d'E. L., de la société à responsabilité limitée Esquisse - Bureau d'Architecture, de la Société coopérative pour l'assurance de la responsabilité civile professionnelle architectes - Coopérative et de la commune d'Anthisnes non fondées à l'égard de la société anonyme Allianz Belgium, et condamne J.-F. G. et E. L. aux dépens liquidés pour la société Allianz Belgium à 16.800 euros », par l'ensemble de ses motifs tenus ici pour intégralement reproduits et, en particulier, par les motifs suivants :
« Garantie de la société Allianz
La société Allianz estime ne pas devoir couvrir le sinistre et invoque l'article 10.1 des conditions générales de la police d'assurance, qui énonce, sous le titre ‘Exclusions', que, ‘outre les exclusions mentionnées à l'article 20, est exclue votre responsabilité pour les dommages résultant directement et exclusivement du choix des modalités d'exécution des travaux ou de l'insuffisance des mesures élémentaires de prévention' ;
Cette clause n'est pas applicable étant donné que le dommage des maîtres de l'ouvrage ne résulte pas exclusivement du choix des modalités d'exécution des travaux ou de l'insuffisance des mesures élémentaires de prévention. Il résulte également, comme il a été exposé, de l'immixtion des maîtres de l'ouvrage, qui sont convenus avec l'entrepreneur de réaliser des caves alors que l'architecte les avait mis en garde au sujet du danger que cela présentait. Les maîtres de l'ouvrage se sont immiscés, non dans les modalités d'exécution des travaux, mais dans la conception, en convenant de terrassements plus importants que prévus ;
La société Allianz oppose également les articles 20.2, tirets 2 et 3, et 10.6 des conditions générales de la police pour refuser son intervention ;
Selon l'article 20.2, ne sont pas couverts, les dommages causés par votre faute lourde, c'est-à-dire : [...] [tiret 2] : l'acceptation et l'exécution de travaux alors que vous auriez dû être conscient que vous ne disposiez pas de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les engagements pris ; [tiret 3] : les infractions graves aux réglementations sur la sécurité ou aux lois, règlements ou usages propres à vos activités, alors que vous auriez dû savoir qu'il en résulterait presque inévitablement un dommage ;
En l'espèce, la société CGB Construction ne disposait pas de plans précis d'exécution mais simplement des plans destinés à l'obtention du permis d'urbanisme, qui mentionnaient des vides ventilés. La société CGB Construction a accepté d'effectuer des terrassements plus importants pour permettre la réalisation de caves et ce, sans en référer à l'architecte. Elle devait savoir qu'elle ne disposait pas des connaissances techniques suffisantes en matière de stabilité pour apprécier la faisabilité de tels terrassements. Elle n'est ni architecte ni ingénieur en stabilité et elle ne disposait pas des connaissances techniques requises pour s'écarter du plan de l'architecte ;
[Elle] a dès lors commis une faute lourde au sens de l'article 20.2 des conditions générales de la police d'assurance. Cet article n'est pas rédigé en des termes vagues ou généraux. Il fait référence à la nécessité d'être conscient de ne pas disposer de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les travaux. Cet article permet à un entrepreneur de cerner aisément les comportements qui sont constitutifs de faute lourde ;
Dès ses premières conclusions de première instance dans le cadre de la procédure au fond, [la défenderesse] a opposé l'article 20 des conditions générales de la police d'assurance. Il ne peut lui être fait grief d'avoir invoqué tardivement cette disposition ».
L'arrêt en déduit qu'« il s'ensuit que la société Allianz est fondée à ne pas couvrir le sinistre » et qu'« il n'est pas nécessaire d'examiner l'article 10.6 des conditions générales ».

Griefs

1. Aux termes de l'article 8 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, telle qu'elle était applicable aux faits, avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, ainsi qu'aux termes de l'article 62 de cette dernière loi,
« L'assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire. Toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat.
Le Roi peut établir une liste limitative des faits qui ne peuvent être qualifiés de faute lourde ».
Il s'en déduit que l'assureur répond, en principe, des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur, de l'assuré ou du bénéficiaire et ne peut s'exonérer de ses obligations que pour certains cas de faute lourde, seulement s'ils sont déterminés expressément et limitativement dans le contrat.
La faute lourde consiste en la violation d'une obligation essentielle d'un contrat, qui en bouleverse l'économie ou l'équilibre.
L'obligation essentielle de l'entrepreneur dans le secteur de la construction immobilière consiste en l'exécution du travail promis en respectant les règles de l'art de la profession, y compris lorsque le maître de l'ouvrage n'a pas désigné d'architecte pour assurer le contrôle de l'exécution des travaux.
L'entrepreneur assume également, par essence, envers le maître de l'ouvrage un devoir de conseil qui lui impose de prévoir les conséquences de ses travaux ou prestations, sans pouvoir s'exonérer de sa responsabilité lorsque les défauts qui pourraient résulter des choix que lui impose le maître de l'ouvrage sont de nature à compromettre la stabilité de l'édifice.
Partant, pour un entrepreneur dans le secteur immobilier, l'acceptation et l'exécution de travaux alors qu'il aurait dû être conscient qu'il ne disposait pas de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les engagements pris constituent la violation d'une obligation essentielle du contrat d'entreprise, entraînant nécessairement la commission d'une faute pouvant être qualifiée de « lourde ».
Par ailleurs, les conditions générales peuvent être définies comme des clauses élaborées par un professionnel ou un secteur professionnel et destinées à régir les relations contractuelles entre ces entreprises et leurs clients à propos d'une série de questions générales, qui ne font plus ensuite l'objet de discussions lors de la conclusion de chaque contrat individuel.
Il résulte du rapprochement des règles qui précèdent que
- l'acceptation et l'exécution de travaux avec la conscience de ne pas disposer de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir les exécuter constituent toujours une faute lourde de l'entrepreneur, preneur d'assurance, couverte en principe par le contrat d'assurance ;
- l'exonération de ses obligations par l'assureur pour les cas de faute lourde ne peut reposer sur une clause insérée dans des conditions générales, à défaut d'avoir été, de la sorte, « expressément et limitativement » déterminés dans le contrat, au sens des dispositions légales visées au moyen.
2. Après avoir constaté que, « selon l'article 20.2 [des conditions générales de la société Allianz], ne sont pas couverts : les dommages causés par votre faute lourde, c'est-à-dire : [tiret 2] l'acceptation et l'exécution de travaux alors que vous auriez dû être conscient que vous ne disposiez pas de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les engagements pris », l'arrêt décide que « la société CGB Construction a commis une faute lourde au sens de l'article 20.2 des conditions générales de la police d'assurance », en se fondant sur les motifs que « cet article n'est pas rédigé en des termes vagues ou généraux ; [qu']il fait référence à la nécessité d'être conscient de ne pas disposer de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les travaux ; [qu']il permet à un entrepreneur de cerner aisément les comportements qui sont constitutifs d'une faute lourde ; [que] la société CGB Construction ne disposait pas de plans précis d'exécution mais simplement de plans destinés à l'obtention du permis d'urbanisme, qui mentionnaient des vides ventilés ; [que] la société CGB Construction a accepté d'effectuer des terrassements plus importants pour permettre la réalisation de caves et ce, sans en référer à l'architecte ; [qu']elle devait savoir qu'elle ne disposait pas des connaissances techniques suffisantes en matière de stabilité pour apprécier la faisabilité de tels terrassements, [et que] la société CGB Construction n'est ni architecte ni ingénieur en stabilité et ne disposait pas des connaissances techniques requises pour s'écarter du plan de l'architecte ».
Or, l'article 20.2, tiret 2, des conditions générales de la société Allianz décrit, de manière générale, le contenu de toute faute lourde commise par un entrepreneur dans le secteur immobilier et ne détermine nullement de manière expresse et limitative les cas de faute lourde dont l'assureur peut s'exonérer. Leur insertion dans les conditions générales est d'ailleurs, en elle-même, eu égard précisément à ce caractère de généralité, incompatible avec les exigences posées par les dispositions légales visées au moyen.
3. L'arrêt, qui, sur la base des considérations qui précèdent, décide que l'article 20.2, tiret 2, des conditions générales de la société Allianz permet à celle-ci de s'exonérer de ses obligations, n'est pas légalement justifié au regard des dispositions légales visées au moyen.

Deuxième moyen

Dispositions légales violées

Articles 1134, 1135, 1142, 1149, 1150, 1151, 1382, 1383, 1710, 1711, 1779, 1787 et 1792 du Code civil

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt « ordonne la jonction des causes ; reçoit les appels et les demandes incidentes ; réforme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il reçoit les demandes ; condamne in solidum la société à responsabilité limitée Esquisse -Bureau d'architecture, la Sociéte coopérative pour l'assurance de la responsabilité civile professionnelle architectes - Coopérative et la société privée à responsabilité limitée CGB Construction à payer à J.-F. G. et E. L. 180.170,61 euros, à majorer des intérêts de retard au taux légal sur les sommes de : - 91.105,26 euros depuis le 3 décembre 2013 ; -4.063,53 euros depuis le 3 décembre 2013 ; - 45.177,64 euros depuis le 3 décembre 2013 ; - 12.168,17 euros depuis le 31 décembre 2012 ; - 2,425 euros depuis le 3 décembre 2013 ; - 19.150,13 euros depuis le 19 octobre 2012 ; - 2.910 euros depuis le 3 décembre 2013, et - 3.170,88 depuis le 19 octobre 2012 », par l'ensemble de ses motifs tenus ici pour intégralement reproduits et, en particulier, par les motifs suivants :

« Dommages des époux G.-L. - Coût de la reconstruction de l'immeuble
L'expert judiciaire a procédé à deux évaluations, l'une sans tenir compte de la vétusté de l'immeuble, l'autre en la prenant en compte. La première aboutit à 146.537,42 euros, y compris la taxe sur la valeur ajoutée, la seconde, à 103.602,95 euros, y compris la taxe sur la valeur ajoutée.
Il échet d'observer que l'ensemble de l'immeuble ne doit pas être reconstruit mais uniquement la partie arrière ;
Les époux G.-L. contestent l'application d'une moins-value pour vétusté ;
L'expert a expliqué que ‘ces anciens murs enterrés sont donc fréquemment assemblés par des mortiers qui ne comprennent plus que le sable et qui ne présentent plus aucune adhérence ; [que] ces murs n'assurent donc plus la stabilité que par un effet de masse [...] ; [que] la mise en butée de tels murs par des talus participe donc à la stabilité de l'ensemble ; [que] cette information sur l'état général des mortiers des murs enterrés et leur dégradation consécutive aux sollicitations de l'humidité explique la raison pour laquelle un coefficient de vétusté a été calculé [...] ; [que], compte tenu de la situation d'un immeuble constitué d'une maçonnerie de moellons assemblés au mortier de chaux et du fait que la base des maçonneries était enfouie, il avait été proposé d'estimer une dépréciation pour cause de vétusté ; [que] la dégradation des mortiers par délitement se marque progressivement ; [qu']elle [est] donc directement liée à l'âge des maçonneries ; [qu']on peut donc considérer que la cohésion des maçonneries est assurée pendant la première moitié de la vie de l'immeuble puis qu'elle se perd progressivement durant la seconde moitié' ;
L'expert indique que ‘le problème n'est pas de savoir si l'on pouvait prolonger artificiellement la vie de l'immeuble mais bien de mesurer les investissements à consacrer pour cette prolongation qui, à partir d'un certain âge, peuvent devenir contre-nature' ;
Il s'ensuit que le premier juge a retenu à bon droit une moins-value en estimant qu'il doit être tenu compte de la précarité des fondations, qui justifie qu'il soit tenu compte d'un coefficient de vétusté. Celle-ci s'applique sur l'ensemble des travaux de reconstruction mais pas sur des travaux de démolition de demi-cloisons de l'étage et de nettoyage des moellons ;
L'expert prend en compte à juste titre une vétusté de 44 p.c. mais il retient erronément un montant de 103.602,95 euros, y compris la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il obtient en déduisant 42.934,47 euros d'un montant de 146.537,42 euros ;
Ce montant de 146.537,42 euros comprend un montant de 9.680 euros, soit 8.000 euros majorés de la taxe sur la valeur ajoutée, qui ne doit pas être alloué aux époux G.-L. mais à la commune d'Anthisnes, comme il a été exposé. En effet, ce montant de 9.680 euros concerne les travaux de voirie ».
L'arrêt en déduit qu'« il doit être accordé aux époux G.-L. pour le coût de la reconstruction de l'immeuble un montant de 93.922,95 euros, soit 136.857,42 euros (146537,42 - 9.680) - 42.934,47 euros ».

Griefs

1. En règle, le responsable doit assurer la réparation intégrale du dommage subi par la victime, ce qui implique que la victime soit replacée dans l'état où elle se serait trouvée en l'absence du fait générateur. La réparation doit porter sur tous les aspects du dommage réparable.
2. Après avoir constaté que « les époux G.-L. étaient propriétaires d'un immeuble sis à [...] ; [qu']ils ont chargé la société Esquisse - Bureau d'Architecture [...] d'une mission pour la transformation et l'agrandissement de leur immeuble [...] ; [que] la société CGB Construction a réalisé les travaux de terrassement ; [qu']elle est assurée en responsabilité civile exploitation auprès de la société Allianz Belgium » ; [que], le 8 septembre 2011, « en début d'après-midi, l'immeuble s'est effondré », [et que] la partie arrière de l'immeuble doit être reconstruite, l'arrêt décide « que le premier juge a retenu à bon droit une moins-value en estimant qu'il doit être tenu compte de la précarité des fondations, qui justifie qu'il soit tenu compte d'un coefficient de vétusté, [et que] celle-ci s'applique sur l'ensemble des travaux de reconstruction mais pas sur des travaux de démolition de demi-cloisons de l'étage et de nettoyage des moellons », en se fondant sur les motifs que
« L'expert a expliqué que ‘ces anciens murs enterrés sont donc fréquemment assemblés par des mortiers qui ne comprennent plus que le sable et qui ne présentent plus aucune adhérence ; [que] ces murs n'assurent donc plus la stabilité que par un effet de masse [...] ; [que] la mise en butée de tels murs par des talus participe donc à la stabilité de l'ensemble ; que cette information sur l'état général des mortiers des murs enterrés et leur dégradation consécutive aux sollicitations de l'humidité explique la raison pour laquelle un coefficient de vétusté a été calculé [...] ; [que], compte tenu de la situation d'un immeuble constitué d'une maçonnerie de moellons assemblés au mortier de chaux et du fait que la base des maçonneries était enfouie, il avait été proposé d'estimer une dépréciation pour cause de vétusté ; [que] la dégradation des mortiers par délitement se marque progressivement ; [qu']elle [est] donc directement liée à l'âge des maçonneries ; [qu']on peut donc considérer que la cohésion des maçonneries est assurée pendant la première moitié de la vie de l'immeuble puis qu'elle se perd progressivement durant la seconde moitié' ;
L'expert indique que ‘le problème n'est pas de savoir si l'on pouvait prolonger artificiellement la vie de l'immeuble mais bien de mesurer les investissements à consacrer pour cette prolongation qui, à partir d'un certain âge, peuvent devenir contre-nature' ».
Il ne ressort ni des motifs précités ni d'aucun autre que les murs enterrés n'assuraient plus leur fonction de stabilité en raison de leur vétusté ni que cette vétusté fût partiellement à l'origine de l'effondrement et donc du dommage. Il n'en ressort pas davantage que les murs enterrés ne fussent pas à reconstruire également, comme l'ensemble de l'arrière du bâtiment.
Au contraire, l'arrêt relève que ces murs assuraient « la stabilité par un effet de masse » et que « la mise en butée de tels murs par des talus participe donc à la stabilité de l'ensemble ».
3. L'arrêt, qui, sur la base des considérations qui précèdent, décide d'appliquer un coefficient de vétusté pour la reconstruction de l'immeuble effondré, méconnaît le principe de la réparation intégrale en matière de responsabilité civile et viole les dispositions légales visées au moyen.

III. La décision de la Cour

Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt ; il y a lieu de les joindre.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0294.F :

Sur le moyen :

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, applicable au litige, l'assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire ; toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat.
Cette disposition exclut que l'assureur s'exonère de sa garantie pour des cas de faute lourde de l'assuré déterminés en termes généraux.
L'arrêt retient la responsabilité de la société CGB Construction, entrepreneur général « assuré en responsabilité civile exploitation auprès de [la défenderesse] », dans l'effondrement de l'immeuble litigieux au motif qu'elle « a accepté d'effectuer des terrassements plus importants pour permettre la réalisation de caves et ce, sans en référer à l'architecte », alors qu'elle « ne disposait pas de plans précis d'exécution mais simplement des plans destinés à l'obtention du permis d'urbanisme, qui mentionnaient des vides ventilés », et que, n'étant « ni architecte ni ingénieur en stabilité », elle « devait savoir qu'elle ne disposait pas des connaissances techniques suffisantes en matière de stabilité pour apprécier la faisabilité de tels terrassements ».
Il relève que « [la défenderesse] estime ne pas devoir couvrir le sinistre [sur la base] de l'article 20.2 (tirets 2 et 3) [des conditions générales de la police d'assurance, selon lequel] ‘ne sont pas couverts : les dommages causés par votre faute lourde, c'est-à-dire : [-] l'acceptation et l'exécution de travaux, alors que vous auriez dû être conscient que vous ne disposiez pas de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les engagements pris ; [-] les infractions graves aux réglementations sur la sécurité ou aux lois, règlements ou usages propres à vos activités, alors que vous auriez dû savoir qu'il en résulterait presque inévitablement un dommage' ».
L'arrêt, qui considère que « cet article n'est pas rédigé en des termes vagues ou généraux » dès lors qu'« il fait référence à la nécessité d'être conscient de ne pas disposer de la compétence nécessaire, des connaissances techniques, des moyens humains ou matériels pour pouvoir exécuter les travaux » et « permet à un entrepreneur de cerner aisément les comportements qui sont constitutifs de faute lourde », et que l'entrepreneur « a commis une faute lourde au sens de [cette disposition] », en sorte que la défenderesse « est fondée à ne pas couvrir le sinistre », viole l'article 8, alinéa 2, précité.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0611.F :

Sur le premier moyen :

Il résulte de la réponse à la seconde branche du moyen du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0294.F que le moyen, en cette branche, similaire à celui-là, est fondé.

Sur le deuxième moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la quatrième défenderesse et déduite du défaut d'intérêt :

L'accueil du premier moyen prive la fin de non-recevoir de fondement.
Celle-ci ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen :

Celui qui, par sa faute, a causé un dommage à autrui est tenu de le réparer et la victime a droit, en règle, à la réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi.
Celui dont la chose est endommagée par un acte illicite a droit à la reconstitution de son patrimoine par la remise de la chose dans l'état où elle se trouvait avant ledit acte.
En règle, la personne lésée peut, dès lors, réclamer le montant nécessaire pour faire réparer la chose, sans que ce montant puisse être diminué en raison de la vétusté de la chose endommagée.
L'arrêt relève que « l'expert judiciaire a expliqué que ‘le sinistre trouve son origine dans les terrassements effectués en bordure d'une maison d'habitation partiellement enfouie dans un talus' et que ‘les terrassements réalisés ont supprimé les effets de contrebutage des terres vis-à-vis des maçonneries' », que « l'ensemble de l'immeuble ne doit pas être reconstruit mais uniquement la partie arrière » et que « l'expert a expliqué que ‘ces anciens murs enterrés sont [...] fréquemment assemblés par des mortiers qui ne comprennent plus que le sable et qui ne présentent plus aucune adhérence ; [que] ces murs n'assurent donc plus la stabilité que par un effet de masse ; [que] la mise en butée de tels murs par des talus participe donc à la stabilité de l'ensemble ; [que] cette information sur l'état général des mortiers des murs enterrés et leur dégradation consé[cutive] aux sollicitations de l'humidité explique la raison pour laquelle un coefficient de vétusté a été calculé, [et que] la dégradation des mortiers par délitement se marque progressivement ; [qu']elle [est] donc directement liée à l'âge des maçonneries' ».
L'arrêt, qui décide d'appliquer à « l'ensemble des travaux de reconstruction » un coefficient de vétusté de 44 p.c. en sorte que l'indemnité de reconstruction allouée aux demandeurs est diminuée d'autant au motif « qu'il doit être tenu compte de la précarité des fondations », viole le principe de la réparation intégrale du dommage.
Le moyen est fondé.

Et il n'y a lieu d'examiner ni la première branche du moyen du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0294.F ni le troisième moyen du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0611.F, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.18.0294.F et C.18.0611.F ;
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il accorde à J.-F. G. et E. L. la somme de 93.922,95 euros pour le coût de la reconstruction de l'immeuble, qu'il dit les demandes de J.-F. G., d'E. L., de la société à responsabilité limitée Esquisse - Bureau d'architecture et de la Société coopérative pour l'assurance de la responsabilité civile professionnelle architectes - Coopérative non fondées à l'égard de la société anonyme Allianz Benelux et qu'il condamne J.-F. G. et E. L. aux dépens à l'égard de cette dernière ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Eric Dirix, Koen Mestdagh et Geert Jocqué, les conseillers Michel Lemal, Bart Wylleman, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique et plénière du dix-sept septembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0294.F
Date de la décision : 17/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-17;c.18.0294.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award